mercredi 31 juillet 2013

Comme à la radio : Deuil




Les belges de DEUIL ont droit aujourd’hui à la rubrique « Comme à la radio » de 666rpm pour une seule et unique raison : si vous allez faire un tour sur la page bandcamp du groupe, vous vous apercevrez qu’Acceptance/Rebuid n’est disponible qu’en CDr et en version très limité, un euphémisme signifiant que ce disque n’existe en fait qu’à cinquante exemplaires.
Qu’importe me direz-vous puisque internet est là, qu’un player bandcamp est reproductible à volonté sur n’importe quelle page de n’importe quel webzine ou blogzine et que n’importe qui de par le monde peut donc écouter la musique de Deuil et la faire partager. Une situation bien pratique mais guère satisfaisante : tout le monde sait bien que la musique sur internet n’est que synonyme de consumérisme digne d’un fastfood et qu’un disque virtuel est un disque qui risque de se faire oublier encore plus vite alors que la musique de Deuil mérite bien que l’on s’y arrête et que l’on y retourne régulièrement. Voilà, c’est la crise, c’est la merde, les bons groupes n’ont même pas les moyens de (faire) publier leur musique décemment



Il y a bien sûr une autre raison qui fait que l’on parle aujourd’hui d’Acceptance/Rebuid : ces deux longs titres sinueux sont tout simplement excellents dans la catégorie post hardcore, doom atmosphérique et post black metal – comprenez par là, si vous n’avez pas encore cliqué sur le lien ci-dessus, que la musique de Deuil est globalement lente et lourde mais également parsemée de quelques accélérations black metal et surtout transfigurée par une mélancolie certaine.
D’ordinaire on est assez peu amateurs des groupes qui trainent en longueur et en langueur pour mieux exhiber leur petit mal-être or Deuil est une nouvelle exception qui confirme la règle, sans doute parce que Acceptance/Rebuid a été enregistré en prise directe, que le son reste donc cru et brut et que cela confère à Deuil un sentiment de ferveur authentique et d’exaltation triste et non feinte. En espérant que le groupe ne s’arrêtera pas en aussi bon chemin, enregistrera d’autres titres de cette trempe et surtout réussira à trouver un vrai label pour les faire publier. C’est vraiment tout le mal que l’on souhaite à Deuil…

mardi 30 juillet 2013

Dethscalator / Racial Golf Course, No Bitches




Le premier contact avec Dethscalator a été établi grâce à un split album partagé avec les ignobles génies de Hey Colossus. Sur ce disque, il faut tout de même bien admettre que les Hey Colossus, encore en pleine mutation sensorielle/trip sous acide/marasme psyché, avaient été dépassés par les jeunes Dethscalator. Un groupe encore un peu vert et morveleux et pas génialement original mais un groupe balançant dans la fosse à purin un hybride de noise-rock suffisamment bien torché pour que l’on s’en mette jusque là, c’est-à-dire bien profondément.
Racial Golf Course, No Bitches est le premier véritable album de DETHSCALATOR et voilà là un disque étonnant, épatant même, et ce dans le premier sens du terme : on ne s’attendait pas non plus à un truc à la fois aussi chaud-bouillant qu’épais et gras. Un peu comme si Dethscalator avait à la fois décidé de lorgner du côté d’un Motörhead enflammé et névrotique (Black Percy) ou de quelques groupes U.S. spécialistes dans la boue, le visqueux et la fange (Aids Atlas). Beaucoup plus compacte et beaucoup plus lourde mais toujours complètement irriguée par un esprit rock’n’roll aussi éternel qu’universel (Midnight Feast), la musique de Dethscalator laisse désormais entendre et apprécier un groupe qui joue frontalement la carte du mammouth défoncé et courant au pas de charge derrière des mirages psychédéliques.
Dethscalator y gagne d’autant plus en originalité et en identité. Shit Village et It’s What They Call The Cluhouse, Arsehole sont les cas typiques de deux compositions sur lesquelles Dethscalator refuse à la fois toute concession et s’apparente à une sale maladie mentale qui vous ronge doucement. Internet Explorer & Friends puis Pine Pot ferment la marche sur Racial Golf Course, No Bitches, confirmant que c’est lorsque Dethscalator joue le plus lentement possible qu’il devient réellement fou parce que complètement dérangé, complètement psychotique et définitivement acharné. C’est dans ces moments là que l’on comprend aussi pourquoi le groupe aime citer Drunks With Guns parmi ses éventuelles influences : les titres de Dethscalator sont composés de deux riffs maximums, des riffs qui tournent en boucle de manière viscérale et insistante et balayent toute forme de structure classique couplet/refrain. Une composition de Dethscalator se termine donc comme elle a commencé, sur la même note, dans le même marasme et dégageant le même bordel.
Le côté impitoyablement simple mais diablement efficace de la musique de Dethscalator est pourtant à prendre avec précautions : les guitares tronçonnent sans faiblir et le vomi tamisé au mégaphone qui sert de chant a plus à voir avec des incantations malsaines et des incitations à la débauche. Et si la face A de Racial Golf Course No Bitches est globalement plus rapide que la face B, on l’aime tout autant et malgré, répétons-le, une nette préférence pour le côté gluant et collant de Dethscalator. Encore un groupe anglais avec lequel il va falloir désormais compter.

[Racial Golf Course, No Bitches est publié en LP uniquement – le vinyle est rose pale – par Riot Season ; la pochette du disque est aussi incompréhensible que le titre de l’album et les premières copies ont été livrées avec un tee de golf marqué du nom du groupe et de l’album… définitivement une drôle d’idée]

lundi 29 juillet 2013

Io Monade Stanca / Three Angles




Three Angles est le cas typique d’un disque dont on se demande avant de l’écouter si on va l’aimer ou pas : les trois IO MONADE STANCA sont tellement barrés – et drôles – sur scène que c’est tout juste si on ne ferait pas ensuite exprès de refuser d’y croire sur disque. Il est pourtant là, ce troisième album de Io Monade Stanca, un Three Angles publié par une cohorte de labels. Et un disque qui ne ressemble à rien. Attention : je ne dis pas que Three Angles est une chose informe (infirme), sans couleurs ni saveurs ; j’affirme au contraire que Three Angles est un disque multiforme et multicolore (contrairement à sa superbe pochette tout en noir et blanc). Mais, effectivement, on ne peut pas écouter un tel disque comme un album de Retox (pour se défouler), un disque de Yowie (pour se branler et rire entre amis d’un bon cumshot) ou un disque de Hawks (pour se faire enculer). La vérité pataphysicienne de Io Monade Stance est ailleurs.
Moins cacophonique que son prédécesseur The Impossible Story Of Bubu, Three Angles résonne tout autrement, sans aucun doute à cause du chant beaucoup plus prédominant. Et beaucoup plus lyrique également, malgré les passages borborygmés, feulés et outrés. Ce chant est à la fois l’une des grandes originalités du disque mais peut aussi être sa faiblesse, car le mix ne le met pas toujours très bien en valeur, ne l’appuie pas suffisamment aux moments décisifs et de là à penser que les Io Monade Stanca sont finalement encore un peu hésitants questions vocalises loufoques et surtout quant à leur mise en place il y a un pas que l’on est souvent tentés de franchir. On pense malgré tout que l’enregistrement et le mix de Three Angles manquent généralement de relief, de mordant et de folie. Qu’ils sont un peu plats.
Et c’est bien dommage parce que question compositions, Io Monade Stanca dévoile par contre d’immenses ressources. Des idées qui fusent, des fusées qui partent en vrille, des virevoltes maîtrisées, des angles droits musicaux négociés in extremis, des mélodies qui accrochent. Io Monade Stanca ne joue pourtant pas de prog rock ou de math rock : les trois musiciens du groupe ont une façon bien à eux de pratiquer la pataphysique, la fantaisie et l’absurde, sans que rien ne paraisse forcé ou calculé. C’est ainsi que Io Monade Stanca compense plus que largement les faiblesses techniques d’un enregistrement studio parfois maladroit : en distillant une fraicheur hautement pétulante et euphorisante, en privilégiant non pas le fun mais l’éclat, face aux postures et aux attitudes. Three Angles aurait pu être un très bon disque : il s’agit uniquement d’un disque interpelant et croustifondant de la part d’un groupe toujours aussi prometteur et toujours en pleine mutation – et ici on a décidé de continuer à y croire.

