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Une fois de plus j’ai eu tort d’espérer : ce n’est pas avec 13 Blues For Thirteen Moons qu’A Silver Mt Zion -ou quel que soit le nom de ce groupe, puisqu’il en change tout le temps- va revenir au dépouillement mémorable et quasi instrumental de ses débuts. Les voix sont toujours aussi présentes, c’est un fait tellement accompli qu’il semble irréversible et celle d’Efrim domine les autres par ses chevrotements hallucinés. Mais on s’y fait à cette voix. On en vient même à l’apprécier un peu, malgré sa préciosité, son maniérisme, ses tics christiques. Parce que derrière la voix il y a la musique et que celle-ci à plusieurs moments peut s’avérer franchement intéressante. Il est de plus en plus évident qu’A Silver Mt Zion n’a plus rien d’un collectif et sert d’écrin de luxe à Efrim. Que le groupe s’installe sur scène en arc de cercle et transforme ses chansons en hymnes pour boys scouts réunis le soir autour d’un bon feu et d’une guitare (en bois pourtant : dommage qu’ils ne pensent pas à la brûler derechef) n’y change rien. A Silver Mt Zion est une secte de hippies dont Efrim est le gourou plénipotentiaire.
13 Blues For Thirteen Moons commence curieusement par douze très courtes plages de quatre à onze secondes qui mises bout à bout dévoilent un long sifflement électronique évoquant aussi bien le chant d’un oiseau en pleine overdose de vers de terre hallucinogènes que la vibration d’une coupe de champagne fêlée. Une entrée en matière assez mystérieuse et poétique qui cependant ne laisse aucune équivoque sur ce qui suit : oui, les quatre derniers titres (et une heure de musique) qui constituent réellement cet album sont du A Silver Mt Zion pur jus. Le propos s’est juste un petit peu durcit, les guitares sont plus présentes et surtout plus vindicatives -ce qui, je le regrette, atténue l’influence et le lyrisme des autres instruments à cordes. Voilà, c’est ça : s’il fallait parler d’une évolution de la part de la bande à Efrim ce serait d’affirmer qu’ils se sont enfin énervés, confère les premières minutes du morceau titre. Mais au-delà il n’y a rien de bien nouveau, les amateurs vont encore se pavaner, les détracteurs vont une fois de plus dénoncer la pose artistique de rigueur. Je suis pour ma part toujours aussi perplexe parce que je n’arrive pas à comprendre comment un groupe véhiculant autant d’émotions (parfois même contradictoires) peut en même temps se révéler aussi artificiel, mais pas tout le temps c’est vrai. L’artificialité d’A Silver Mt Zion, elle réside une fois de plus dans les voix, notamment les choeurs lorsqu’ils s’éternisent dans des canons et des crescendos douteux. Tout le reste incite comme d’habitude à la contemplation et à la méditation transcendantale, le dimanche et avec une bonne tisane. Rendez moi Godspeed et Fly Pan Am !