Publié au tout début de cette année 2009, Luminescence est assurément le plus beau disque sorti chez Tzadik depuis des mois. Il était temps. Aux commandes de ce trio piano/basse/batterie on retrouve le très discret Borah Bergman. Pianiste à retardement (il a commencé à l’âge adulte après des années d’études à la clarinette), notre homme est parfaitement ambidextre. Comprenez par là qu’il pourrait aussi bien jouer une mélodie à la main gauche tandis que la droite l’accompagne qu’inversement. Mais il ne le fait pas. Ou si peu. Borah Bergman préfère de très loin entrecroiser les motifs mélodiques jouées simultanément avec ses deux mains, développant un jeu d’allers et retours débouchant vite sur une technique de confrontation et de parasitage. Il en résulte un flot continu, incessant, parfois complexe et souvent aventureux -Borah Bergman, s’il l’avait souhaité, aurait pu être le seul pianiste de free jazz contemporain à proposer une extension pertinente et crédible au jeu de Cecil Taylor. Mais il ne l’a pas fait non plus : le flot pianistique de Bergman n’est pas aussi tumultueux et imprévisible que celui de Taylor. La preuve pas neuf sur Luminescence, disque en forme de coulées continues de lave refroidie se glissant dans la mer dans des gerbes de vapeur d’eau (fin de la séquence émotion).
Un beau disque on l’a déjà dit qui tire sa force poétique dans cette logorrhée mourante jouée à deux mains, tournant presque au ralenti mais ne s’arrêtant jamais. On est donc très loin d’un jeu free classique, très loin du bouillonnement de l’improvisation libre mais plutôt du côté de la déambulation et de la méditation. Pour épauler Borah Bergman, le contrebassiste Greg Cohen (encore lui) étire ses lignes de basses, pinçant avec vigueur ses cordes afin de les faire résonner le plus longtemps possible. A la batterie, ce n’est pour une fois pas Joey Baron -l’habituel complice de Greg Cohen- qui s’y colle mais Kenny Wollesen (New Klezmer Trio, Sex Mob) et son jeu, tout en strates circulaires sur toms et ride, accompagne parfaitement la pratique de Bergman, convenant bien plus que le jeu très percussif et tribal de Baron ne l’aurait fait.
Sur Luma, cinquième et avant dernier titre, John Zorn et son alto s’invitent pour un guest de luxe. Pour une fois également on est content de l’entendre celui là, tant il se fait rare en tant qu’instrumentiste et tant ses dernières tentatives se sont révélées décevantes. Ici, il étale son jeu exubérant habituel, s’appliquant toutefois à suivre la force tranquille de celui du piano de Borah Bergman et sa technique de souffle continu colle d’ailleurs parfaitement aux intentions du pianiste. D’apparence plus légère avec son rythme presque bossa, Opacity est la conclusion floutée et vagabonde d’un disque qui inspire une certaine sérénité sans objet. Comme un regard perdu dans le lointain.
Sur Luma, cinquième et avant dernier titre, John Zorn et son alto s’invitent pour un guest de luxe. Pour une fois également on est content de l’entendre celui là, tant il se fait rare en tant qu’instrumentiste et tant ses dernières tentatives se sont révélées décevantes. Ici, il étale son jeu exubérant habituel, s’appliquant toutefois à suivre la force tranquille de celui du piano de Borah Bergman et sa technique de souffle continu colle d’ailleurs parfaitement aux intentions du pianiste. D’apparence plus légère avec son rythme presque bossa, Opacity est la conclusion floutée et vagabonde d’un disque qui inspire une certaine sérénité sans objet. Comme un regard perdu dans le lointain.