[Three Angles est publié en vinyle uniquement et à trois cent exemplaires numérotés par huit labels : A Tant Rêver Du Roi, Canalese Noise records, Goatman records, Human Feather, New Sonic records, Onlyfuckingnoise, T Collectible Distribution et Whosbrain records]

dimanche 28 juillet 2013

Comme à la télé : Zeni Geva





Du gros et du lourd : ZENI GEVA avec un concert enregistré lors d’une tournée américaine en 1996 et plus précisément le 18 mai à Portland.

N’hésitez surtout pas à zapper les six premières minutes de la vidéo, minutes consacrées à un interminable line-check avec un KK Null qui a quelques problèmes de son...



Et vous aurez aussi peut-être remarqué que le type derrière la batterie n’est autre que Blake Flemming (ex Dazzling Killmen et Laddio Bolocko).

samedi 27 juillet 2013

John Butcher - Tony Buck - Magda Mayas - Burkhard Stangl / Plume




On retrouve sur Plume des musiciens de haut vol et aux pedigrees, si on peut parler ainsi, absolument impeccables question musiques expérimentales et improvisées : la pianiste MAGDA MAYAS (dont on a déjà parlé à propos de son très beau duo en compagnie de Christine Abdelnour) et le guitariste BURKHARD STANGL (Polwechsel, Efzeg et quantités d’autres projets) ; deux musiciens aux côtés desquels apparaissent TONY BUCK (Ground Zero, Peril, The Necks, Kletka Red, etc.) à la batterie et JOHN BUTCHER (Polwechsel, Phil Minton, The Ex, la liste est incroyablement longue) aux saxophones. Plus exactement les deux derniers musiciens cités représentent en quelque sorte le noyau dur qui a enregistré Plume ; par contre Burkhard Stangl joue sur le premier titre uniquement alors que Magda Mayas n’apparait que sur le second.
Plume n’a pourtant rien d’une compilation absurde de deux trios distincts et de deux espace-temps musicaux différents qui n’auraient en commun que Tony Buck et John Butcher. Flamme (avec Burkhard Stangl) a beau être un enregistrement en concert de 2007 et Vellum (avec Magda Mayas) date peut-être d’avril 2011 mais on écoute ici un vrai disque, c’est-à-dire un projet. Peut-être – et même sûrement – celui-ci est-il né à postériori, lorsque les bandes enregistrées ont été réécoutées, comparées, mises en parallèles et finalement réunies mais cela n’a désormais que bien peu d’importance. On rêverait même d’entendre une prochaine fois les quatre musiciens jouant ensemble, bien que l’on comprenne également à l’écoute de Plume que la formule du trio est souvent une formule optimale en matière de musique improvisée.
Flamme a longtemps été mon titre préféré du disque parce que l’alchimie entre Buck, Butcher et Stangl y est de prime abord la plus évidente mais aussi la plus drôle et la plus imagée. John Butcher, véritable poète des sons et expert en roule-libre de la pratique du saxophone est ici particulièrement inventif et déchainé. Cela ne signifie pas qu’il tire systématiquement toute la couverture à lui mais il reste celui dont l’instrument s’expose le plus, y compris lors des passages très ténus et proche d’une esthétique de l’effacement. D’un autre point de vue, Burkhard Stangl fait preuve d’admirables nuances avec sa guitare en mode abstrait bien qu’il souffre également parfois de la complémentarité percussive de la paire Buck/Butcher. En fait l’évidence alchimique mentionnée un peu plus haut s’explique avant tout par la prédominance motrice de l’un des trois musiciens sur les deux autres (ce n’est donc pas une alchimie à proprement parler…).
Vellum est en définitive le titre qui recèle le plus de surprises. Magda Mayas, dont on apprécie énormément la sensibilité, s’impose davantage avec son piano (préparé) que ne le fait Stangl et sa guitare. L’explication pourrait être purement technique, liée aux capacités de résonnances et – à nouveau – percussives d’un piano. Même si le saxophone brille encore beaucoup ici, le trio Buck/Butcher/Mayas est celui qui s’équilibre le plus et celui où les sonorités des différents instruments interagissent le plus entre elles. Vellum est une pièce moins immédiate que Flamme parce que plus « conflictuelle » et peut-être même tordue ou en tous les cas labyrinthique mais elle est du coup infiniment plus riche et fait logiquement moins appel à l’humour instantané ou à la fantaisie immédiate. Sur la longueur, le temps et les écoutes passant, c’est bien Vellum qui finit par s’imposer comme la pièce centrale de Flamme, son final tout d’abord très frontal puis s’effaçant temporairement mais toujours mené à trois étant des plus passionnants.

[Plume est publié en CD par Unsounds]

vendredi 26 juillet 2013

Degreaser / Sweaty Hands





DEGREASER c’est principalement le groupe de Tim Evans, un australien exilé à New-York/Brooklyn et qui dans les années 90 s’était particulièrement illustré avec Sea Scouts puis, un peu plus tard dans les 2000’s, avec Bird Blobs. Un type à qui rien ne fait peur et surtout pas de s’accoquiner avec Kristian Brenchley, autre australien expatrié et guitariste de Woman mais qui joue de la basse au sein de Degreaser. Ces deux là font la paire mais Brenchley ne joue pas sur les deux premiers albums de Degreaser à savoir Bottom Feeder (2011) et Sweaty Hands (2012). Aujourd’hui le line-up du groupe est complété par le batteur John Coates et c’est cette version là de Degreaser que l’on a pu découvrir lors d’un concert pour happy fews en juin 2013 à Lyon.
L’occasion de parler de Sweaty Hands est donc trop belle : ce disque commence un peu à dater mais on a précisément réussi à mettre la main dessus lors de ce concert lyonnais. Pas plus que son prédécesseur, le très glauque et rampant Bottom Feeder, Sweaty Hands n’est pourtant pas symptomatique de la musique que l’on a écouté ce soir là. Non, Sweaty Hands est du genre toujours plus poisseux et marécageux, le blues y dégage une odeur nauséabonde, les charognes s’étalent sur le sol et Degreaser nous force à nous trainer dessus à quatre pattes, ça fait un bruit dégueulasse, on trébuche à chaque instant mais on n’a pas d’autre choix que de continuer d’avancer si on veut échapper au massacre, sauf que tout ceci ne semble pas avoir de fin.
Sweaty Hands ressemble à un énorme grincement, de ces grincements qui font crisser les dents, donnent l’impression que quelqu’un est en train de vous enfoncer des aiguilles à coudre sous les ongles et qui vous brisent les os de l’intérieur. Une véritable torture sonique. Le bourreau en chef c’est (on l’a déjà dit) Tim Evans et ce type n’a pas son pareil pour vicier le son de sa guitare déjà gavée jusqu’à l’overdose de fuzz, de wah-wah et autres échos infinis avec une couche de crasse malsaine à faire frémir Satan en personne. Le côté australien de la musique de Degreaser se devine pourtant mais à peine – il y a des relents de Birthday Party ça et là mais ils ont depuis longtemps été passés au presse-fruits et mélangés avec du jus fermenté de cadavres d’animaux – tout comme le côté Stooges, le meilleur côté des Stooges c’est-à-dire le côté à la fois psyché et bruyant, celui de l’indétrônable Fun House et qui ici se fait plier en deux voire complètement désarticuler par Degreaser.
La seule chose complètement absente de cette musique nihiliste et jusqu’au-boutiste – puisqu’on a cité Birthday Party et les Stooges – c’est l’absence totale d’attrait sexuel : Sweaty Hands est un album tout sauf sexy (alors qu’il est indéniablement rock’n’roll), entre autre parce que Tim Evans chante avec une voix d’alien sous hélium mais surtout parce qu’il y a trop de merde et de gras pourri qui noient cette musique. Une musique absolument pas sympathique, qui ne fait que s’imposer, où même le vice a été éjecté via le vide-ordures pour se retrouver au même niveau que tout le reste, celui de l’effroi. Sweaty Hands est publié en vinyle uniquement par Negative Guest List records. On annonce toujours le troisième album de Degreaser pour cette année 2013, un album qui logiquement devrait plus coller au côté boogie-swamp de la musique que le groupe joue ces derniers temps.

