mardi 31 janvier 2012

Report : Sheik Anorak au Kraspek Myzik - 28/01/2012



Le Kraspek Myzik. Cela fait une éternité que je n’ai pas assisté à un concert dans ce lieu… Ou plus précisément il m’arrivait parfois de m’y rendre au siècle dernier ou au début de celui-ci lorsque l’endroit s’appelait encore le [kafé myzik] et était tenu par une équipe de passionnés* qui ont tout fait pour le pérenniser. C’était exactement à l’époque où l’hygiénisme urbain a commencé à faire des ravages sur Lyon, où les prix de l’immobilier ont aussi commencé à exploser, ou des gens ne sachant pas quoi faire de leur argent ont acheté des beaux appartements de Canuts** avant de s’apercevoir que le quartier de la Croix-Rousse avait une vraie vie nocturne assez intense et passionnante.
Elle est banale l’histoire du gros con qui achète à prix d’or un bel appart avant de constater qu’il y a une mini salle de concert dans le même immeuble et d’entreprendre toutes les démarches nécessaires pour faire fermer le lieu ou limiter son activité au strict minimum. Avec bien sûr l’assentiment des élus locaux, trop fier d’eux-mêmes et de transformer un ancien quartier populo en musée et en ghetto de parvenus – je me rappelle d’un ancien maire du 1er arrondissement de Lyon qui avait fait toute sa campagne en allant serrer des mains dans les bistrots le soir et qui une fois élu avait permis qu’ils soient fermés un à un. C’est ce qui est arrivé au [kafé myzik] dans sa forme originelle… Ce fiasco fut aussi l’un des points de départ de l’aventure Grrrnd Zero.

Mais le lieu n’a pas entièrement fermé. Devenu Kraspek, il a été transformé et une nouvelle équipe, passionnée elle aussi et sûrement un peu inconsciente voire téméraire, a remplacé l’autre il y a quelques années. L’étage est désormais réservé à des bureaux – je me souviens d’y avoir assisté à un concert de Love’s Holiday (le duo acoustique Eugene Robinson/Niko Wenner) venu présenter le documentaire Music For Adults consacré à Oxbow. Fini aussi les concerts électriques… là encore je me rappelle d’un fabuleux concert d’Oxes pendant lequel les deux guitaristes du groupe s’étaient échappés de la salle (grâce à leur dispositif sans fil) et s’étaient mis à courser les voitures Montée St Sébastien tout en continuant à jouer !




Mais heureusement aussi que les temps changent. Après avoir été contraint de n’organiser que des concerts non bruyants voire totalement acoustiques, le Kraspek semble reprendre un peu du poil de la bête. Ce qui explique que désormais – et jusqu’à quand ? – le lieu peut à nouveau donner dans l’électrique. Peut-être une alternative après l’arrêt momentané de Grrrnd Zero mais surtout un pis-aller : le Kraspek c’est vraiment tout petit, si on n’est pas devant on voit rien et le son n’est pas terrifiant de qualité. Et il m’a semblé que nombre de personnes présentes en ce samedi soir ne s’étaient pas déplacées en connaissance de cause mais étaient simplement sorties dans un lieu situé sur les pentes de la Croix-Rousse.
En ce qui me concerne si Sheik Anorak n’avait pas été programmé ce jour là au Kraspek, je n’y serais sans doute toujours pas retourné après toutes ces longues années… malheureusement Sheik Anorak a sûrement donné en cette occasion le moins bon concert venant de sa part auquel j’ai jamais assisté. Pas très à l’aise, avouant de lui-même être « laborieux » notre héro n’a pourtant pas démérité – il a chaudement été applaudi, comme quoi un mauvais concert de Sheik Anorak se révèle toujours au dessus de la moyenne – et il a en plus enchainé les incidents techniques (le coup de la cymbale volante était réellement spectaculaire). Il n’empêche que la musique de Sheik Anorak est toujours une machine à tubes et que le « nouveau » titre chanté est un vrai régal.




Ce sont les suisses de Disco Doom qui ont ensuite pris possession de la minuscule scène du Kraspek. Après un temps infini consacré à résoudre un problème de micro, le concert a enfin pu commencer. L’écoute préalable des enregistrements de Disco Doom ne m’avait guère convaincu. Les premiers titres joués à ce concert non plus : la pop geignarde et noisy du groupe – avec chant trainant à souhait – n’est pas vraiment ma tasse de thé et lorsque le groupe est passé à la vitesse supérieure et a flirté avec une noise beaucoup plus virulente (pensez au Sonic Youth de Sister) je n’ai guère été emballé non plus. De toute façon j’avais décidé de ne faire aucun effort.

Tout simplement parce que j’avais également plus ou moins rendez-vous avec un couple de parisiens en goguette plus quelques autres connaissances locales mais tout aussi assoiffées et que tous ensembles nous avons décidé d’aller boire des bières ailleurs. La soirée s’est donc terminée de manière nettement plus satisfaisante et bordélique.

* notamment on ne dira jamais assez tout ce que Damien Grange – musicien bien connu ici – a entrepris et enduré pour le [kafé mysik]
** historiquement ceux-ci étaient occupés par des ouvriers textiles qui y travaillaient et y vivaient en famille, de nos jours on qualifierait pudiquement ce genre d’habitations de logements sociaux alors que c’est devenu le nec plus ultra du chic bobo-écolo. 

lundi 30 janvier 2012

The Ames Room / Bird Dies


Bird Dies, est le deuxième enregistrement du trio The Ames Room – composé de Jean-Luc Guionnet (saxophone alto), Clayton Thomas (contrebasse) et Will Guthrie (batterie) –, un enregistrement dans la droite lignée du LP In publié en 2010 par l’excellent label polonais Monotype records et également mis en boite en concert. La précision est d’importance car The Ames Room pratique un free jazz incandescent et salutaire, ça on aurait pu s’en douter rien qu’à l’évocation des noms des musiciens formant le groupe, une musique formidablement instinctive, puissante et enivrante. Une musique de scène, faut-il encore le préciser, magie de l’instant présent, d’une alchimie particulière et terrassante, puissance de feu et monstre de beauté.



In arrivait particulièrement bien à capter l’intensité de deux concerts différents – un par face : un concert donné à Niort et l’autre à Poznan – mais n’en présentait qu’une vingtaine de minutes à chaque fois. Avec Bird Dies on peut espérer pouvoir entendre presque l’intégralité d’une prestation donnée en mars 2010 à Lille, soit 45 minutes d’un free jazz qui ne manque ni de souffle ni d’idées. Entendre les trois musiciens batailler aussi fermement, durement et sans faiblir pendant aussi longtemps est une expérience à la limite de l’incroyable et de l’inouï : The Ames Room fait évidemment très directement penser au free jazz libertaire des années 60 et 70 (de Peter Brötzmann à Evan Parker, par exemple) tout en retrouvant l’absence de compromis et l’exigence originelle de celui-ci – les trois musiciens jouent tout le temps, ensemble et sans s’arrêter, repoussant sans cesse les limites du paroxysme et en particulier se retrouvent entrainés toujours plus loin par cet incroyable batteur qu’est Will Guthrie*. Cela a l’air de rien alors que toute la beauté de la musique de The Ames Room est précisément là, dans ce furieux main dans la main à trois, cette fusion organique des instruments et la folie impétueuse qui en ressort. Ici pas de solo d’un musicien pendant que les deux autres se taisent. Jamais.
N’allez pas croire que les trois instrumentistes de The Ames Room n’ont alors qu’un seul but, celui de jouer simultanément n’importe quoi et le plus fort possible : au contraire chacun rivalise de finesse dans son jeu, de détails subtils et les trois musiciens de se répondre ainsi, isolés ensemble dans l’œil du cyclone qu’ils ont eux-mêmes généré, sollicitations multidimensionnelles mais jamais à l’aveugle, une fusion démentielle. Bird Dies est aussi l’occasion de découvrir un merveilleux contrebassiste, l’australien Clayton Thomas.
Il est vraiment rare de ressentir autant d’intensité à l’écoute d’un enregistrement en concert mais c’est pourtant bien le cas de Bird Dies. On n’ose à peine imaginer ce que cela peut donner lorsque on assiste soi-même à un concert de The Ames Room… une expérience que chacun pourra tenter très bientôt puisque justement The Ames Room donnera une petite série de dates avec en particulier pour les lyonnais celle du 2 février au Périscope.



