On pensait franchement avoir abandonné Ulan Bator sur le bas-côté de la route. Le groupe d’Amaury Cambuzat – depuis longtemps seul maître à bord et seul membre rescapé du groupe d’origine – semblait se perdre dans des textes au poétisme rimbaldien insupportable et soutenus par une musique de plus en plus faible. Non pas que cette musique s’adoucissait mais plutôt qu’elle s’étiolait, perdait toute saveur et tout intérêt. Le fond du fond semblait même atteint avec Soleils, un EP publié par Ulan Bator en 2009. Soleils se devait pourtant de marquer un nouveau départ pour le groupe : nouveaux musiciens, nouveau label maison (Acid Cobra records) et relocalisation à Londres. On doit une dernière fois avouer que l’écoute de Soleils était douloureuse et qu’elle ne laissait guère d’espoir sur l’avenir d’Ulan Bator. Qu’il est bon des fois d’avoir complètement tort.
Tohu-Bohu est le huitième album du groupe, le premier depuis 2005. Il a été enregistré avec un line-up sensiblement identique à celui de Soleils – seul Stéphane Pigneul a remplacé Rosie Westbrook à la basse – et a été publié en CD, toujours par Acid Cobra, fin 2010. La surprise, et ce fut une surprise de taille, fut de découvrir que le collectif A Tant Rêver Du Roi ressortait au printemps 2011 Tohu-Bohu en version vinyle et avec une pochette différente (et beaucoup plus réussie). On connait l’engagement musical d’A Tant Rêver Du Roi, publiant les disques de Kourgane, défendant bec et ongles Heliogabale et son album Blood pourtant fort décrié. Il ne s’agit pas de faire une confiance aveugle à un label quoi qu’il arrive et d’apprécier systématiquement toutes ses productions mais il y avait là quelque chose d’interpellant.
Si on avait pu remarquer une amélioration du côté d’Ulan Bator lorsqu’on avait écouté – peut être pas assez attentivement ni assez souvent – la version Acid Cobra de Tohu-Bohu, cette deuxième sortie a permis de réécouter le disque encore et encore : on est toujours heureux de retrouver, même partiellement, un groupe que l’on aime. On note un certain retour de la teneur énergétique des compositions (newgame.com, par exemple mais surtout Tohu-Bohu) bien que la douceur soit toujours présente car désormais inextricable de l’identité Ulan Bator (avec le très Bad Seeds Mister Perfect ou Donne). Mais on y retrouve surprenamment des accents que l’on n’avait plus entendus depuis les débuts du groupe (le bourdonnement de Speakerine n’est pas sans rappeler certains titres de 2°, un bourdonnement symptomatique du son d’Ulan Bator et que l’on retrouve également un peu plus loin sur AT). Surtout l’apport de James Johnson (de Gallon Drunk, faut-il le rappeler) est essentiel, comme cet orgue sur un Missy And The Saviour endiablé ou le saxophone* qui tonitrue sur l’excellent morceau titre, Tohu-Bohu. On n’avait guère entendu Ulan Bator aussi nerveux et musclé, aussi inspiré et libéré depuis fort longtemps et on ne peut que s’en réjouir. « C’est le bordel dans nos têtes » chante Amaury Cambuzat… c’est encore mieux lorsque le bordel en question ressort avec une intensité renouvelée – la musique d’Ulan Bator n’en redevient que plus passionnante.
* James Johnson qui joue du saxophone ? Ne serait-ce pas plutôt Terry Edwards (également un éminent membre de Gallon Drunk) qui joue sur Tohu-Bohu ? Les notes en bas du verso de la pochette ne le précisent pas…
* James Johnson qui joue du saxophone ? Ne serait-ce pas plutôt Terry Edwards (également un éminent membre de Gallon Drunk) qui joue sur Tohu-Bohu ? Les notes en bas du verso de la pochette ne le précisent pas…