jeudi 25 juillet 2013

Rorcal / Világvége




Le chroniqueur mondain/critique d’art contemporain de 666rpm s’est toujours un peu méfié de RORCAL. Une première et unique expérience en concert puis un album aussi long que fastidieux (Heliogabalus) auront eu raison d’un manque de patience et d’endurance certain. C’est pas facile tous les jours, hein. Pour faire (trop) court question présentations, on peut préciser que Rorcal est un groupe suisse pratiquant le doom satanique comme d’autres vont à la chasse ou à la pêche c’est-à-dire avec le plus grand respect des traditions. On ne parle absolument pas de doom 70’s mais d’un doom moderne, hachuré de métal noir comme la mort et la souffrance mais aussi rehaussé d’une grosse pincée de drone à la Sunn O))).
Chouette programme n’est-il pas ? Oui, tout à fait. Le problème étant que Rorcal avait jusqu’ici toujours eu un peu de mal à convaincre, se dispersant dans trop de lenteur et trop de longueur. Il était donc hors de question d’écouter et de prendre en considération Világvége, quatrième album (?) de Rorcal. L’impasse totale. L’oubli définitif pour un groupe dont on ne voulait même plus entendre parler. Et puis la vie, le hasard, la conscience professionnelle, la curiosité et un soupçon de mauvaise foi ont fait le reste : c’est en écoutant l’album Eiskalt de Vuyvr – groupe dans lequel l’un des deux guitaristes de Rorcal joue également – que le nom du grand cétacé a logiquement refait surface. Alors, allons-y pour écouter ce Világvége
… Première bonne surprise, Világvége tient sur les deux faces d’un LP ce qui signifie que cet album dure à peine plus d’une bonne quarantaine de minutes. Deuxième bonne nouvelle : même si Rorcal clame que Világvége est la bande son de la fin du monde et de l’apocalypse, on s’en fout complètement ; peut-être que le groupe tient particulièrement à cœur de défendre ce concept vieux comme le metal de papa mais on  n’en a vraiment pas besoin pour écouter – et apprécier – Világvége. Le mot est donc lâché : « apprécier ». Et il s’agit de la troisième bonne nouvelle apportée par ce disque : oui Világvége est sacrément bon.
La concision (relative bien sûr) va tout de même mieux à Rorcal et on est heureux de constater que le groupe, loin d’abandonner l’usage de ses idiomes metal favoris a réussi à les faire tenir dans des compositions toujours aussi chiadées et ambitieuses sauf que cette fois le résultat est là. On soupçonne Rorcal d’avoir toujours voulu atteindre une certaine majesté, une grandeur absolue pour une noirceur toujours plus totale (l’album Heliogabalus, désolé d’y revenir, passait complètement à côté de cet objectif) et avec Világvége le groupe y parvient sans peine, sans doute parce qu’il met ici de côté son côté drone, met la pédale douce du côté du doom pur et dur et privilégie davantage le black metal.
C’est bien la musique du mal qui domine sur un bon tiers de Világvége, tente de se tailler la part du lion mais reste finalement très loin de prendre toute la place : Világvége démarre en effet dans la lenteur et l’oppression puis passera par plusieurs états successifs (y compris celui d’interludes à base de chœurs samplés d’œuvres du compositeur Alfred Schnittke) et finira dans la douleur. Entre temps la pression aura été insoutenable, des déferlantes de feu et de mort se seront abattues et Világvége, s’il doit effectivement raconter l’apocalypse, aura au moins mis tout le monde d’accord parce que cet album, sans mauvais jeu de mot mais, pour paraphraser une expression aussi stupidement cliché que définitivement ridicule et beaucoup trop courante chez les fans de metal et autres musiques violentes, est une véritable tuerie. Une musique également servie par une qualité d’enregistrement quasi exemplaire (les notes imprimées sur la pochette intérieure parle d’un enregistrement en prise directe sur une seule journée) et précisons que le mix et le mastering ont été assurés par Raphaël K. Bovey, déjà connu pour son travail avec Zatokrev.
Finalement c’est bien le doom qui a quand même le dernier mot sur Világvége et on n’en attendait pas moins de Rorcal, groupe dont la musique complexement torturée est à la hauteur des ambitions malsaines. Világvége est un album toujours surprenant parce que jamais linéaire – sauf en ce qui concerne le chant qui s’extirpe malgré tout des poncifs du genre hurlé grâce à une réelle capacité de puissance destructrice – mais il s’agit surtout d’un album dont le tracé reste toujours très lisible et donc captivant. Une façon comme une autre de dire que Rorcal serpente sans louvoyer et que le groupe fait passer le doom dans la catégorie supérieure, celles des musiques qui ne se contentent pas de faire que (le) mal.

[Világvége est publié en vinyle par Calofror records, Lost Pilgrims records et Sickman Getting Sick records mais il existe également une version cassette publiée elle par Wolves And Vibrancy records – à l’heure où on vous parle il n’existe toujours pas de version CD mais un retirage vinyle de Világvége serait déjà à l’ordre du jour]

mercredi 24 juillet 2013

Cause & Effect - volume 1


Il semblerait bien, face à la crise économique qui s’éternise*, que les seules échappatoires pour les maisons de disques qui veulent s’en sortir financièrement soient, premièrement, de vendre des éditions vinyles de plus en plus chères et/ou, deuxièmement, de jouer la carte de l’objet. L’un ne va pas sans l’autre vous me direz – quoi que dans certains cas, ces éditions vinyles chargées en couleurs dégueulasses sont tout sauf belles – mais en ce qui concerne Joyful Noise Recordings, label montant de la scène indé US et basé à Indianapolis, c’est souvent la deuxième option qui prime. Joyful Noise Recordings ne se contente pas d’avoir un catalogue comprenant quelques références parmi les plus bandantes du moment, le label soigne également ses productions toujours avec (bon) goût.
Intéressons nous donc à ce CAUSE & EFFECT Volume 1 qui comme son nom l’indique est une compilation. Une compilation sous la forme d’un triple 7’. Chaque galette accueille deux groupes ou musiciens et est gravée dans un plastique bicolore, moitié transparent et moitié noir**. Les trois disques sont emballés dans une surpochette et retenus par un obi sur lequel est écrit à la main le numéro de chaque exemplaire puisque Cause & Effect est un tirage pas très limité à 2000 – oui, deux milles – exemplaires.
Première galette. C’est LOU BARLOW qui ouvre la marche (funèbre) avec Crack And Emerge. Comme tous les heavy métalleux des 80’s passés par le punk, la cold wave, la musique industrielle et reconvertis dans le noise-rock puis le free-jazz et l’Idm, je n’ai jamais pu encadrer les geignardises de ce cher Lou qui depuis au moins vingt ans passe son temps à se rabattre la queue entre les jambes et à pleurnicher parce qu’il s’est encore fait larguer par une meuf sans cœur. Ce type doit en plus aimer le pastis***, c’est pas possible autrement.
De l’autre côté on trouve un groupe du nom de DUMB NUMBERS pour un titre intitulé Last Night I Had A Dream avec l’australien Adam Harding à la guitare et au chant, Lou Barlow à la basse et Murph à la batterie. Vous avez dit Sebadoh ? C’est ballot parce que je n’ai jamais aimé ça non plus, exactement pour les mêmes raisons que celles qui me font assassiner Lou Barlow à chaque fois que le croise au drive-in du coin. Dumb Numbers = même pas en rêve, surtout que cette chanson figurera sur l’album sans titre que le groupe s’apprête à publier.