* une nouvelle concernant Will Guthrie : le label nantais Les Pourricords associé à Gaffer records s’apprêtent à publier un enregistrement solo de ce génie et poète des rythmes

dimanche 29 janvier 2012

Keiki - Bee And Flower / split





Encore un split publié par Cheap Satanism records. Celui-ci est sorti un peu avant celui réunissant Joy As A Toy et Germanotta Youth et que l’on a déjà évoqué ici… C’est précisément et paradoxalement la déconvenue (un seul bon titre sur cinq) rencontrée avec ce dernier qui a poussé le Service Barbecue A Toutes Heures Et Nécrophagie Participative de 666rpm à s’intéresser à son prédécesseur. Et je vais en profiter pour ouvrir une parenthèse pour vous expliquer comment fonctionne les choses ici – après tout, vous avez le temps parce qu’aujourd’hui c’est dimanche et que le dimanche on s’emmerde – et surtout vous expliquer comment sont classés les disques promo en attente de chronique : il n’y a aucune logique ni aucune méthode. Après réception, les disques sont empilés dans un coin sans être écoutés et une fois qu’ils ont un peu trop pris la poussière, s’offrent à eux deux possibilités : un aller pur et simple et sans appel pour la poubelle ou alors une toute petite écoute histoire de savoir de quoi il en retourne exactement avant de gagner un aller pur et simple et sans appel pour la poubelle. Il n’y a pas à tortiller.
Keiki demarre la face A de ce 10 pouces – j’adore écrire ce genre de phrase alors que je n’ai reçu qu’un CDr promo (c’est bien normal et naturel vu ce que j’en fais) – et d’entrée je me tétanise : Pete Simonelli d’Enablers est invité sur Full Body Wolf. Mon problème avec Enablers et Pete Simonelli a peut être commencé avant Blown Realms And Stalled Explosions mais il ne s’est certainement pas arrangé depuis. Selon quelques connaissances et amis proches je suis atteint de Simonellite, une infection assez grave qui se déclare en opposition chez les gens de très bon goût et déjà atteints de Oxbose. Les deux virus sont totalement incompatibles et, fort heureusement, lorsqu’on est comme moi atteint à un stade avancé d’Oxbose, la Simonellite finit par capituler et se ratatiner au fin fond de votre moelle osseuse comme un étron oublié gisant au fond de la cuvette des toilettes. Donc on titre la chasse et on oublie directement ce Full Body Wolf malgré la présence d’un beau thérémine. Sur A Woman’s Love les deux Keiki sont enfin tout seuls – Keiki c’est une fille qui « chante » et un garçon qui fait le plus gros du travail, c'est-à-dire tout le reste – et cette pop acérée a tout pour plaire : élégance bricolée et minimalisme de la composition. Plus que tout la voix – je répète que c’est donc une fille qui chante/parle et on sait bien que c’est ça le plus important – a ce petit grain qui séduit sans que l’on sache exactement pourquoi. Ah si je sais pourquoi : on croit à toute son histoire même sans essayer de comprendre les paroles.
Sur la face B Bee And Flower propose également deux titres. Deux titres qui touchent autant si ce n’est plus que le A Woman’s Love de Keiki mais d’une manière toute différente. Ce groupe partagé entre New-York et Berlin et mené par une chanteuse de caractère est d’un classicisme absolu – un scribouillard de Rock & Folk parlerait de « classic rock », un pisse-copie des Inrockuptibles évoquerait un certain « adult rock » mais on s’en fout – et on chavire voluptueusement à l’écoute de ces chansons très Bad Seeds fin de règne (Jackson) ou Shannon Wright ou je ne sais quelle folkeuse de variétoche en mode fin de programme de soirée sur Arte (You’re Not The Sun). Parfait pour perdre son temps, un après-midi d’hiver ensoleillé, à faire des ronds avec le doigt sur les vitres embuées de la cuisine.

samedi 28 janvier 2012

Robert Lippok / Redsuperstructure





Pour faire vraiment très simple et pour situer un peu Robert Lippok, on pourrait dire qu’il est le frère de Ronald (qui chante et joue dans Tarwater) et qu’on les retrouve tous les deux au sein de To Rococo Rot, célèbre trio berlinois issu du renouveau simili kraut allemand des années 90. Tous supports confondus, Redsuperstructure est le quatrième disque que Rober Lippok publie uniquement sous son propre nom. Une publication sur le label Raster-Noton, ce qui constitue en quelque sorte des retrouvailles puisque Robert Lippok y avait fait paraitre en 2001 un magnifique Open Close Open, un disque encore dans toutes les mémoires des amateurs de musique électronique et ambient.
Il n’en demeure pas moins que Redsuperstructure tranche quelque peu avec l’austérité du catalogue du label tenu par Carsten Nicolai/Alva Noto. On aura même pu remarquer cette pochette presque aussi bariolée qu’un drapeau jamaïcain. Heureusement qu’un découpage séquentiel à base de losanges est là pour nous rappeler que l’on est bien sur les territoires des musiques électroniques répétitives, abruptes et algorythmées. Ce qui n’est pas forcément le cas de Redsuperstructure, disque principalement axé sur les recherches sonores et d’ambiances et non sur les superpositions/collisions qui aboutissent à un côté robotique et matriciel. Pourtant des rythmes il y en a ici (à partir du deuxième titre Inphase et sur un bon tiers des titres de l’album) mais ils génèrent presque une certaine douceur, en tous les cas une nonchalance, qui donne un côté aéré à l’ensemble. Et l’ensemble ce sont une multitude de sons agencés de manière dynamique mais jamais implacable, des sons qui pétillent, grésillent chaleureusement, pixellisent, dérapent et dissonent parfois (Sugarcubes).
Redsuperstructure est donc placé sous le signe d’une certaine musicalité – on retrouve au quatrième sous-sol quelques aspects de la musique de To Rococo Rot mais fort heureusement on évite presque toute forme de kitsch chère au trio (malgré un Nycycle bien peu glorieux et en deçà de tout le reste) –, une musicalité dont le point culminant est un titre comme Whitesuperstructure, mélange de rythmiques fières et de bulles magnétiques des plus charmantes. « Charmant » c’est même le terme qui revient le plus souvent en tête à l’écoute de l’ensemble de Redsuperstructure… Or il convient d’aller creuser un peu plus loin pour apprécier ce disque à sa juste valeur : la musique de Robert Lippok échappe aisément à la vacuité onaniste dont nombre de musiques électroniques se sont fait une spécialité. La preuve en est ce Daylightastronomy final de presque un quart d’heure et qui justifie presque à lui tout seul que l’on s’intéresse à Redsuperstructure – une sorte de symphonette electro ambient avec flash de retours d’acide sous obédience glitch et roucoulades en apnée. Idéal pour se réveiller mais pas trop et encore mieux pour se rendormir à moitié, bien à l’abri des intempéries. 

vendredi 27 janvier 2012

Lettre à Gérard Collomb et Georges Képénékian en soutien à Grrrnd Zero



Ci-dessous la lettre que le comité rédactionnel de 666rpm a rédigé en collaboration avec le service Propagande & Manigance, une lettre adressée par voie de mail au Maire de Lyon Gérard Collomb ainsi qu’à l’élu municipal chargé de la culture, Georges Képénékian.

Pour info et/ou pour mémoire, toutes les explications données par Grrrnd Zero au sujet de cette opération de soutien vitale et nécessaire sont ici.



A l’attention de Gérard Collomb, maire de la ville de Lyon et de Georges Képénékian, adjoint à la culture.

Messieurs,

Le collectif Grrrnd Zero tire la sonnette d’alarme et lance un vaste appel à soutien – la raison ? le collectif est menacé d’expulsion des locaux qu’il occupe dans le 7ème arrondissement de Lyon (quartier de Gerland) et qui lui permettaient jusqu’à présent d’accueillir des musiciens, des groupes et tant d’autres associations.
Il va sans dire que cette situation est aussi catastrophique que consternante. Après avoir du amèrement renoncer à l’utilisation du Rail Théâtre dans le 9ème arrondissement de Lyon suite à de nouvelles normes acoustiques totalement incompatibles avec l’activité de concerts amplifiés (95 dB en crête c’est seulement le volume sonore que dégage un public raisonnablement enthousiaste après la prestation d’un groupe lambda de « rock » ou de chanson), l’existence de Grrrnd Zero est encore plus directement remise en cause par cette nouvelle menace d’expulsion.

