lundi 29 juin 2009

Obits / I Blame You























Donnez moi une bonne raison d’écouter I Blame You, premier album des Obits. Tout d’abord, ce disque tenant la corde pour la pochette la plus laide de l’année a été publié par Sub Pop, label responsable de quelques émois musicaux de jeunesse ce qui fait que l’on est toujours tenté de garder une oreille sur ses activités les plus récentes (mais de moins en moins souvent il est vrai). Ensuite Obits est le nouveau groupe de Rick Froberg, celui là même qui avait dynamité les années 90 le temps de deux albums mémorables et incontournables de Drive Like Jehu. Il avait ensuite retrouvé son petit camarade John Reis (également dans Drive Like Jehu et surtout de Rocket From The Crypt) au sein de Hot Snakes, groupe en ayant marqué plus d’un au début des années 2000 avec trois albums, des John Peel Sessions et des concerts dantesques -je n’ai jamais vraiment fait partie des convaincus de Hot Snakes mais je dois aussi avouer que je les ai ratés en live.
Pour Obits, Rick Froberg s’est acoquiné avec un deuxième guitariste (et parfois chanteur comme sur le malencontreux Run) et une section rythmique rentre dedans. Le credo du quatuor : du rock’n’roll pur et sauvage, sans aucun esprit d’ouverture et/ou d’aventure. Comme le dit Rick Froberg lui-même sur la page de présentation dédiée par son label à Obits : We’re not into innovation as a band, I think innovation is overrated and an overestimated quality. Anything that’s going to be original is going to happen without your control. Things that make your band sound like you, are things you wouldn’t be able to change anyway. We just go ahead and play the stuff we like, and we don’t worry about originality per se, because that takes care of itself. En guise de confirmation, Obits reprend Milk Cow Blues, un classique du blues américain puis du rock’n’roll dont la version qu’en a enregistré Elvis Presley pour Sun records n’est pas la moindre.
Vaguement garage, psychédélique à ses heures, I Blame You décèle deux énormes inconvénients qui se transforment rapidement en défauts majeurs et éliminatoires. Le premier c’est ce son d’une propreté qui fait pliz par là où il passe, garage mon cul. Mais ce n’est rien à côté de l’absence totale de chanteur dans Obits. Rick Froberg qui assure 95 % des parties chantées n’a aucune personnalité, il avait bien raison d’y pallier en braillant dans Drive Like Jehu et Hot Snakes et pour son nouveau groupe on aurait rêvé à la place de ces bêlements de vermisseaux d’une voix un peu plus habitée et profonde, quelque chose comme du Jeffrey Lee Pierce dont l’ombre imposante voire gênante hante plus d’une fois I Blame You.
Ce disque créerait presque l’illusion en début de première face (le final de Widow Of My Dreams) ou sur le mega hit Two Headed Coin alors que la plupart du temps les parties instrumentales arrachent avec des soli de guitares qui donnent envie de faire la danse du ventre torse nu. Mais I Blame You n’a qu’une énergie tronquée qui retombe rapidement -toujours la qualité beaucoup trop lisse de l’enregistrement- et surtout un songwriting déficient au possible. Pas assez de poils + manque de mélodies méphistophéliques + interprétation faiblarde = un disque moyen et décevant par un groupe surcoté (comment qu’il a dit déjà Rick Froberg ? Overrated ? Overestimated ? -au moins il n’a pas eu faux sur toute la ligne).

dimanche 28 juin 2009

Jazkamer - Offonoff / split 10'
