Deuxième galette. Ce grand dadais de THURSTON MOORE nous délivre un Gleo tiré d’une improvisation free-noise-machin-truc enregistrée avec le batteur John Moloney. Ça ressemble à rien ou plutôt, si, cela ressemble à du grand n’importe quoi mais c’est ça que j’aime chez Thurston, lorsqu’il se branle la nouille et astique le manche de sa guitare pour faire du bruit. Par contre je n’aime pas celui de certains derniers albums de Sonic Youth, ce groupe de vieux jeunes. Ce titre très brut devrait rester inédit.
Sur la face B il y a l’un des meilleurs groupes new-yorkais actuels c’est-à-dire TALK NORMAL. Le problème est que Shot This Time figure déjà sur Sunshine, l’excellentissime deuxième album du duo. Bon… si au moins cela donne envie aux retardataires de s’intéresser enfin à Talk Normal, voilà qui est un moindre mal car voilà l’un des rares groupes qui a réussi à digérer l’héritage de Sonic Youth (le vrai, celui des années 80) et à en faire quelque chose de vraiment intéressant et de vraiment bon.
Troisième et dernière galette. DAVID YOW en solo pour un titre – Thee Itch – qui figurera sur le premier album de ce grand monsieur et parait-il enregistré depuis des années, un Tonight You Feel Like A Spider à paraitre chez Joyful Noise Recordings avec plein de packagings différents, dont un construit à base d’une pierre taillée et gravée. Ici on adore Jesus Lizard mais on doit aussi avouer que si ce Thee Itch n’avait pas été enregistré par David Yow, on n’aurait même pas essayé de l’écouter jusqu’au bout. Il n’y semble-t-il rien de pire que ces chanteurs/performers qui se mettent à composer et à avoir des idées. Qu’ils se les gardent.
Dernier groupe et dernière face avec les géniaux CHILD BITE. Abysmal Splatter est un titre tiré du 10’ Vision Crimes et déjà réédité sur un LP comprenant également Monomania, un autre 10’ de Child Bite. On ne rajoutera rien à tout le bien que l’on pense de ces deux disques et de ce groupe, un ramassis d’enragés inventifs coincés quelque part entre les Dead Kennedys (un peu) et Jesus Lizard (beaucoup). Un must.
C’est l’heure des comptes et le résultat est guère brillant : sur six titres seuls deux sont ou resteront inédits. C’est bien trop peu. Alors on recommence à compter : sur six titres seuls trois sont vraiment excellents. C’est encore bien trop peu. Et en ce qui concerne ce nom un peu pompeux de Cause & Effect il répond à la logique suivante : chaque musicien ou groupe de chaque face A a influencé celui de la face B. Tout cela est d’une limpidité indiscutable… Lou Barlow/Dumb Numbers, Thurston Moore/Talk Normal et David Yow/Child Bite, l’idée est bonne mais sa concrétisation reste uniquement au stade des bonnes intentions. On verra bien s’il y aura une amélioration l’année prochaine puisque Joyful Noise Recordings a l’intention de publier un nouveau volume de Cause & Effect tous les ans, histoire donc de faire connaitre un peu mieux son catalogue grandissant…

* soit dit en passant, une crise économique qui s’éternise depuis plus de trente années (au bas mot) ce n’est plus du tout une crise mais un mode de fonctionnement systémique propre et intrinsèque au modèle économique dominant l’économie mondiale
** ce qui ressemble à la définition chromatique du seul cocktail que j’ai jamais réussi à boire de ma vie : vodka et liqueur de café (plus évidemment de la glace pilée) – comme chacun sait, la vodka est une boisson d’homme qui normalement se boit pure, pas comme cette merde sudiste de Pastis mais le Nuage Noir, Black Russian pour les anti-Lebowski, est la seule exception à cette règle pourtant inébranlable ; pour en revenir à la couleur de ce triple single, il existe également en vinyle moitié transparent moitié argenté, ce qui est la couleur d’aucune boisson de ma connaissance, même non alcoolisée
*** qu’est ce que je disais…

mardi 23 juillet 2013

Jessica93 / Who Cares




Il y avait de quoi s’enthousiasmer à propos du premier disque de Jessica93, un 12’ de quatre titres seulement redéfinissant la mélancolie plombée des années 80 (tout comme ses extensions du début des 90’s…) et reprenant à son compte l’utilisation abusive des machines à brumiser les synapses et à déterrer les cadavres de chats crevés. Une musique à la fois puissante mais irrésistiblement belle, aussi commotionnante qu’émouvante. 
JESSICA93 continue sur cette voie avec Who Cares, un deuxième enregistrement que cette fois on peut réellement qualifier d’album (six titres seulement mais 38 minutes de musique) tout en apportant quelques menus changements et améliorations à sa formule de départ. Who Cares est un enregistrement d’apparence plus directe, moins brumeuse et moins opiacée que son prédécesseur ; cela ne signifie pas que Jessica93 soit désormais adepte de la gaudriole techno-dark mais, en mettant plus que jamais ses programmations de boite-à-rythmes toujours plus en avant, ce one man band – parce que Jessica93 est l’œuvre d’une seule et unique personne, rappelons-le – Jessica93, donc, prend le pari de plus de dansabilité et d’encore plus de puissance entrainante.
Le côté massif façon Sisters Of Mercy est ainsi renforcé (réécoutez un peu les programmations de First And Last And Always pour vous en convaincre un peu mais surtout ne restez pas à un niveau aussi terre-à-terre de comparaison) or ce qui frappe également ce sont ces quelques effluves curistes qui s’échappent de Who Cares, des effluves comme à l’époque où le groupe de Robert Smith optait pour les rythmes tribaux tout en sortant enfin les guitares au grand jour. Who Cares n’est certainement pas Pornography – et sûrement que Jessica93 s’en fout complètement de Robert & C° – mais, musicalement, on retrouve ici quelques unes de ces pistes d’antan que Jessica93 revisite avec d’autant plus de goût qu’il le fait surtout avec inventivité (French To The Bones fait d’ailleurs plus curiste que nature). Si certains pensent désormais que la création musicale actuelle en matière de rock et de pop music ne peut être qu’un éternel recommencement et qu’une relecture du passé, il y a tout à se réjouir de l’existence et de la vivacité créative d’un groupe tel que Jessica93 qui propulse ses envies suffisamment loin dans les airs pour donner naissance à une musique aussi passionnante que réelle.
Derrière les tubes aussi évidents qu’irrésistibles que sont Away, Poison (incroyable single avec sa ligne de basse-bulldozer sans pitié) ou Junk Food, Jessica93 nous offre également quelques déviances à son orthodoxie supposée : Origine est un titre plus squelettique, plus désarticulé et donc moins inexorable que le reste de l’album, il possède ce côté presque ethnique qui pourtant lui confère une force de persuasion tout aussi imposante ; composition complètement instrumentale et d’une lourdeur que n’aurait pas renié un Godflesh, Sweet Dreams brille dans le noir avec ses guitares à l’unisson, des guitares à la limite d’un golgoth métal proche des kitscheries d’un Katatonia ayant renoncé aux mises en plis à frisettes et aux balayages californiens – pas besoin d’avoir une longue chevelure de surfeur des neiges pour avoir envie de se secouer lentement la tête au son d’une composition finalement plutôt sombre et presque génialement éprouvante.
Avec Who Cares Jessica93 signe un album certes extrêmement connoté et balisé mais d’une personnalité certaine et sincère  et, donc, d’une richesse ensorcelante pour qui sait – ou ose – plonger dedans. Seuls les ayatollahs du bon goût, les gentils donateurs de l’UMP, les anti-mariages pour tous et les fanatiques de grindcore ou de punk à roulettes devraient y trouver quelque chose à redire. Mais ici, on aime vraiment beaucoup ce disque qui illumine déjà cette année 2013 d’éclats aussi sombres que magiques.