Simple amateur de musique(s), je tenais à vous rappeler que ce collectif est un acteur essentiel et incontournable de la vie culturelle lyonnaise, œuvrant au sein des musiques underground, en marge, décalées, expérimentales – appelez-les comme vous le voulez – et un relai salutaire entre une création artistique forte et innovante qui ne demande qu’à se développer et un public nombreux, soyez-en sûrs, et concerné par de telles pratiques musicales. Pratiques qui se démarquent également très clairement de l’hyper consumérisme culturel ambiant et de la frilosité créatrice qui en découle et qui fort malheureusement sont devenus la norme actuelle, symptomatiques des tentatives de nivellement par le bas de nos aspirations et compagnons de route de l’hygiénisme et de l’aseptisation rétrograde de nos cadres de vie urbains.

Une fois de plus la Ville de Lyon – qui avait pourtant fut un temps prétendu au titre de Capitale Européenne de la Culture – se distingue en laissant tomber des acteurs musicaux et culturels qui représentent non seulement la pointe de l’innovation mais aussi le futur probable de la musique. Renseignez-vous donc un peu : Grrrnd Zero est également connu et reconnu de partout en France et même largement au delà des frontières pour avoir accueilli des musiciens essentiels, appréciés, récompensés, honorés et d’autres qui le deviendront peut être aussi un jour.
Expulser Grrrnd Zero c’est priver toute une scène hyperactive, bouillonnante, innovante et aventureuse d’un outil de travail et de création vitale pour elle. Car en matière de création culturelle en général et de musique en particulier, il ne suffit pas d’honorer le passé via un Opéra, un Auditorium ou des festivals organisés à grands frais au milieu de ruines gallo-romaines, il faut également soutenir l’avenir et une partie de cet avenir est assurément représenté par le collectif Grrrnd Zero.

C’est pourquoi j’apporte tout mon soutien à Grrrnd Zero et aux personnes passionnées qui gèrent le lieu. Avec elles je réclame la pérennisation ou un relogement de Grrrnd Zero – exigence qui ne me parait absolument pas insurmontable pour une ville de grande taille telle que Lyon et dont les points essentiels sont les suivants :

- un bâtiment adapté à la création musicale et à sa diffusion auprès de toutes et de tous
- un bâtiment permettant l’accueil temporaire ou permanent des nombreuses associations jusqu’ici hébergées par Grrrnd Zero avec la possibilité – pourquoi pas – d’en accueillir de nouvelles.
- un bâtiment entièrement dédié à Grrrnd Zero et non pas un relogement au rabais au milieu d’autres activités peut être incompatibles avec celle de Grrrnd Zero – vous n’êtes pas sans savoir que ce ne sont pas les friches industrielles qui manquent en ce moment
- un bâtiment qui doit être un lieu unique, regroupant absolument toutes les activités du collectif et représentatif de sa diversité et de son intense bouillonnement
- un bâtiment qui soit la reconnaissance de Grrrnd Zero en tant qu’acteur essentiel, innovant et créatif de la vie culturelle locale

jeudi 26 janvier 2012

Gilles Poizat / Micro-Vertige Et L'Expérience Du Flottement





Carton records étonne à nouveau avec la publication du premier album de Gilles Poizat, Micro-Vertige Et L’Expérience Du Flottement. Quel titre, hein ? Et si je vous précise qu’en plus Gilles Poizat chante accompagné de sa seule guitare ou presque une sorte de folk psychédélique et bancal, je suis sûr que la plupart d’entre vous finirez par fuir en courant. Donc je ne vous dis rien du tout. Mais honnêtement je n’en pense pas moins. Et à l’intention de toutes celles et de tous ceux qui ont décidé au contraire de rester collé(e)s à cette chronique pour au maximum une minute supplémentaire, je ne peux que vous féliciter et vous dire que vous faîtes très bien : Gilles Poizat et Micro-Vertige Et L’Expérience Du Flottement sont une magnifique découverte.
Mais faisons rapidement les présentations. Le garçon dont on vous parle ici a testé maintes expériences musicales en groupe et possède également une solide expérience en matière d’apprentissage classique de la musique, option trompette (instrument que l’on retrouve de rares fois mais toujours à propos le long de Micro-Vertige Et L’Expérience Du Flottement). Et puis un jour il a eu envie de composer et de chanter tout seul, hop-la. Cela a l’air très facile, expliqué comme ça. Et ça l’est tout autant à l’écoute d’un disque qui dès les premiers instants se révèle lumineux, d’une beauté simple mais vertigineuse, d’une émotion instinctive. Le charme est total, immédiat et durable.
Des chansons c’est donc uniquement ce que propose Micro-Vertige Et L’Expérience Du Flottement, il y en a onze en tout, mais des chansons de cette qualité et de ce genre de vérité là, on n’en rencontre pas tous les jours. Et même pas à chaque équinoxe de Printemps. Et peut être pas plus d’une petite poignée de fois dans sa vie d’amoureux de la musique. Carrément. Des chansons expérimentales mais expressives qui résonnent dans leur entier, vibrantes malgré l’économie des moyens employés (c’est donc qu’ils le sont avec une justesse appropriée) et intimement touchantes. Des textes – en anglais et en français – à en chialer, une façon de chanter entre traverses bancales, fragilité assumée, lyrisme pop et, enfin, des tournures mélodiques ainsi qu’une étrangeté familière à s’en retrouver tout habillé de chair de poulet pour un bon moment. On peut penser à beaucoup de choses et à de grands noms à l’écoute de la musique de Gilles Poizat – Syd Barrett, Robert Wyatt mais aussi David Grubbs – mais on découvre vraiment et surtout un musicien, un chanteur, un compositeur, un auteur…

Voisins lyonnais, apprenez également que Gilles Poizat est en concert au Périscope le jeudi 26 janvier (ce soir, donc) puisque assurant la première partie de Vialka.

En outre Carton records a simultanément publié le premier EP de Jeanne Added et annonce les sorties des prochains disques de OK, Lunnatic Toys et IRèNe – on attend tout ça avec une impatience certaine.

mercredi 25 janvier 2012

Oxes / Bile Stbudy





Ceci n’est pas un nouvel album d’Oxes*. Mais un simple 12’ comprenant trois titres. C’est tout ? Plus de six années après un EP qui lui-même avait tant tardé après les deux albums du groupe – un sans-titre** en 2000 puis Oxxxes en 2002 ? Oui, c’est tout. Trois titres dont deux que l’on connait déjà… Ouch ! Mais on y va quand-même, habitués, un rien intrigués, tout en étant persuadés que Oxes est un groupe de clowns et de géniaux guignols avec trois types qui ont bien bossé il y a plus de dix ans pour mettre en place une musique, une sorte de scénographie et donc une image dont Oxes peut être fier mais dont le groupe est également prisonnier.
Qu’importerait donc les disques qu’Oxes peut bien enregistrer du moment que le groupe est toujours aussi débile en concert. Et il peut encore l’être, comme il l’a montré lors de sa tournée européenne de 2011. Quoi qu’à cette occasion on a pu avoir du mal à digérer la pilule d’une redite prévisible et un rien paresseuse. Les blagues les plus courtes sont les meilleures ? Le doute s’installe… Pour le trio aussi l’immuable règle d’or des vieux cons revenus de tout semble fonctionner ainsi : Oxes c’était mieux avant.
Donc ce disque, intitulé Bile Stbudy. Deux titres sur la face A (Crunchy Zest et  Bile Stbudy) et un seul sur la face B (Orange Jewelryist). La présence du premier et du troisième rend obsolètes les deux 12’ publiés par Africantape au printemps 2011, deux maxis 45 tours total 80’s et qui présentaient chacun de ces titres accompagnés de remix oscillant entre l’insignifiant et l’inutile. Sans ces embarrassants compléments technoïdes bas du front, réécouter l’excellent Crunchy Zest et le nettement moins bon Orange Jewelryist est un véritable plaisir car on y retrouve tout ce que l’on aime chez Oxes : ces duels de guitares, les riffs qui ne laissent aucune chance, ces pseudos solos de branleur et même sans l’image on en rigole… On en rigole comme des cons, comme lorsqu’on regarde pour la 666ème fois la même séquence d’un de ses films préférés se moquant de l’obscurantisme religieux. Bile Stbudy, le seul réel inédit des trois, vous fera le même effet, pilepoil qualitativement parlant entre Crunchy Zest et Orange Jewelryist. Rien de nouveau mais rien d’inutile non plus, comme si Oxes nous permettait de relever les compteurs et nous donnait déjà rendez-vous pour dans six ans – mais serons-nous encore là ?