Il est là ce troisième volume de la série de splits 10’ chez Gaffer records, il est enfin là alors que le numéro quatre (avec les incontournables Moha!) est déjà dans les bacs depuis un bon mois. Ce nouveau né est d’une belle couleur jaune Tupperware à la mode psychédélique mais à la différence des précédents épisodes le vinyle n’est pas transparent. Par contre il devait rester un peu de la couleur précédente dans la presse de l’usine car il y a un léger effet marbré/strié qui par endroit vous transforme ce disque en belle peau de citron : si un jour vous décidez de vous procurer ce disque -ce que je vous conseille d’ores et déjà- vous aurez entre les mains le premier vinyle avec effet cellulite intégré. Mais le plus important n’est pas là. Le plus important ce sont les deux groupes qui se partagent ce disque. D’un côté les affreux Jazkamer et de l’autre les méchants Offonoff, autrement dit deux groupes abrités par l’excellent label Smalltown Superjazz.
Commençons par le cas Jazkamer. Le groupe de Lasse Marhaug et de John Hegre s’est fait connaître sous le nom de Jazzkammer (nuance !), a raccourci son nom à l’époque de l’album Metal Music Machine enregistré avec l’aide de quelques métallurgistes émérites (parmi lesquels des gars d’Enslaved) et proposant une relecture bruitiste -et drôle- du metal extrême. Sur ce 10 pouces Lasse Marhaug et John Hegre sont tous les deux crédités à la guitare et sont accompagnés de l’un de leurs fidèles compagnons, Nils Are Drønen, à la batterie. On sait que Lasse Marhaug a plus d’une corde à son arc (oui dans la vie il fait autre chose que bidouiller un laptop et tourner les potentiomètres d’une table de mixage) et sur ce Too Many Musicians, Not Enough Tear Gas Jazkamer se la joue Offonoff en version fraggle rock : la première guitare qui pourrit tout au feed back, l’autre guitare qui gratouille dans tous les sens et la batterie qui tape comme à l’aveugle. Un bordel sans nom, une cacophonie à mourir de rire. La parodie est évidente et je vous jure que c’est vraiment drôle. Pas sérieux mais barré comme il faut.
Et c’est encore plus drôle lorsque on retourne le disque pour écouter OffonOff et Too Many Deejays, Not Enough Bullets. L’impro free noise c’est précisément le fond de commerce d’Offonoff et nos trois comparses (Terrie Hessels de The Ex, Massimo Pupillo de Zu et Paal Nilssen-Love) excellent en la matière, ça on le savait déjà. Cette longue impro emmenée par une basse chaotique et désordonnée, une batterie nerveuse et une guitare aux assauts sans relâche est tout bonnement le meilleur enregistrement d’Offonoff, bien meilleur que tout ce que l’on peut entendre sur Clash, l’unique album du groupe. Une décharge proche de l’intensité du groupe en live. Un vrai bonheur. Et encore un excellent disque et un excellent boulot de la part de Gaffer records, le label qui monte et réservé aux hipsters de bon goût (mais pas que).

samedi 27 juin 2009

Culture et partage : l'idéalisme selon XbXrX






















La gratuité comme argument de vente. Voilà une très bonne nouvelle qui va à la fois réjouir anoraks, branleurs, crevards, voleurs et hipsters (il est bien sûr possible d’être tout ça en même temps) : XbXrX -trio néo no wave/punk d’Oakland comprenant depuis deux ans dans ses rangs ce grand malade de Weasel Walter à la batterie- a décidé de balancer son nouvel album gratuitement sur le web. Cela se passe sur le site officiel du groupe ou bien on peut directement se rendre ici, ou pour télécharger ce Un Usper qui après deux ou trois écoutes distraites et dilettantes ne semble pas remettre fondamentalement en question les travaux précédents du groupe. On s’en serait douté. Ce nouvel album n’est pour l’instant pas prévu pour une sortie officielle sur support physique.
A noter que XbXrX lance en même temps un appel à donation, peut être au cas -invraisemblable et utopique- où les heureux admirateurs du groupe soient également de généreux philanthropes. On donne ce que l’on veut ou alors on ne donne rien. Moi je n’ai rien donné, salaud que je suis.