[Who Cares est publié en vinyle par trois labels parisiens aussi différents et complémentaires et ça aussi on trouve ça beau : Et Mon Cul C’est Du Tofu ?, Music Fear Satan et Teenage Menopause records ; en outre Who Cares est disponible en téléchargement libre et gratuit, ce qui te donnera peut-être, à toi cher lecteur, l'envie d’acquérir en vrai et en dur l’un des cinq cents exemplaires pressés de ce LP… c’est tout le mal que l’on te souhaite, finalement]

lundi 22 juillet 2013

Report : Cougar Discipline et Totale Eclipse à Buffet Froid - 15/07/2013




Il n’y a pas à dire : on se fait royalement et sincèrement chier au mois de juillet, à Lyon. Pas le moindre petit concert à se mettre entre les oreilles, pas le moindre truc excitant à faire mais par contre des invitations en-veux-tu-en-voilà pour aller boire des menthes à l’eau à des terrasses de bars qui passent de la musique abominable, des invitations pour manger de la viande de cheval cuite au barbecue ou d’autres encore pour aller piquer une tête dans une piscine appartenant à un ami d’un ami d’un ami… et faire semblant d’avoir le plaisir de rencontrer des gens nouveaux pour connaitre la joie éphémère de pisser dans leur eau de javel.
Alors lorsque la nouvelle d’un concert de dernière minute de Totale Eclipse est parvenue jusqu’à mes oreilles, un concert fort judicieusement organisé le lundi 15 juillet dans la cave de Buffet Froid, je n’ai pas trop hésité non plus, sachant que cette occasion serait sûrement la dernière jusqu’à la toute fin du mois d’aout. Qu’il parait loin déjà le temps où Grrrnd Zero arrivait malgré tout à organiser quelques concerts pendant l’été…




Initialement la première partie prévue consistait en un « solo de violoncelle ». Programmation culturelle. Fort heureusement le (la ?) violoncelliste s’est désisté(e) et au dernier moment c’est COUGAR DISCIPLINE qui a été chargé de chauffer l’ambiance et de rameuter encore un peu plus de monde. La soirée s’annonçait donc excellente. Et j’aurais vraiment voulu et aimé raconter que les trois Cougar Discipline ont réellement cassé la baraque, qu’ils ont joué des nouveaux titres fantastiques, que le son était énorme, que la tension était à son maximum, que les gens dans le public étaient à bloc et chauds comme la b(r)aise et que tout ça s’est achevé dans une orgie over-sonique d’ultra-violence et de sexualité débridée.
Malheureusement, la réalité fut tout autre : alors que le concert semblait très bien parti (avec un chanteur en grande forme), une odeur de cramé a rempli la cave de Buffet Froid. Ampli guitare grillé. Le temps de se rebrancher sur un des amplis de Totale Eclipse, de régler comme on peut le son sur du matériel que l’on ne connait pas et Raf, toujours en grande forme je vous le dis, en a profité pour interpréter quelques vieux airs de Julio Iglesias ou d’Eddy Mitchell de sa plus belle voix de crooner possible. Au moins ça a mis tout le monde de bonne humeur – à croire qu'effectivement tout le monde buvait de la menthe à l’eau ce soir là – et lorsque Cougar Discipline a recommencé à jouer, chacun a cru que cette deuxième fois était la bonne. Jusqu’à ce que le guitariste – maudit parmi les maudits – casse le vibrato de sa guitare chérie après seulement deux autres titres. Double peine. Le concert s’est donc à nouveau brutalement et cette fois définitivement arrêté. Grosse frustration du groupe, frustration du public et une bonne occasion de manquée parce que du monde s’était déplacé en ce lundi soir. Comme quoi il n’y a pas que moi qui m’emmerde au mois de juillet, à Lyon.




Les héros de la soirée ont eu beaucoup plus de chance : TOTALE ECLIPSE a organisé ce concert un peu à l’arrache dans le but de combler de bonheur ses nombreux fans et surtout de fêter la sortie officielle de son double hit single Bad Days b/w Opportunivore et les gens ont donc répondu présent. Le groupe a bien évidemment joué les deux titres de son 45 tours (qui tourne en 33rpm) – ce qui m’a permis de constater que c’était Franck/Sheik Anorak qui chantait de sa plus belle voix sur le refrain d’Opportunivore – mais Totale Eclipse a surtout présenté un set longue durée et bourré jusqu’à la gueule d’autres compositions tout aussi tubesques. Je pense notamment à ce long titre avec des plans de gros metal qui font plein de taches de partout.
L’enthousiasme du groupe est réellement communicatif et contagieux et va aller en s’amplifiant tout au long du concert : de voir ces trois là jouer comme des malades, s’éclater comme des gamins et se faire des sourires d’amour éternel est un plaisir sans nom. Et il faut bien avouer que les plans prog – Seb Radix à la basse a beau grimacer comme un crétin, on s’aperçoit très bien qu’il joue comme un dieu de la quatre-cordes – sont tous plus hallucinants les uns que les autres, question de (fausse ?) désinvolture dans la façon de jouer et surtout question de potacherie indécrottable. Chez Totale Eclipse tout se tient : les différents niveaux de lecture des compositions passent très bien le test de la crédibilité universelle à cause de cette façon décomplexée de jouer la carte de l’humour et, inversement, la déconnade gagne bizarrement en pertinence grâce à la tenue virevoltante voire délirante des compositions. L’intelligence et la fête en même temps. Dommage qu’il n’y ait pas eu de rappel mais un public remuant à peine la tête ou le bas de ses fesses l’aurait-il mérité ?

[quelques photos du concert par ici]

dimanche 21 juillet 2013

Comme à la télé : Laughing Hyenas






Encore une vieillerie inhumée des profondeurs du net : un concert complet des LAUGHING HYENAS enregistré en 1992.



Dire que ce type qui s’époumone au micro n’est autre que John Brannon, ex-chanteur de Negative Approach, groupe de hardcore US essentiel s’il en est... Le blues punk de Laughing Hyenas est très typique des années 90 – cela n’étonnera personne de savoir que les enregistrements du groupe sortaient sur Touch And Go même si on les aurait également très bien vus sur Amrep –, faisant surtout de ce groupe l’un des meilleurs représentants du genre.

Le line-up originel (mais aussi le meilleur) de Laughing Hyenas comprenait également Jim Kimball et Kevin Strickland partis fonder Mule aux côtés de P.W. Long en 1991. Mais le line-up avec le bassiste Kevin Reis et le batteur Todd A. Swalla est pas mal non plus… non ?