L’illustration de la pochette ci-dessus est celle de la deuxième version du disque, publiée début décembre 2011. Le premier tirage était limité à 100 exemplaires avec une sérigraphie. Le second tirage est moins joli et est accompagné d’un coupon mp3.

* oui c’est un profil Facebook… Oxes a également un compte twitter, on n’arrête pas le progrès
** avis aux amateurs d’Oxes : alors que certains y avaient pensé très fort, la réédition du premier album d’Oxes ne se fera sans doute jamais car le type qui s’occupait de Monitor records a perdu les bandes master – on vous fera signe s’il les retrouve un jour

mardi 24 janvier 2012

Report : John Makay et Papaye au Sonic - 20/01/2012



C’est l’hiver, il fait froid, il pleut – faire du vélo par ce temps nécessite forcément un poncho de pluie, le top du top de la sexytude urbaine – mais le Sonic est toujours là et bien là : malgré des commentaires alarmistes tenus ici même à propos de l’avenir de la salle, on peut aujourd’hui affirmer que les pouvoirs publics ont depuis fait machine arrière, le Sonic n’a pour l’instant plus de tracasseries administratives sur le dos. Jusqu’à la prochaine fois. C’est important de le souligner car par ailleurs les choses vont très mal à Lyon – on pense très fort à Grrrnd Zero et à l’appel à soutien que le collectif lyonnais a lancé cette semaine…
Que les structures dédiées aux musiques et créations underground soient à ce point là mis à mal dans une grande ville telle que Lyon, une ville qui en même temps se targue d’être « une capitale européenne de la culture », est malheureusement symptomatique d’un appauvrissement généralisé de la pensée et de la volonté des élus et des décideurs politiques qui ne raisonnent qu’en termes de « grands évènements » (fête des lumières, festival tape-à-l’œil et hors de prix au milieu de ruines gallo-romaines, etc.) et d’infrastructures redondantes (même quand on aime les musiques classique, baroque ou l’art lyrique on peut se demander pourquoi il y a deux orchestres nationaux à Lyon).




La soirée organisé le vendredi 20 janvier au Sonic par l’excellent structure Active Disorder* est la preuve – s’il fallait encore en apporter une – que les musiques « différentes » et « exigeantes » ont pourtant leur place à Lyon : malgré la pluie le public a répondu présent et a pu (re)voir deux excellents groupes, John Makay (d’Amiens) et Papaye (de nulle part). Puis le concert s’est transformé en soirée grâce aux Too Girly DJs et à Mademoiselle Nicole. S’amuser intelligemment sans se vautrer dans la consommation bête et méchante ni la beaufitude lobotomisante est toujours une possibilité et un rempart contre la culture institutionnalisée et normative.


Premier groupe de la soirée : John Makay. Ils sont jeunes, ils sont beaux (malgré leurs origines picardes) et ils jouent du math rock. Mais John Makay est un cas à part parmi les groupes pratiquant le dialogue trigonométrique entre un guitariste et un batteur… rien à signaler du côté de ce dernier bien qu’il soit très impressionnant derrière sa batterie ; par contre le guitariste joue quasiment intégralement toutes ses parties en taping, avec pleins de doigts qui courent le long du manche et de ses six cordes. De la prouesse technique en veux-tu en voilà mais pas trop d’esbroufe : la musique de John Makay reste étonnamment vivante et fraîche et le fait que le guitariste n’ait que peu voire pas du tout eu recours au subterfuge de la loop station donne un côté très organique, absent de chez la plupart de groupe de math rock.
Si j’ai l’air de m’enthousiasmer comme ça c’est aussi parce que c’était la première fois que je voyais John Mackay en concert. Pourtant, avant de commencer à jouer, le batteur avait bien précisé que « c’était la troisième première fois » que le duo jouait à Lyon – j’avais donc raté les deux fois précédentes mais l’album Mon Amour Mi Amor, lui, avait longtemps ravi mes petites oreilles fragiles et délicates.
Tant que John Makay a joué des titres de cet album, tout s’est bien passé. Mais il n’avait pas échappé à l’attention des plus perspicaces qu’un synthétiseur était installé sur le côté de la scène. Celui-ci a servi sur les nouveaux titres que le groupe a joués ce soir, des titres malheureusement nettement moins convaincants que les plus anciens. Quelques tentatives d’explication : les synthétiseurs ça m’emmerde souvent terriblement et si de nos jours tout le monde essaie d’en foutre de partout, personne arrive réellement à ce que cela sonne correctement ; avec ce nouvel instrument John Makay perd un peu trop de sa spontanéité et de son énergie ; je déteste le changement ; je déteste la musique de filles. Qu’à cela ne tienne, peut-être les hésitations ressenties alors que le guitariste manipulait son nouvel instrument ne sont dues qu’à la nouveauté de la chose, peut-être le groupe fera-t-il machine arrière, peut-être que je m’y ferai un jour, à ces foutus synthétiseurs… (c’est pas sûr non plus).



Deuxième groupe de la soirée : Papaye. Beaucoup moins beaux que les deux John Makay – à l’exception du guitariste de gauche – les trois Papaye sont ce qui se fait de mieux en ce moment en matière de rock instrumental. La Chaleur, très court album du trio publié il y a tout juste une année chez Africantape débordait de promesses, promesses entrevues lors de la prestation du groupe pendant la première édition du festival Africantape**.
Pour cette deuxième fois avec Papaye il y a eu deux choses marquantes. Premièrement le guitariste de droite (celui qui porte des lunettes, joue avec les excellents Room 204 et s’occupe du label Kythibong) m’a semblé bien plus à l’aise, rééquilibrant le jeu entre les deux guitares et donnant un surcroit de saine énergie à la prestation de Papaye. Deuxièmement, le batteur – dont on avait apprécié le côté plus en retenue à l’Africantape, par contraste avec les torrents rythmiques dont il est coutumier lorsqu’il joue avec Pneu – a lui aussi libéré son jeu, a donné justement plus dans le Pneu  et les dérapages sur deux roues. Je n’avais jamais réellement bien saisi les quelques allusions à Gorge Trio que certains exégètes éclairés et bienveillants avaient formulées au sujet de Papaye mais avec une prestation telle que celle que le groupe a donné en ce vendredi au Sonic, la parenté m’a semblé bien plus évidente.
Papaye a donc déployé une sacrée énergie et une belle flamboyance. Mais le groupe a aussi eu un peu de mal à réchauffer un public désespérément lyonnais, un public qui s’était pourtant montré bien plus prompt à manifester son enthousiasme lors du set de John Makay (il faut dire aussi que le duo n’avait pas arrêté de raconter des blagues détestables) mais un public qui finalement a daigné faire part de son contentement, allant jusqu’à réclamer un titre en rappel – rappel que Papaye n’a pas assuré, puisque le groupe a encore un répertoire succinct et qu’il n’avait pas envie de rejouer un titre… les gens fallait vous bouger quand c’était le moment.

Après les sets de John Makay et Papaye il y a donc eu une soirée, laquelle s’est généreusement éternisée jusqu’à 3 heures du matin. Au programme de la musique pour danser et tandis que certains ont préféré s’éclipser, d’autres ont sagement disserté musique et autres sujets tout aussi essentiels tandis que le jeune Khoury, nextcluser aviné, faisait péter le dance-floor ou que le préretraité Maquillage & Crustacés finissait tous les fonds de bouteilles. Une belle soirée.