vendredi 26 juin 2009

Foetus / Limb


Depuis l’année 2005 et la parution de Love et son clavecin omniprésent et rutilant, J.G. Thirlwell n’a rien publié de réellement neuf sous le nom de Foetus. Concentrant tous ses efforts sur le travail de composition pour des projets annexes -Steroïd Maximus et surtout Manorexia- notre red Elvis on acid (© Richard Kern) a pourtant multiplié les albums d’inédits et de remix. D’abord avec l’excellent bien que très hétérogène Damp, album constitué de chutes de studio de Love et de fonds de tiroir -le titre Mine Is No Disgrace enregistré avec les Melvins et déjà disponible sur l’album Crybaby de ces derniers, une reprise de Matt Johnson/The The (avec lesquels J.G. Thirlwell joue depuis 1983) ou Cold Shoulderun, titre instrumental, rampant et post symphonique de seize minutes qui n’aurait pas juré sur un album de Manorexia. Vein, ensuite, ou une collection franchement bancale de remix et réinterprétations avec des bidouilleurs invités allant de Fennesz à Matmos en passant par Mike Patton et plein d’autres gens dont je n’ai jamais entendu parler et dont je me fous complètement (est ce que c’est bien ce gros blaireau de Trent Reznor qui se cache derrière le patronyme de TRZTN ? *). Soyons franc : l’album de remix est un exercice délicat dont le résultat est souvent ingrat -ici on atteint tout juste la barre du passable et du comestible ce qui n’est déjà pas si mal.
Jamais deux sans trois. Foetus a décidé de ne pas s’arrêter en si bon chemin avec la parution en mai 2009 de Limb, luxueux package comprenant un CD et un DVD. Un livret de 48 pages accompagne l’objet et 98 % de celui-ci est rempli d’illustrations géométriques et futuristes empruntant aussi bien à l’esthétique des affiches de propagande du troisième Reich qu’au Pop Art (raccourci assez génial, non ?) et composées uniquement avec les couleurs rouge, blanche, noire et grise -les couleurs que Foetus a toujours voulu utiliser pour ses albums à l’exception de la période Butterfly Potion/Male/Gash où il rajoutait un peu de jaune voire des photos. Le reste du livret comprend un descriptif pour chaque titre de Limb et c’est là que cela devient franchement intéressant.

















Ces douze compositions -treize si on compte le titre uniquement disponible en mp3 lorsqu’on insère le disque dans un ordinateur- ont été composées entre 1982 et 1983 c'est-à-dire au tout début de l’aventure Foetus voire même avant celle-ci, à une époque où J.G. Thirlwell vivait encore à Londres, ville de tous les mirages musicaux qu’il avait rejoint pour vivre pleinement sa passion (époque pendant laquelle il collaborait également avec le Nurse With Wound de Steven Stapleton, cf l’album Insect And Individual Silenced). Les notes du livret précisent également que ces enregistrements de Foetus ont tous été effectués avant l’apparition du sampler et de la technologie Midi, ça on s’en serait douté…
On s’en serait douté aussi à l’écoute de certains titres qui ne sont que des jeux de manipulations de vieux vinyles dupliqués sur une cassette audio elle-même manipulée sans ambages pour un résultat qui aujourd’hui est terriblement daté et banal (Milan Knizak est l’un des premiers gugusses à avoir fait joujou avec un tourne disque et des galettes de plastique aux alentours des années 1963/1964). Tout le principe de la musique de Foetus est pourtant compris dans cette utilisation des bandes, l’homme jouant de tous les instruments, les superposant avec les moyens du bord, changeant les tonalités en ralentissant ou accélérant les vitesses de passage. On a donc affaire à de la musique mi instrumentale mi concrète foutraque et composée par un punk défoncé 24 heures sur 24. Certains titres sont déjà connus parce que publiés auparavant sur des singles, maxis et repris sur des compilations. On rigole à l’humour du bonhomme jouant avec la phrase That We Forbid selon une technique empruntée de son propre aveu à Steve Reich -également cité au début du très beau Sjogren’s Syndrome- tout comme on s’émerveille de la richesse et de l’inventivité d’un Sick Minutes ou d’un Primordial Industry. Limb reste malgré tout une compilation réservée aux furieux de Clint Ruin/Jim Thirlwell/Foetus.
Et le DVD alors ? Celui-ci comprend un documentaire réalisé en 2005 par le français Clément Truffeau -le film est donc sous-titré en français- et intitulé NYC Foetus : un assemblage très scolaire d’interviews, d’images d‘archives -des extraits de concerts de Foetus réellement décapants avec Algis Kizys, Norman Westberg, Ted Parsons, David Ouimet ou une interview du milieu des années 80 à se pisser dessus. Parmi les intervenants : Richard Kern, Matt Johnson, Mickael Gira, Alexander Hacke (toujours aussi allumé), Lydia Lunch bien sûr et Vinnie Signorelli -sûrement l’un des plus intéressants du lot avec Brian Emerich, en tous les cas bien plus que Jennifer Charles vautrée sur un canapé et n’ayant visiblement rien à dire. Tous peinent en effet à parler de J.G. Thirlwell sans tomber dans l’admiration la plus totale ou le dévouement aveugle ce qui est l’exact défaut de ce documentaire qui ne parle que de la période new-yorkaise de Fœtus (d’où le titre et des prises de vue de la ville by night visant certes à aérer le propos mais d’une maladresse sans nom), période s’étirant jusqu’à nos jours. La différence entre Jim Thrilwell l’homme et Jim Thirlwell l’artiste est extrême. Cela n’a rien à voir. Si vous pensiez qu’il ressemble à sa musique vous êtes totalement dans le faux nous dit Lydia Lunch. Oui mais encore ? Notre héro lui-même est assez maladroit pendant ses propres interviews. NYC Fœtus donne malgré tout un panorama complet des activités de Jim Thirlwell (même le côté DJ ou sa participation à Freq_Out sont évoqués) et on se jettera sur les extraits live de Foetus proposés en bonus du DVD en regrettant qu’il n’y en ait pas davantage.
* la réponse est non mais cela m'a permis de dire un peu de mal