[la guitariste Larissa Strickland est morte en octobre 2006 non pas parce qu’elle fumait trop de clopes pendant les concerts mais d’une overdose]

samedi 20 juillet 2013

Jean Ferraille / Manifeste A Son(s)


Vous avez aimé Revolutions Per Minute de Jean Ferraille ? Vous avez aimé 9 Pictures de Mistress Bomb H ? Et bien, sur ce mini album du nom de Manifeste A Son(s), on retrouve précisément et avec grand plaisir ces deux artistes et musiciens. Et si ce disque sort sous l'appellation de JEAN FERRAILLE et que toutes les compositions sont créditées du seul nom de ce garçon, on peut quand même parler – au moins pour la première face de Manifeste A Son(s) – d’une véritable et fructueuse collaboration.
Les trois titres enregistrés par Jean Ferraille et Mistress Bomb H font même des merveilles : les bidouilles en forme de pachinko electro-punk voire bruitiste du monsieur contrastent mieux que jamais avec la voix décidément délicatement suave mais ferme et profonde de la dame. Une voix à la fois blanche, presque distante, mais teintée de ce supplément d’âme qui la rend captivante. On avait déjà affirmé que Mistress Bomb H était une vraie chanteuse et la preuve en est à nouveau faite sur Born et (un peu moins) sur Weeds et Crumbs. D’autre part Jean Ferraille confirme qu’il aime le fracas du metal et la vieille musique industrielle avec Radiator, un titre complètement instrumental réussissant à nouveau l’alliage de l’organique voire de l’humain et de la machine.




On regrette un temps que Mistress Bomb H n’apparaisse pas sur tous les titres de Manifeste A Son(s) et qu’elle soit donc totalement absente de sa face B. Un regret persistant mais largement atténué par la qualité indéniable de Phantom puis de Dialogue (With The Machine). Sur le premier Jean Ferraille taille à coups de hachoir dans un magma sonore protéiforme et envahissant. La drôlerie d’un certain psychédélisme bruyant (à la pipo-bimbo japonais, quoi) transforme Phantom en un titre très visuel, on imaginerait presque Jean Ferraille dans sa cuisine/laboratoire en train de batailler, couper, trancher, retrancher, rabattre et lutter contre des vagues sonores plus ou moins immersives dont il est pourtant le concepteur. De quoi rendre la musique électronique tendance extrémiste/indus/breakcore toujours plus passionnante, tout simplement parce qu’elle se teinte sur Phantom d’une indéniable poésie et, finalement, de folie délicate.
Le côté machine folle est encore plus accentué sur Dialogue (With The Machine) dont on apprend en lisant les notes au recto de la pochette du disque qu’il est inspiré du Dialogue Ordinaire Avec La Machine du compositeur Luc Ferrari. Même sans avoir connaissance de cette référence et/ou même sans connaitre la pièce en question de Ferrari (ce qui est mon cas), Dialogue vire à la jubilation ; les flux de sons/bribes de textes deviennent autant de gags et le résultat est à la fois faussement sérieux et sérieusement débile – la musique acousmatique de Luc Ferrari n’est peut-être ici qu’un prétexte mais Dialogue (With The Machine) est à la hauteur d’une foutraquerie aussi imaginative que manifeste. Une vraie réussite en matière d’humour musical tout comme de recherche sonore.

[Manifeste A Son(s) est publié en vinyle par Bruits De Fond/Résistance Des Matériaux, il s’agit d’un 12’ qui tourne à la vitesse magique de 45rpm ; l’artwork très réussi est signé Mélanie Bourgoin]  

vendredi 19 juillet 2013

Hey Colossus / Witchfinder General Hospital b/w The Butcher





Ce 12’ de HEY COLOSSUS a été publié en octobre 2012 soit quelques mois seulement avant le dernier album en date du groupe, l’énorme Cuckoo Live Life Like Cuckoo. Il n’y a que deux titres instrumentauxsur ce disque mais ils sont depuis restés totalement inédits. Witchfinder General Hospital b/w The Butcher n’est en aucun un émissaire de l’album qui a suivi et on peut, malgré son format, le considérer comme un vrai single de Hey Colossus. D’ailleurs, parlons-en un peu du format : à l’origine ce disque devait être un 8’ c’est-à-dire un format assez inhabituel pour ne pas dire étrange correspondant chez les êtres humains civilisés à 20 centimètres. C’est donc plus petit qu’un 10’ (25 cm) mais plus grand qu’un single classique (7’ c’est-à-dire 15 cm). On s’en foutrait un peu de toutes ses considérations de taille – tout le monde sait bien que la taille ce n’est pas le plus important – si ce n’est que le 8’ initial n’aurait jamais pu contenir les 16 minutes de Witchfinder General Hospital ni les 9 minutes de The Butcher.
Ici Hey Colossus joue donc sur le long terme – depuis quelques années ces anglais n’ont de toute façon jamais cessé de rallonger la sauce – mais surtout le groupe joue à fond la carte du kraut rock hypnotique et aux effets psychédéliques dévastateurs. Hey Colossus, que certains ont trop souvent bien que pas vraiment toujours à tort comparé aux Melvins, a éliminé presque complètement tous les éléments noise et metal de sa musique pour nous pondre avec Witchfinder General Hospital une longue jam répétitive et évolutive à la fois et donc passionnante ; quelque chose qui tire du côté de Can mais en beaucoup plus touffu et plus luxuriant et donc tirant également du côte d’Hawkwind, d’autant plus que Witchfinder General Hospital conserve son énorme puissance ascensionnelle sur toute sa longueur. On ressort de là avec la seule envie d’y retourner : la drogue, c’est trop bon.
The Butcher joue à peu près sur le même terrain que Witchfinder General Hospital sauf que ce deuxième titre, plus court mais d’une durée tout de même plus que conséquente, attaque encore plus directement les neurones. Cette boucle de synthétiseur bourdonnant au tout début rappellera peut-être des choses à certain(e)s et elle finit par devenir presque irritante tant The Butcher met du temps à démarrer pour de vrai et peut-être même ne démarre-t-il jamais tout à fait, Hey Colossus prenant bien son temps pour faire monter la pression de manière intolérable. Il y a décidément quelque chose à part chez certains groupes anglais – on se rappelle très bien des déviances dub de groupes 90’s tel que Terminal Cheesecake et God – et Hey Colossus fait partie de cette catégorie là, celle des groupes hors-normes (!), qui à partir d’une base déjà bien sentie arrivent à se transcender pour le meilleur. Très loin d’être anecdotique, Witchfinder General Hospital b/w The Butcher est tout simplement l’un des meilleurs enregistrements de Hey Colossus à ce jour. Il est donc fort dommage que ce disque n’est été pressé qu’à cent malheureux exemplaires pas le label One C records : vu la qualité de l’ensemble il aurait mérité une diffusion bien plus large que cela. Mais peut-être sera-t-il un jour réédité, qui sait…

jeudi 18 juillet 2013

Live Skull / Bringing Home The Bait


Il n’y a rien de mieux que les amis, surtout lorsqu’on sait que l’on peut toujours compter sur eux.

Il y a (à peu près) vingt-cinq années de cela, un de mes amis m’avait donné une liste de disques, apprenant qu’en attendant de retourner en cours pour à nouveau rien foutre de toute une année j’allais faire un tour à Londres pour assister à un ou deux concerts et acheter des disques introuvables en France et surtout à des prix défiant toute concurrence. Sur cette liste il y avait tellement de groupes que je ne connaissais pas ou vraiment trop peu que j’en suis devenu presque jaloux. Un vrai con. Au milieu de cette liste figurait le nom de Live Skull mais comme mon vieux pote de toujours ne se rappelait plus du nom exact de l’album qu’il voulait, il avait juste écrit à côté « pochette cervelle ».
Cette pochette cervelle – autrement dit l’album Bringing Home The Bait, premier album de Live Skull et publié en 1985 par Homestead records – je l’ai effectivement dégotté pour une toute petite demi-£ivre sterling dans un magasin de disques d’occasion installé au sous-sol d’un magasin de sports. Je l’ai ramené quelques jours plus tard en France mais j’ai surtout eu l’idée de l’écouter : jamais je ne l’ai redonné à cet ami qui sans le savoir m’avait fait connaitre l’un de mes disques préférés de tous les temps.