* Active Disorder a d’ores et déjà annoncé son prochain concert : ce sera One Lick Less le 17 février, en coprod avec les Bigoût Boyz
** des bruits de couloirs incessants et insistants portent à croire que l’édition 2012 de ce festival est sur les rails et devrait bientôt être annoncée à la terre entière…

lundi 23 janvier 2012

Report : Cult Of Occult et Carne à Buffet Froid - 19/01/2012





Trêve hivernale, fêtes de fin d’année, crise financière, embouteillages sur le périphérique, accidents de voitures, fin du monde imminente, gastro-entérites et problèmes domestiques en tous genres – fallait pas fonder une famille ni avoir d’enfants – et voilà le résultat : le dernier concert auquel j’ai pu assister remonte déjà au 7 décembre… soit six semaines complètes et totales d’abstinence, de manque insupportable et d’attente fiévreuse avant de pouvoir retourner m’enfermer dans une cave humide et froide et en prendre plein la tête.
Mais presque miraculeusement (si je puis m’exprimer ainsi) le premier concert vraiment intéressant de ce mois de janvier fut celui réunissant Cult Of Occult et Carne à Buffet Froid. J’en ai frémi d’avance rien qu’en l’apprenant et surtout en écoutant les quatre titres que les Cult Of Occult ont eu la bonne idée de mettre en ligne sur internet et qui constitueront très bientôt – pour le mois de février si tout va bien – la première sortie officielle du groupe et qui plus est sur Dethroned Productions, s’il vous plait.



Et vu le nombre de personnes qui attendent devant devant Buffet Froid, je réalise que je ne dois pas être le seul à être sérieusement en manque de gros son qui fait mal. Je réalise aussi que les Cult Of Occult ont vraiment beaucoup d’amis venus les soutenir et que la cave va être bien remplie ce soir. Tant mieux. C’est après tout aujourd’hui le premier concert de ces jeunes gens et ils ont à juste titre l’air de susciter pas mal d’attentes, lesquelles ne seront pas déçues, loin de là. La cave est plongée dans la pénombre, on n’y voit vraiment pas grand-chose et quatre ombres encagoulées s’approchent enfin des instruments.
Le line-up du groupe est on ne peut plus basique (chant hurlé, guitare, basse et batterie) et le mur du fond de la cave est tapissé d’une rangée impressionnante d’amplis. Pourtant le son du groupe sera un rien différent de celui du futur disque – qui bloque lui quasiment systématiquement dans le rouge et ce à tous les niveaux, jusqu’à en être sursaturé de grésillements inhumains – pour tout concentrer sur une puissance sonore réellement démoniaque, inhumaine elle aussi. Les gorges se serrent, les estomacs se nouent, les intestins gargouillent violemment et certains dans le public ont cru risquer la descente d’organes tellement Cult Of Occult a joué avec une violence à faire trembler la voute et le sol de la cave de Buffet Froid.
On reconnait les compositions du EP – les titres I Hate You et Cult Of Occult sont définitivement du pur evil – mais (donc) on les trouve plus axés doom incandescent à combustion lente que sludge vibratoire plongé dans un bain d’acide nitrique. Un bon concert quoi qu’il en soit, qui a bien provoqué les effets escomptés – il fallait malgré tout être plutôt devant pour tout entendre et admirer du jeu de ce batteur impitoyable – et c’était également assez drôle de voir le bassiste lâcher son instrument de temps à autre pour siffler une bière, aller faire un tour puis revenir et se remettre à jouer.



Je pensais que Cult Of Occult allait jouer en second et Carne en premier mais il n’en fut rien. Le duo a lui-même prévenu avant de commencer et alors qu’il mettait du temps à régler quelques petits problèmes techniques : « on n’a pas du tout le même son que Cult Of Occult, vous allez être déçus ». Bonne ambiance et décapsulage de bières à coup de dents.
Malgré la difficulté (relative) de jouer en second, malgré la corde de guitare cassée après le deuxième titre, malgré la voix que l’on n’entendait pas toujours très bien et malgré l’ampli basse qui a lâché en fin de concert, les deux Carne ont délivré un bon set… J’étais vraiment content de les revoir enfin : j’ai toujours trouvé le moyen de rater le groupe à chaque fois ou presque qu’il a joué en 2011. Pourtant il se fait bien trop rare à mon goût et si j’ai bien compris cela ne va pas s’arranger question fréquence des concerts.
Alors content oui et surtout surpris de l’intensité accrue que Carne maitrise désormais, un vrai mélange de lourdeur et d’agressivité. Carne ose quelque chose que peu de groupes tentent réellement : jouer mid-tempo sur la longueur et pratiquer un travail de sape bien en soubassement sans ralentir et passer pour des doomsters de plus ni accélérer façon hardcoreux du dimanche. Réussir à allier à la fois le côté puissant et le côté lancinant de sa musique à ce rythme là, étrangement entre deux eaux et tenu constamment, c’est quelque chose. 

dimanche 22 janvier 2012

Etat Des Lieux - un film de Yann Debailleux




C’est dimanche et on s’emmerde. Alors on reste au lit et on regarde Etat Des Lieux, un documentaire signée Yann Debailleux et se proposant de présenter les groupes et la « scène » indépendante qui sévit du côté de la France en ce moment. En ce moment ? Etat Des Lieux se veut être un relevé des compteurs effectué à un instant donné (approximativement les prises de vue et interviews ont été effectuées en 2010) au sujet d’une situation précise, celle des groupes et musiciens qui s’activent dans le Do It Yourself – « démerde-toi tout seul avec tes potes ».
Des groupes et une situation que l’on connait un peu par ici, on vous en parle assez souvent et au générique d’Etat Des Lieux on retrouve quelques groupes chouchous tels que Pord, Marvin, Papier Tigre, Le Singe Blanc, Chevreuil, Binaire, Pneu (etc.) et quelques organisateurs de concert comme d’éminents représentants de Grrrnd Zero et la coordinatrice/programmatrice du Clacson à Oullins. Cette dernière, travaillant au sein d’une structure « institutionnalisée » et recourant – mais pas uniquement – à des subventions, explique à juste titre qu'une partie de son boulot c’est de ne pas programmer que des groupes établis et de faire jouer également des groupes ne bénéficiant d’aucune promotion, dont les disques ne sont pas distribués en magasin et qui n’ont pas forcément un tourneur qui leur monte clefs en main une tournée des S.M.A.C. de France et de Navarre ; elle précise que ces « petits » groupes font souvent aussi bien voire mieux que les groupes établis en matière de taux de remplissage de salles.




On parlait de « scène » un peu plus haut mais le terme est terriblement inapproprié. Il n’y a aucune unité de style et d’unité géographique entre tous les groupes qui apparaissent dans Etat Des Lieux. Seul constante : le mode de fonctionnement c'est-à-dire le « on fait tout nous-mêmes ou presque et on est là pour jouer de la musique, pour donner des concerts devant des gens, faire des rencontres, voyager et rigoler ». Au risque d’enfoncer des portes ouvertes pour qui connait même de loin le sujet, Etat Des Lieux rappelle que l’essentiel c’est de ne pas perdre d’argent sur une tournée (lorsqu’on en gagne un peu c’est du bonus) et que les disques, « prétextes pour repartir sur les routes », sont financés par des « vrais » jobs pas toujours rigolo – mais qui a dit que travailler était drôle ? L’important c’est la diffusion de la musique et c’est aussi pour cette raison que nombre de ces groupes mettent carrément en ligne leurs enregistrements ou ne s’opposent pas au téléchargement – rendant absurde la lutte « anti-piratage » des majors, des gouvernants et d’Hadopi.
Le statut d’intermittent du spectacle ? Certains y pensent très fort et lorgnent dessus mais tous estiment que c’est soit trop difficile soit impossible. Et ceux qui sont intermittents ne le sont pas grâce à leur groupe – je connais sur Lyon plusieurs musiciens (n’apparaissant pas dans Etat Des Lieux) qui sont intermittents parce qu’ils sont techniciens sur des gros concerts/spectacles ou parce qu’ils composent de la musique pour des compagnies de théâtre ou de danse.
La phrase qui résume le mieux Etat Des Lieux est prononcée par les Binaire qui expliquent que « vivre de ta musique, tu oublies ». Tout de suite après vient celle des Pneu qui parlent de « passion de la musique ». Plus qu’un simple constat, Etat Des Lieux peut ainsi apparaitre comme une profession de foi ou un manifeste. On reconnait que le D.I.Y. est pour certains un choix logique et militant et que pour d’autres il s’agit de la seule alternative – donc l’alternative par défaut et consentie – lorsqu’on veut faire de la musique en toute indépendance.