jeudi 25 juin 2009

J.G. Thirlwell / The Venture Bros soundtrack vol 1























Que l’on se rassure, on ne va pas parler télévision. Ou si peu. Je ne pense pas que The Venture Bros soit diffusé de ce côté ci de la planète mais qu’importe, en cherchant bien on peut trouver sur internet tous les extraits que l’on veut de cette série et les accros peuvent même jeter leur dévolu sur le double DVD zone 2 -non sous titré- compilant l’ensemble de la saison 1 (2004, on en est maintenant à la saison 3, les saisons 2 et 3 n’existent pour l’instant qu’en zone 1). J.G. Thirlwell aka Clint Ruin aka monsieur Foetus avait inclus dans le DVD bonus accompagnant l’album Love de son projet principal les teasers de la première saison de The Venture Bros nous racontant les aventures du gros balaise Brock Samson, du docteur Venture, de ses deux fils stupides et du magicien Morpheus aux prises avec l’infâme Monarch. Sex, violence and death -un chouette programme. Thirlwell étant le maître d’œuvre de toute la bande originale de The Venture Bros il fallait bien s’attendre à ce qu’un jour cette musique paraisse en bonne et due forme sur un support quelconque. C’est désormais chose faite grâce à William street records : un joli CD pour les gens pressés ou un chouette vinyle pour les esthètes (respectivement vingt et seize titres).
On connaît depuis longtemps le goût immodéré de Mr Foetus pour les musiques de films paroxystiques, les big bands de jazz décadents et les parodies en tous genres, plus c’est kitsch et décalé et plus il aime ça. Mais pas que. On sent chez lui un véritable amour pour toutes ces cultures bis auxquelles il a déjà rendu de multiples hommages sur les albums de Foetus (avec en point d’orgue le génial Hauss-On-Fah sur l’album Thaw de Foetus Interruptus en 1988) ou dans des projets annexes, en particulier Steroid Maximus. Il partage un certain goût pour la démesure avec Ennio Morricone -cité à de multiples reprises sur ce Venture Bros soundtrack vol 1, rien que le très court et introductif Brock Graveside avec son sifflement caractéristique- tout comme il pratique la magnificence avec le même brio qu’un Lalo Schifrin. Or Thirlwell s’amuse également à reprendre quelques gimmicks ultra rabâchés mais toujours efficaces des B.O. très seventies de films issus de la blackploitation (Node Wrestling) ou quelques poussées d’effroi dignes d’un bon vieux giallo italien (Bolly) et saupoudre le tout de rythmes jungle massifs et bien sentis (Tuff à la limite du tribal ou Fumblestealth)
Dans cette entreprise, Jim Thirlwell est comme d’habitude seul aux commandes, jouant, samplant, volant, repiquant, copiant et recollant sections de cuivres pharaoniques, violonades dramatiques, xylophones affolants, rythmiques au swing dévoyés et synthétiseurs pervers. Quelques musiciens apparaissent en guest (comme l’habitué Steven Bernstein de Sex Mob/Lounge Lizards et sa trompette crystalline) pour prêter main forte au grand sorcier en chef et il n’est pas nécessaire de lire les notes imprimées sur la pochette intérieure artificiellement jaunie et signées John Zorn pour se persuader que J.G. Thirlwell est aussi malade que génial. On peut également lire sur cette même pochette intérieure que l’intégralité de cet album est téléchargeable ici.