Desire records vient de procéder à la réédition de Bringing Home The Bait et il était temps. En espérant aussi et surtout que cette réédition remettra LIVE SKULL à sa juste place sur la carte des groupes new-yorkais post no-wave qui ont compté. Parce que Live Skull, dans le top des amateurs des groupes de rock noisy ou terroriste voire bruitiste et originaires de la Grosse Pomme, est systématiquement placé après les encore jeunes Sonic Youth et après les Swans des débuts. Une véritable injustice.
Certes la carrière chaotique de Live Skull n’a pas aidé le groupe à passer à la postérité mais le groupe de Tom Paine (guitare et chant), de Marnie Greenholtz (basse et chant) et de Marc C. (guitare et chant) était le plus mélodique des trois. Pas aussi hippie réfoulé que Sonic Youth et pas aussi amateur de viande froide que les Swans. Un groupe jouant une musique plus acceptable pour le commun des mortels que celles de leurs collègues d’alors mais qui aujourd’hui sonne toujours aussi bien. Des compositions ciselées, des guitares influencé par la no-wave et ceux qui se sont gavés sur son cadavre (Glenn Branca) mais également des guitares aux résonnances très gothiques. On parle de ce gothique pur, dur et méchant tel que Lydia Lunch l’avait pratiqué sur ses meilleurs albums (13 : 13, In Limbo, Honyemoon In Red et, quelques années plus tard, Shotgun Wedding).
Pour les experts, Bringing Home The Bait reste – au choix – un album séminal et un disque culte. Il s’agit surtout d’un enregistrement tout à fait dans l’air du temps, à une époque où les aventuriers du rock délaissaient toujours plus les idiomes post punk pour progressivement inventer ce que l’on appellera bien plus tard le rock noisy (noise ?) avec son quota de postures à la fois déglinguées et arty. Live Skull est tout simplement le groupe le plus passionnant du lot parce qu’il se situe exactement à la croisée de ces deux embranchements.
Bringing Home The Bait version 2013 existe en CD avec en bonus une grosse poignée d’inédits et/ou de titres live avec un applaudimètre strictement réglé sur vingt personnes maximum. Absolument rien de déshonorant à signaler voire du très bon. Desire records a également procédé à une réédition vinyle de couleur grise et limitée à 300 exemplaires. Desire ne s’est pas non plus contenté de Bringing Home The Bait puisque le label a aussi réédité le tout premier mini-album sans titre de Live Skull initialement publié un an plus tôt (1984) par Massive records. On ne sait pas encore si Desire rééditera dans la foulée tous les autres enregistrements de Live Skull, y compris ceux après le départ de Marnie Greenholtz mais avec l’incomparable Thalia Zedek au chant. On espère vivement que oui.

Epilogue : quelques mois après mon voyage à Londres, j’hébergeais ce même ami dans mon minuscule appartement lyonnais. Par le plus grand des hasards il se retrouva à chercher une cigarette qui avait roulé au sol jusque sous le lit. C’est là qu’il trouva mon exemplaire de Bringing Home The Bait que j’avais préféré cacher et à mon retour chez moi il me montra d’un air teigneux le disque, comme s’il allait le casser en deux. Puis il m’avoua qu’il m’avait fait le même coup avec un pirate de Sisters Of Mercy qu’il ne m’avait jamais redonné non plus. Ce qui en soi était une très bonne chose : j’avais largement gagné au change avec Live Skull. Et j’ai toujours mon vieux LP de Bringing Home The Bait.

mercredi 17 juillet 2013

Little Women / Lung




LITTLE WOMEN ! Rien que l’évocation de ce nom m’arrache un sourire de contentement teinté d’une joie aussi profonde d’inextinguible ! L’un de mes groupes de free jazz radical et préféré est enfin de retour. Après les dents – le demi LP Teeth en 2007 – et la gorge – l’album Throat en 2010 –, les quatre Little Women s’attaquent donc à la langue – Lung. Dans le principe ce nouvel album a les mêmes caractéristiques que ses prédécesseurs : exactement le même line-up avec Travis Laplante au saxophone ténor, Darius Jones au saxophone alto, Andrew Smiley à la guitare et Jason Nazary à la batterie ; la même façon d’enregistrer avec une session unique sur une journée, le 22 octobre 2012, session ensuite découpée en rondelles (et même l’artwork est à nouveau signé par Mick Barr).
Mais les comparaisons s’arrêteront là. Lung est, au départ, un album presque silencieux. Un album très théoriquement divisé en quatre parties portant chacune le nom d’une saison de l’année et Spring fait plus que surprendre avec son entrée en matière en pointillé, quelques frottements de cymbales, des grattements de provenance indéterminée, des bruits de tuyaux… On se retrouve presque replongés au milieu de cette scène minimaliste dite de l’effacement qui avait fait fureur dans les milieux des musiques improvisées à la fin du dernier millénaire/début du  nouveau (Greg Kelley, Bhob Rainey et Nmperign, la scène onkyo japonaise, tous ces trucs là…).
Un effacement qui ne dure pas longtemps : la musique de Little Women s’étoffe peu à peu sur Lung, explose très brièvement de temps à autre tout en restant d’une extrême sobriété. Pas d’incandescence ici. Pas de free jazz anarchisant. Et pas de réminiscences no wave non plus. Ou alors si peu. Mais que ce passe-t-il donc ? Les quatre Little Women ont tout simplement décidé de ne pas encore enregistrer le même disque – il n’y avait pas beaucoup d’écarts stylistiques entre Teeth et Throat – et proposent avec Lung une version cérébrale et plus inquiétante de leur musique.
Le free jazz se fait plus musique contemporaine, l’électricité se mue en serpentements capricieux et indociles, les rythmes s’écrasent comme lors d’un crash test, la guitare explose en plein vol puis ses débris retombent au sol avec la grâce de brins de pollen desséché, les saxophones bruissent comme des insectes excités par des ultrasons extraterrestres et Little Women va de faux départs en véritables accalmies, de longues séances flatulentes en épandages d’eaux usées. Et même si on pense au bout de longues minutes que le groupe est (re)parti pour de bon sur les routes chaotiques menant au pays de la freeture facile, les derniers instants de Lung nous donnent à nouveau tort, renouant avec les entortillements de plus en plus dispersés d’une musique avant tout recroquevillée et moribonde. Lung est un disque bien plus difficile que Throat et Teeth ; certains n’hésiteront pas à le trouver imbitable, ici on admire énormément – et sûrement un peu trop – l’exercice de style mais on soupire quand même un peu….

