mardi 30 août 2011

American Heritage / Sedentary




Difficile d’imaginer qu’à la base, il y a même très longtemps de cela, American Heritage était un groupe de rock instrumental très typique de Chicago, la ville d’où le groupe est originaire, et emmené par un guitariste plutôt doué mais qui a abandonné le navire il y a quelques années : Andrei Cabanban (ex Brass Knuckles For Tough Guys, pour ceux à qui cela dit encore quelque chose)… Un groupe presque dans la lignée d’un Don Caballero en version musclée (le Don Caballero du premier album on va dire) mais maintenant on comparerait plus volontiers le American Heritage de cette époque là à du Keelhaul. Depuis le trop bien nommé album Bipolar en 2004 – un album toujours dispo auprès de Escape Artist – qui présentait deux line-ups du groupe et donc deux styles musicaux complètement différents et surtout depuis le relativement progressif Millenarian en 2006, American Heritage est petit à petit devenu un groupe de metal épais et de plus en plus lourd mais toujours aussi malade (et surtout avec du chant). Cette mutation avait entrainé à l’époque quelques doutes bien légitimes or les chicagoans, tout en divisant ses fans de base, avait fini par en convaincre quelques autres. American Heritage a toujours eu un côté monstrueux et fou, seule l’optique et le style ont changé.
Cela ne s’arrange évidemment pas avec Sedentary – parution en mars 2011 chez Translation Loss –, le premier enregistrement d’American Heritage en cinq années… cela ne s’arrange pas ou au contraire on applaudit à la poursuite de la mutation sans faille du groupe car Sedentary c’est même tout autre chose, encore un tout autre niveau, puisque ce nouvel album enfonce tous ses prédécesseurs question violence et trépidation : comment en effet résister au metal/hard core presque thrashy du morceau d’ouverture, l’imparable City Of God ? Celles et ceux qui ont laissé tomber American Heritage depuis longtemps ne reviendront pas sur leur décision. Tous les autres ne pourront que célébrer un groupe qui donne toute signification à des termes tels que furie ou tuerie : American Heritage a considérablement accéléré le mouvement avec Sedentary, se payant le luxe de jouer pied au plancher des riffs souvent inhumains sur les trois quart de ses titres. On retrouve toutefois toujours ces breaks assassins et éventuellement mâtinés de haute technicité, y compris sur les titres les plus bourrins (Sickening Rebellion).
Détail amusant, Sedentary comporte un nombre hallucinant d’invités, sur chaque titre et souvent plusieurs à la fois, principalement à la basse : remaniement de line-up oblige – le bassiste/chanteur Adam Nordem étant une nouvelle fois revenu à la guitare –, American Heritage n’avait plus de bassiste au moment de l’enregistrement du disque et les intérimaires se bousculent sur Sedentary, quelques illustres inconnus mais aussi quelques noms déjà croisés ici ou là (Leon Del Muerte de Exhumed, Sanfort Parker de Circle Of Animals et Buried At Sea, il a aussi produit Sedentary, Bill Kelliher de Mastodon ou Rafael Martinez de Black Cobra et Acid King). A noter que Erik Brocek, jouant sur le seul titre Abduction Cruiser, est depuis devenu le bassiste en titre d’American Heritage. Sur la même lancée on dénombre quelques featurings à la guitare (Ray Donata, un ex American Heritage d’ailleurs, sur Slave By Force) et surtout des featurings au chant, entrainant les seules variations stylistiques de cet album : un certain Rick Leech hurle sur Sickening Rebellion, Botchy Vasquez de Sweet Cobra s’occupe de Slave By Force tandis que Josh Rosenthal (?) s’accapare Morbid Angle*.
Cela n’empêche pas Sedentary d’être d’une cohérence folle, un gros bloc de violence dans ta gueule, tous ces intervenants extérieurs n’ayant pas réussi à dissoudre l’énergie d’American Heritage dans la bière et les fêtes de studio, bien au contraire. On se retrouve donc avec un album qui fonctionne du feu de dieu, un défouloir méchamment efficace et une bonne torgnole. Pas de quoi réfléchir au sens de la vie, mais un vrai bon moment d’intensité.

* Morbid Angle… Oui Sedentary comporte son lot habituel d’ironie et de jeux de mots, les meilleurs étant Fetal Attraction, Tomb Cruise : vous voyez un peu le niveau ?