A l’image de son sujet, Etat Des Lieux bénéficie d’une réalisation D.I.Y. Le rendu général du film est plutôt lo-fi, plein de granulations et de noir et blanc sale alors que les nombreux extraits de concerts font honneur aux groupes filmés. Yann Debailleux qui a réalisé Etat Des Lieux est lui-même guitariste au sein de No Shangsa. Dans les bonus on trouve un clip assez drôle de son groupe ainsi qu’un court métrage nécrophile qu’il a coréalisé en 2006.
Etat Des Lieux a été publié par Les Disques De Plomb, label que l’on suit de près et qui jusqu’ici nous avait habitués à de très belles et très bonnes parutions de disques vinyle. DVD ou LP qu’importe, continuez comme ça les gars. 

samedi 21 janvier 2012

Joy As A Toy - Germanotta Youth / split





J’adore m’esclaffer de rire, j’adore les bonnes blagues bien grasses, l’humour pompier des casernes du même nom, l’odeur des pieds qui puent et des pets intempestifs, les blagues sexistes, les histoires belges, l’humour pipi-caca et j’aime même l’humour marseillais car oui je suis un vrai boute-en-train et… non, non, non. NON. En fait je suis aussi dépressif que rébarbatif et dès qu’un disque commence par une grosse blague, je le jette directement à la poubelle. Un peu de sérieux, quoi. Merde.
Sur ce split publié par Cheap Satanism records c’est Joy As A Toy qui ouvre les hostilités. La première blague du groupe c’est son nom mais je peux pardonner à ces trois jeunes gens car moi aussi je pratique la masturbation. La deuxième blague c’est Profondo Rosso, une reprise de la musique du film du même nom réalisé au siècle dernier par Dario Argento (et au passage l’un de ses meilleurs). Une musique signée Goblin – qui en a signé tant d’autres pour Argento – et que je n’ai jamais pu encadrer, malgré tout l’amour que je porte à ce film du réalisateur italien. Et ce n’est pas la présence de Pierre Vervloesem (ex X-Legged Sally) qui va me faire changer d’avis. Ce qui me ferait changer d’avis ce serait plutôt The Monster, un titre original cette fois et non une reprise, un morceau où les couches de synthétiseurs gluants laissent la place à des guitares presque post punk et à un avant-rock un rien zappaesque c'est-à-dire qui essaie de faire rire le plus sérieusement du monde. Le problème de Zappa c’est qu’il était une espèce de straight-edge avant l’heure. Je préfère l’alcool et la drogue et surtout je préfère la musique qui ressemble à du vomi, un vomi consécutif à trop d’absorbation de ces mêmes substances. J’aime rire, je vous l’ai déjà dit.
La troisième blague concernant Joy As A Toy c’est que le groupe est pourtant bien supérieur à celui qui occupe la seconde partie de ce split, à savoir Germanotta Youth. Réglons tout de suite le cas de Massimo Pupillo (bassiste de Zu) puisqu’il fait partie du line-up de ce trio aux côtés d’Andrea Basilli (batterie) et d’un certain Reeks (synthétiseurs, samples et boite à rythmes). Ce n’est pas sa présence qui pourra relever le niveau d’un indus metal prog technoïde sursaturé de rythmes synthétiques et de nappes de claviers… et du synthé il y en a beaucoup trop pour que mon petit humour fragile – encore lui – puisse les supporter. Pour rendre la pareille à Joy As A toy, Germanotta Youth s’est également fendu d’une reprise, celle du thème d’Halloween, le film de John Carpenter. En théorie une musique bien supérieure à celle de Goblin (et composée par Carpenter lui-même) mais ici rendue insupportable par les traitements sonores avec lesquels Germanotta Youth nous a déjà torturés sur ses propres compositions. Par pitié, arrêtez le massacre.

vendredi 20 janvier 2012

Ville de caniche(s)


Suite des aventures de Grrrnd Zero… Je reproduis ici l’intégralité de la dernière newsletter du collectif lyonnais (du mercredi 18 janvier 2012) et vous incite à soutenir celui-ci de mille et une façons, à commencer par écrire une lettre de protestation au maire de la ville de Lyon – tous les tenants et aboutissants, comment et pourquoi et la façon de procéder pour écrire une telle lettre sont détaillés ci-après. Je ne vous souhaite pas une bonne lecture mais espère que ceci saura vous convaincre de l’urgence de la situation :




Nous envahissons vos boites mails car le lieu/collectif lyonnais Grrrnd Zero est sur le point d'être mis à la porte du bâtiment public qu'il occupait depuis 2005, sans perspective de relogement. Dans cette cité morne chaque jour plus soumise aux intérêts d'un urbanisme vitrine, la municipalité a de nouveau besoin qu'on lui sonne les cloches, afin de prendre acte de l'urgence de la situation. Aussi, nous sollicitons votre aide sous la forme d'une lettre de soutien... 

Mais d'abord, Grrrnd Zero, c'est quoi ? 

Grrrnd Zero est un collectif enthousiaste de gens curieux et désintéressés : pas de chef, que des bénévoles/activistes. Depuis 7 ans, l'ambition de Grrrnd Zero est d'aménager un espace autogéré dédié aux cultures underground / hors-normes / DIY / alternatives, exigeant et accessible.

Grrrnd Zero fédère une trentaine d'associations qui organisent, chaque saison, une centaine de concerts, expos et projections, attirant en moyenne plus de 12000 spectateurs par an.

Nous hébergeons également des locaux de répétition que se partagent plus de 40 groupes, des bureaux, des espaces de résidences, un atelier de sérigraphie, un labo photo, plusieurs labels, des collectifs de vidéastes... 

Pour voir la liste complète des concerts organisés ces dernières années, cliquer ici. Pour contempler des vidéos de concerts filmés à Grrrnd Zero, cliquer . Pour télécharger le dossier-bilan d'activité complet c'est ici.

Depuis notre arrivée dans nos locaux du quartier de Gerland il y a plus de 4 ans, nous avions toujours manifesté notre volonté de mettre le bâtiment aux normes de sécurité, ce a quoi les pouvoirs publics se sont toujours opposés, sans plus amener de solutions. Jusqu'au 20 juillet 2011, où une dédite est posée : nous devions quitter les lieux le 31 Octobre. Après quelques négociations avec la Ville et le Grand Lyon (la communauté de communes depuis peu "propriétaire" de nos murs), la date de départ a été reportée à la fin 2012, mais tout accueil de public nous est désormais interdit. 

En attendant de trouver un nouveau lieu, la quasi-totalité de notre programmation a dû être annulée, le reste des concerts s'éclatant "hors les murs". Tout ce que la Ville nous a de son côté proposé, c'est une subvention de 9 000 euros afin de louer des salles de spectacles "classiques" ne répondant pas à nos principes de fonctionnement (tarifs plafonnés au bar, pas de fouille à l'entrée, etc...), et qui ne pourront de toute façon jamais accueillir la totalité de notre programmation.

Nous tenons coûte que coûte à maintenir l'ensemble de nos activités dans un même lieu, parce que c'est sa multiplicité qui fait aussi la force de notre projet, en créant les conditions du partage des espaces, de la rencontre des publics et de la diversité des formes proposées, autant de notions chères à nos politiques mais qui paradoxalement, lorsqu'elles sont incarnées au même endroit, ont tendance à les inquiéter.

Pour continuer à exister le projet Grrrnd Zero a besoin d'un lieu unique.

Dans ces eaux troubles, nous ne savons toujours pas s'il pourra se construire en collaboration avec la Ville ou devra prendre, comme à ses débuts, la forme d'un squat. 

En choisissant d'axer essentiellement sa politique culturelle sur la mise en avant de quelques événements ponctuels, la Ville de Lyon tourne le dos à tout un tissu associatif local, qui se tient à distance de la culture marchande, de ses objectifs de rentabilité et de retour d'image, mais qui forme la composante essentielle du dynamisme culturel de la ville au quotidien.