[Lung est publié en CD digipak par Aum Fidelity]

mardi 16 juillet 2013

Pylone / Things That Are Better Left Unspoken




PYLONE est un groupe vraiment étonnant. Le quatuor de Toulouse (et environs) avait déjà créé la surprise avec une première démo pleine de promesses et explorant quelques pistes déjà bien dessinées, une démo enregistrée dans l’année qui avait suivi la naissance du groupe. Presque une année supplémentaire s’est écoulée depuis ce premier enregistrement et Pylone ressort de sa tanière pour publier, sans sourciller, son premier album, Things That Are Better Left Unspoken*. Sans sourciller parce qu’il est évident que Pylone a énormément d’atouts en main, que le groupe en a conscience mais – et c’est une qualité vraiment très rare – qu’il n’en abuse pas non plus. Etre sûr de soi finit dans bien trop de cas en un étalage d’arrogance, de suffisance, de vanité et de stérilité. Chez Pylone, c’est carrément tout le contraire : la maîtrise et la cohérence de sa musique voire la maturité exceptionnelle du groupe ont donné naissance à un (très) bon disque et c’est tout. Oui, c’est tout mais c’est bien là l’essentiel et Pylone offre déjà énormément avec ce Things That Are Better Left Unspoken.
On se doute bien que les projets et groupes antérieurs des quatre membres de Pylone – avec Headwax en tête de gondole – leur ont servi de laboratoire, de session d’apprentissage, de galop d’essai et de piste de décollage. Il ne pourrait pas en être autrement. Seulement Pylone pousse vraiment très loin une logique et une esthétique qui lui sont propres et qui, peut être, en rebuteront certains. Parce qu’elle n’est pas si facile que cela la musique de Pylone. Elle est même remplie de faux-semblant : ne vous fiez pas aux premiers instants de SuperNova et en particulier à cette ligne de basse, non Pylone n’est pas un énième clone de Jesus Lizard enrobé d’un glacis shellac-quien de circonstances. Bien sûr le groupe s’inscrit dans cette veine là mais, sans prétendre imiter qui que ce soit ni faire mieux que ses illustres prédécesseurs, Pylone va voir ailleurs, cherche (et trouve) des voies qui lui sont propres. Quitte à décontenancer.
La musique de Pylone est incroyablement lente et, finalement, mélancolique. Le groupe ne dépasse jamais le stade du mid-tempo et semble refuser toute surexposition sonique, jouant avec les effets d’une tension qui a tendance à constamment se muer sous la forme d’une retenue quasi ostentatoire ; c’est comme si tout se passait autour d’une fausse linéarité emberlificotée par une guitare pure et claire et une basse très ronde qui jouent aux électrons libres, se faisant mutuellement écho et tressant des canevas d’une grande délicatesse sans rien perdre de la sécheresse, de l’âpreté et de la dureté des musiques inspirées du noise-rock. La musique que joue Pylone est précisément très belle parce qu’à la fois très froide et à la fois très charnelle. A de rares exceptions près (Tumbledown) les intentions formelles du groupe n’impliquent aucun renoncement au niveau de la propagation des émotions. Et les « faiblesses » volontaires mais en trompe-l’œil de Pylone sont la clef de toujours plus de profondeur. La musique de Pylone est une musique qui (se) creuse, qui vous creuse, une musique qui crée de la dépendance presque en douce ou, plus précisément, qui en s’économisant tombe la plupart du temps en plein dans le mille.
Il n’y a qu’un seul élément dont Pylone ne fait pas l’économie sur Things That Are Better Left Unspoken : le chant. Un chant très en avant, singulier, un chant qui semble pratiquer le tutoiement tellement il a l’air de surgir de juste à côté, comme si ce chanteur était exactement dans la même pièce mais un chant qui évite lui aussi toute arrogance. Son ostentation n’a rien à voir avec une quelconque forme de persuasion agressive mais impose sans fard son originalité et sa différence. Mais il y a mieux : quelques uns des textes de Things That Are Better Left Unspoken sont en français*** et jamais – non, jamais – je n’avais été touché à ce point là par un chant en français, chose que je déteste pourtant cordialement à coup sûr (ou presque : les exceptions se comptent sur les doigts de la main). Du coup j’en viens même à regretter qu’il n’y ait pas plus de paroles en français sur le disque, tellement je trouve que cela va bien avec cette musique. Pylone est décidemment un groupe à part.

[Things That Are Better Left Unspoken est publié en LP + CDr** par Bruisson, Gabu Asso, Katatak et Nothing To The Table ; l’artwork est absolument superbe et est l’œuvre d’Eric Mahé]  

* Things That Are Better Left Unspoken a en fait été enregistré en décembre 2012 au studio de la Trappe, tout comme l’avait été le seul et unique album de Headwax
** le CDr fourni avec ma copie de Things That Are Better Left Unspoken est défectueux, il manque au moins la moitié de White Dress mais je m’en fous : Things That Are Better Left Unspoken est également fourni avec un coupon mp3 largement suffisant pour alimenter la machine à musique portative qui m’accompagne lorsque je veux m’isoler des bruits de la rue – mais rappelons que toute bonne musique se doit avant tout d’être écoutée sur un bon support et qu’en l’espèce rien ne remplacera le vinyle
*** en outre trois textes sont signés Henry Chinaski qui comme chacun le sait est un pseudonyme de Charles Bukowski

lundi 15 juillet 2013

Totale Eclipse / Bad Days b/w Opportunivore




TOTALE ECLIPSE est le meilleur groupe de power pop punk progressif du monde. Et je ne dis pas ça parce que ce groupe est lyonnais. Totale Eclipse est également et en quelque sorte la continuité de The Rubiks, l’ancien meilleur groupe de power pop punk progressif du monde. Lorsque Andrew Duracell a jeté l’éponge et abandonné sa batterie ainsi qu’une carrière plus que prometteuse avec The Rubiks – où qu’il soit et quoi qu’il fasse désormais je lui souhaite sincèrement de bien aller – Nico Poisson (guitare, chant) et Seb Radix (basse, chant) ont, après une légitime et bien compréhensible période de doute et de traumatisme, décidé de continuer quand même. Il fallait juste trouver le bon batteur et un nouveau nom, puisqu’il fallait également en changer histoire de marquer le coup. Le « nouveau » batteur en question n’est autre que Franck Gaffer aka Sheik Anorak. Lequel serait aussi à l’origine de ce nouveau nom, un nom aussi ridicule que forcément mémorable. Le reste appartient désormais à la légende.




Totale Eclipse est un groupe qui n’a peur de rien et pour son premier disque en dur nous propose un single double face avec un tube de chaque côté. Bad Days dépasse les sept minutes alors que Opportunivore se contente de plafonner à six, ce qui, on en conviendra, est dans les deux cas un peu difficile à caser pour les passages radio et risque de coûter cher question budget lorsqu’il faudra bien tourner un voire deux vidéo-clips ; mais toute la spécificité de Totale Eclipse est précisément dans cet étalement au grand jour et sur la longueur de compositions qui allient avec force déraison plans prog, enjolivements tropicaux, punk de base, pop catchy, le tout avec une désinvolture qui confine à l’élégance potache. Totale Eclipse fait partie de ces groupes qui vous donnent instantanément le sourire mais uniquement pour de bonnes raisons : pas de vocoder à la con, pas de nappes de synthétiseur à vomir et pas de racolage sixties mes couilles ni de garage à mèche non plus mais des vraies mélodies, des digressions tarées, des breaks de malades et deux titres qui s’imposent les doigts dans le nez. Single de l’été.

Bad Days b/w Opportunivore bénéficie d’un artwork signé Seb Radix et on appréciera le fait que le verso de la pochette ait été découpé, laissant apparaitre le rond central de la face B et son logo d’un autre temps (Totale Eclipse, c’est ça !). Sinon ce 7’ a été publié par trois labels, propriétés de chacun des trois musiciens du groupe et comme tels dirigés d’une main de fer : Gaffer records, SK records et Rock’n’roll Masturbation. Enjoy.  




Une info de dernière minute à l’attention des lyonnais en manque de concerts et allergiques aux festivals surpeuplés : TOTALE ECLIPSE fête la sortie de son premier single – en français on appelle cela une release party – ce lundi 15 juillet à Buffet Froid, montée de la Grande Côte, Lyon 1er (il y a également Cougar Discipline au programme)...