Nous attendons de sa part qu'elle prenne conscience de la nécessité d'un lieu dédié à la myriade d'associations et collectifs qui compose le projet Grrrnd Zero, soit une part importante de la vie culturelle alternative / underground lyonnaise.

Mais elle risque de ne pas y arriver toute seule.




Ok, mais comment aider ?

Nous mettons en place différentes actions, notamment un appel à soutien sous forme de lettre adressée au maire de Lyon et à son adjoint à la culture, Gérard Collomb et Georges Képénékian. Si cela vous motive, nous chanterons vos louanges pour l'éternité. 

Voilà la marche à suivre : 
  • La forme de cette lettre est libre, quelques lignes expliquant le besoin d'un nouveau lieu dédié aux cultures alternatives à Lyon suffisent, mais les longues déclarations sont bienvenues. Si vous manquez de temps, n'hésitez pas à réutiliser des éléments de ce message. On peut aussi lire la compilation des lettres déjà envoyées pour vous en inspirer, les reprendre telles quelles en signant de votre nom, ou les détourner, par ici.
  • Ne pas oublier de préciser qui vous êtes, ce que vous faites, la structure dont vous faites partie....  
  • Envoyez une lettre physique à : Gérard Collomb  - Mairie de LYON - 1, place de la Comédie - 69205 Lyon cedex 01.
Ou bien écrivez un mail à gerard.collomb[at]mairie-lyon[point]fr, georges.kepenekian[at]mairie-lyon[point]fr (en incluant Grrrnd Zero quelque part dans le sujet du mail, grrrndzero[at]gmail[point]com).

En plus d'inonder de bon sens le courrier du maire, ces lettres seront également compilées en accompagnement de notre bilan d'activité. Merci donc de nous transmettre une copie de ces mails ou lettres : 
  • Collectif Grrrnd Zero // 40 rue du Pré-Gaudry // 69007 LYON

jeudi 19 janvier 2012

Cult Of Occult / self titled





Cult Of Occult : un groupe dont je ne sais absolument rien mais alors là vraiment rien du tout si ce n’est l’exquise souffrance et la douleur profonde que m’a apportées l’écoute des quatre titres que le groupe a publiés il y a tout juste une année sous la forme d’un monstrueux EP sans titre. Et ces quatre titres sont largement suffisants. Suffisants ? Ah, non : je devrais plutôt dire que dans le genre ils sont carrément essentiels, aussi imparables que maléfiques, violents et glauques, vicieux et noirs. Quatre titres dont on pense qu’ils remettent les pendules de la confrérie sludge/doom à l’heure d’hiver pour un bon petit moment.
Du doom on retrouve ici la longueur des titres (à une exception près toutes les compositions font entre huit et dix minutes), les rythmes ralentis et pachydermiques, la volonté de tout écraser et les riffs monolithiques et maniaques qui tournent en boucle jusqu’à épuisement. Du sludge Cult Of Occult a repris ce son ultra crade, grésillant, presque impossible à encaisser, un son qui laisse supposer qu’au moment de l’enregistrement tous les potards devaient être bloqués dans le rouge, que les oreilles saignaient et que les boites crâniennes bouillonnaient. Un vrai carnage, de la viande éclatée, de la chair puante et corrompue, des os brisés, du sang sur tous les murs, des esprits malfaisants pris d’une folie sans retour, une mort cruelle et lente pour tout le monde et fatalement aucun survivant.
L’oppression et l’ultraviolence musicales sont deux choses terriblement difficiles à retranscrire sans tomber dans la pause et le grotesque tout comme il y a très certainement plus d’une façon de concentrer avec autant de brio haine et souffrance mais les Cult Of Occult sont bien des champions en la matière et ils font preuve d’une cruauté malsaine comme rarement entendue. Une musique aussi vicieusement maléfique, cela ne se refuse pas.



On en profite aussi pour faire une annonce concert puisque Cult Of Occult jouera à Lyon ce jeudi 19 janvier dans la cave suintante de Buffet Froid en compagnie de Carne (enfin de retour !). Cult Of Occult annonce également deux dates à Paris pour début mars : le 1er aux Combustibles et le 2 à la Cantine de Belleville. 

mercredi 18 janvier 2012

Talk Normal - Thurston Moore / split




Il y a des évidences voire des vérités absolues que l’on ne devrait pas avoir à préciser mais disons-le quand-même : si on s’est intéressé à ce 7’, si on l’a écouté et si on le chronique maintenant ce n’est certainement pas grâce à la présence sur l’une de ses faces de trois titres signés Thurston Moore. On l’aimait bien ce type, on lui est même toujours reconnaissant d’avoir enregistré avec Sonic Youth quelques uns des disques les plus importants des 80’s américaines – de Confusion Is Sex en 1983 à Daydream Nation en 1988 – mais les problèmes ont commencé lorsque le guitariste new-yorkais s’est transformé en ce grand échalas à casquette brandissant sa collection de disques et sa bassiste de femme comme preuve irréfutable de son bon goût, de son savoir-faire et de son autorité sur le petit monde des artistes underground qui dirigent le monde.
La face de ce split single estampillée Thurston Moore c’est ainsi du remplissage avec trois « titres » heureusement très courts et objectivement enregistrés par le monsieur à temps perdu, directement au lever tout en se grattant les couilles ou peut être entre deux siestes digestives. Le résultat est tellement consternant que l’on admire la bienveillance et le courage de Fast Wepons qui a publié une telle merde à 500 exemplaires. Mais il faut croire que cela s’est révélé payant : le label annonce que le disque est sold-out. Pourvu que personne n’ait un jour l’idée de se lancer dans une seconde édition de cette chose abominable – en cette période de crise, inutile de gaspiller le plastic.
Car ce n’est pas avec la face Talk Normal que cela s’arrange vraiment. Les amoureux de l’excellent album Sugarland seront déçus. Ceux qui découvriront Talk Normal avec l’écoute de ce Dime Gold risquent bien de plus jamais s’intéresser au duo à l’avenir. Le titre en question n’est pas mauvais mais il déçoit avec ses nappes bruitistes vaporeuses, son absence de rythmes et sa voix narrative enregistrée au travers d’un hygiaphone des PTT. Si Dime Gold avait été collé sur un LP entre deux brûlots post no wave dont Talk Normal a le secret, on y aurait sûrement vu que du feu. Là, on trouve ça forcément léger par rapport au potentiel du groupe.

mardi 17 janvier 2012

Generation Of Vipers / Howl And Filth





Difficile de trouver beaucoup d’informations sur Generation Of Vipers, si ce n’est celles consistant à dire que ce Howl And Filth est le troisième enregistrement* longue durée de ce trio du Tennessee ou que dans le line-up du groupe on retrouve un membre des affreux U.S. Christmas (Travis Kammeyer, ici à la basse) et un membre des encore plus abominables A Storm Of Light (le batteur B.J. Graves). Quant au guitariste/chanteur Josh ‘Asa’ Holt, il hante également les couloirs désespérants de U.S. Christmas. Enfin, dernière précision, Howl And Filth a été enregistré par Kurt Ballou au God City Studios et masterisé par l’omniprésent et hyper spécialiste des gros sons burnées et ventrus Nick Zampiello – deux garanties donc pour un son aussi énorme que conquérant.
Voilà, il n’y a plus qu’à jeter un coup d’œil sur l’artwork de la mort qui tue de Howl And Filth et le décor est pour ainsi dit planté. Generation Of Vipers est un autre exemple de ces nombreux groupes américains qui veulent tout détruire sur leur passage comme un bon vieux rouleau compresseur se prenant pour un panzer batifolant dans les plaines polonaises, quelque part entre hard core ralenti et noise métallisée. Generation Of Vipers est même un énième groupe qui doit beaucoup de choses à Neurosis – avec quelques relents valeureux d’Unsane comme sur la dernière partie de Ritual ou l’intro malsaine à souhait de Slow Burn.
Tout ceci n’empêche absolument pas Howl And Filth d’être un sacré bon album : puissant, racé, monstrueux et démoniaque. Pour une fois on admettra que la prise de son hormonée de l’ami Kurt Ballou a pu servir à quelque chose pour rendre le hard core metallisé de Generation Of Vipers encore plus mordant et encore plus impressionnant (surtout au niveau du son de la batterie) mais on n’oublie pas non plus que Josh Holt et Travis Kammeyer sont allés après l’enregistrement mettre en boite des pistes supplémentaires, tous seuls dans leur coin et dans un tout autre studio que God City, sans l’aide de personne.
Derrière le déluge et les coups de massue on ne trouve pas beaucoup de finesse (c’est le moins que l’on puisse dire) mais des détails, des mises en œuvre et autres graduations qui, en plus de rendre le son de ce disque impressionnant de puissance ET de méchanceté, lui offrent surtout une qualité exceptionnelle, disons une profondeur – on ne va quand même pas employer le terme de chaleur – qui manque à 98 % des productions du genre. Seul gros bémol, les quelques passages atmosphériques (comme au milieu de Slowburn, le violon de All Of This Is Mine ou l’intro de The Misery Coil) qui tendraient à trop ancrer Generation Of Vipers dans un post hard core synonyme de platitude. On pardonne au groupe et on peut comprendre aussi que ses membres puissent éprouver le besoin de lever le pied parce que le reste du temps Generation Of Vipers démontre avec Howl And Filth que le groupe possède un sacré tempérament de tueur.

* sur la page bandcamp de Generation Of Vipers on peut également écouter les deux autres albums du groupe : Grace publié en 2005 et Dead Circle datant de 2007 – par contre aucune trace d’un 12’ et d’un split que le groupe aurait également publiés

lundi 16 janvier 2012

Kangding Ray / Or





On n’a jamais très bien suivi les aventures de David Letellier AKA Kangding Ray, un français installé depuis belle lurette à Berlin et parait-il architecte de formation. On s’en fout un peu beaucoup que le monsieur soit architecte dans la vraie vie ? Peut être pas tant que ça, à l’écoute de Or, déjà son troisième album et le troisième également en compagnie du label Raster-Noton. Annoncé par Pruitt Igoe, un EP vinyle publié fin 2010, Or va encore plus loin dans la direction d’une musique électronique enveloppante, très travaillée, étayée de toutes parts et faisant la part belle à des habillages qui n’ont rien à voir avec les cache-sexes habituels.
Kangding Ray a toujours plutôt dénoté avec l’ensemble du catalogue Raster-Noton. Avec Or cela ne s’arrange absolument pas, on pourrait imaginer Kangding Ray plutôt sur un label tel que Hymen records, Ad Noiseam ou même – pourquoi pas ? – Ant Zen, avec cet équilibre parfait entre froideur digitale et musicalité, rythmes complexifiés et fluidité des compositions, machines omniprésentes et parties chantées. Car oui, il y a des parties chantées sur Or, et pas qu’une seule : cela va des vocaux éthérés d’un Athem aux véritables paroles d’un Pruitt Igoe. Et au passage intéressons-nous d’un peu plus près à ce titre aux ambiances très inquiétantes : Pruitt Igoe fait référence à une cité urbaine érigée dans les années 50 à Saint-Louis (Missouri) et sciemment coupée en deux car les lois ségrégationnistes avaient encore cours à ce moment là aux Etats Unis. D’un côté les blancs et de l’autre les noirs. Pruitt Igoe a fini complètement démoli au milieu des années 70, après avoir coûté une fortune, échec patent d’une politique du logement « social » et d’un urbanisme pourtant salué à l’époque de la construction de la cité comme des plus novateurs*.
La politique et le débat d’idées ne sont donc pas absents de Or alors que d’ordinaire voilà des préoccupations secondaires dans le monde plutôt onaniste et recroquevillé des musiques électroniques actuelles. On en vient à se demander si le titre même du disque désigne la richesse (comme le laisse supposé la dorure envahissante du livret) ou l’altérité (« ou », en rapport également avec le ségrégationnisme du projet Pruitt Igoe). Peut être bien les deux, ce qui sous-entendrait une vision très critique du monde dominé par l’accumulation de richesses et la segmentation/répression des sociétés – l’une se nourrissante de l’autre –, une vision que je ne peux hélas que partager.
Mais je m’égare très certainement parce que le reste du disque semble bien moins sujet aux considérations philosophiques, idéologiques et politiques – ou peut-être que je n’ai pas su retrouver les bonnes références mais des titres tels que Mojave, Coracoïd Process, En Amaryllis Jour ou La Belle sont avant toute chose emprunts d’une réelle poésie, non ? Et de la poésie il s’en échappe de ce disque à chacune des secondes qui s’écoule. Elle est parfois très inquiétante, très sombre, mais elle est irrésistible. Et surtout, plus on découvre Or, plus on se persuade d’écouter à nouveau et enfin quelque chose de vraiment frais en matière de musiques électroniques. Voici le meilleur disque du genre pour l’année 2011. Le plus subtil aussi. Et l’un des plus beaux.

* pour plus d’informations, je vous renvoie directement à la lecture de ce texte du sociologue Thomas Watkin – non ne me remerciez surtout pas

dimanche 15 janvier 2012

Comme à la télé : Black Sabbath live à l'Olympia [20 décembre 1970]


Et bien, et bien… cette semaine nous a encore valu son lot de grosses poilades avec l’annonce des reformations d’At The Drive-in ou de Refused – paraît-il que des groupes essentiels. 

Donc voilà, ami lecteur, il n’y a que deux solutions : soit tu es trop jeune, donc tu n’as jamais vu ces groupes et donc tu veux absolument les voir, maintenant, parce que mieux vaut tard que jamais et puis comme ça tu pourras toujours dire que tu y étais, enfin ; soit tu as déjà vu ces groupes en concert il y a très très longtemps et c’est donc que tu es déjà trop vieux (après tu fais ce que tu veux, aller te secouer la nouille et les souvenirs devant tes idoles du siècle dernier ou bien faire ton snob comme moi en refusant d’y aller parce que c’était mieux avant). 

Ci-dessous la vidéo intégrale d’un concert donné en décembre 1970 par Black Sabbath. Un groupe précurseur puisqu’il s’est séparé un sacré nombre de fois et s’est donc reformé tout aussi souvent, sous des line-ups variables et même avec des chanteurs différents – dans le genre mauvaise foi on a rarement fait mieux que ces anglais de Birmingham. Il n’empêche que ce concert représente Black Sabbath à son meilleur, à l’époque des deux premiers albums (les seuls qu’il faut avoir absolument) et dans sa formation originelle. Admirez comment Ozzy chante mal mais a l’air plutôt timbré, admirez les riffs de Tony Iommi, admirez le jeu démentiel de Bill Ward derrière sa batterie et regrettez que l’on n’entende pas davantage la basse de Geezer Butler :


 


Ce line-up avait annoncé sa reformation le 11 novembre 2011 (hahaha) et répétait en vue d’une nouvelle tournée et même d’un nouvel album. Une opération rendue possible par la mort de Ronnie James Dio et la dissolution de Heaven And Hell – le petit nom donné à Black Sabbath depuis la reformation du groupe avec Dio en 2006, surtout un nom donné pour ne pas froisser Ozzy Osbourne, sa manageuse de femme et leur armée d’avocats sanguinaires.
Depuis l’annonce du cancer et de l’hospitalisation de Iiommi, cette énième reformation semble elle aussi en suspens. Et c’est une très bonne nouvelle. Désolé Tom mais je préfère regarder encore une fois ce concert de 1970 plutôt que de te savoir à nouveau sur une scène avec ton club de grabataires sous prozac.

Is it the end, my friend ? 
Satan's coming 'round the bend 
People running 'cause they're scared 
The people better go and beware 
No, no, please, no 

Rappelons à toutes fins utiles que la nostalgie est un business comme les autres et que c’est même pour certains les dernières cartouches qu’il leur reste à tirer pour se faire encore un peu de fric avant la fin du monde. 

Rappelons enfin qu’il y a plein de groupes, ici, maintenant, de partout et même d’ailleurs, des groupes qui viennent de naître, qui viennent de sortir un disque ou qui aimeraient en sortir un, des groupes qui veulent donner des concerts et qui veulent qu’on aille les voir jouer.