mercredi 24 juin 2009

La soirée des hommes seuls























Dernier concert avant les vacances d’été ou presque (il y a bien Secret Chiefs 3 le 3 juillet à Grrrnd Zero mais la seule raison qui me poussera à aller les voir c’est la curiosité, les branleurs de manche me fatiguent généralement beaucoup trop). En tous les cas ce soir c’est le dernier concert organisé au/par le Sonic auquel je vais assister avant longtemps. Bientôt ce sera les vacances bien méritées pour les trois personnes qui gèrent ce lieu. Dernier concert et un truc que l’on ne peut pas espérer voir tout les jours : Gate alias Michael Morley c’est à dire un bon tiers de The Dead C, groupe néo-zélandais essentiel qui depuis une vingtaine d’années maintenant donnerait presque envie de jouer de la guitare et de chanter comme une casserole aux plus complexés et introvertis d’entre nous. Tout comme The Dead C, Michael Morley/Gate traîne derrière lui cette étiquette de branleur lo-fi tout ça parce que les murs de guitares élaborés par le musicien sont d’une mollesse quasi élastique et granuleuse, remplis d’une indolence trompeuse qui ne confond pas trip lysergique avec apathie. La musique la plus confortablement bruyante du monde.























Son nom n’apparaît pas sur le flyer du concert mais la soirée commence avec Ulrike Meinhof. Derrière cette appellation se cache un garçon bien connu localement pour organiser de bons concerts (celui-ci par exemple ou celui-là) et ce soir c’est sa deuxième apparition en public en tant que musicien. Ambiance atmosphérique tirant vers ce qu’il faut de tension et d’angularité par l’intervention du bruit. Je ne comprends pas trop la façon dont il procède (comment se sert-il de ce boîtier qui ressemble à un vieux voltmètre?) mais je le vois gratouiller sur le sol un micro contact dont il modifie ensuite le son. Il se sert également de bases sonores samplées et on l’imagine très bien en train de bidouiller ses sons à la maison pour élaborer les trames dont il a besoin. On reconnaît un clapotis d’eau gargouillant au fond d’une baignoire et malheureusement ce sera la dernière intervention d’Ulrike Meinhof qui après un quart d’heure bien trop court de musique laisse tourner son sample de bruit de flotte, fait un signe en direction de la console de mixage et s’en va, ne laissant pas l’occasion au maigre public de l’applaudir.






















Le homeboy/esclave du Sonic quitte alors la console et vient s’installer devant la scène, à côté d’une table sur laquelle est déjà disposé un clavier et divers accessoires. Le concert de Blackthread est directement enchaîné après celui d’Ulrike Meinhof, un fade réunit les deux one man band et la transition passe très bien. L’unique membre de Blackthread n’est pas un inconnu non plus puisqu’il n’est jamais qu’une moitié de One Second Riot, duo lyonnais dont on est plutôt fan par ici. Ce soir c’est également le deuxième concert de Blackthread (après une toute première date parisienne avec Electric Electric et Zarboth au Glaz’art il y a une quinzaine de jour).
La musique de Blackthread n’a bien heureusement rien à voir avec celle de One Second Riot bien que l’on y retrouve quelques caractéristiques dont la principale est la voix narrative/le chant parlé -comme sur Brautigan, un des titres du premier album du duo. Disons qu’avec Blackthread on navigue entre chanson murmurée, mélancolie douce, paysages chantés, vignettes à découper soi-même avant de les coller dans son album d’images préférées et trouvailles sonores ou instruments délicats (percussions en bois, mélodica, etc). Une bonne et agréable surprise. Mention spéciale au titre pas encore tout à fait fini utilisant un sample de l’intro de Take Five de Dave Brubeck -arriver à faire une chanson qui ne soit pas putassière avec un standard du be-bop aussi célèbre n’étant à mon sens pas franchement évident.

















Suite de la soirée avec Tamagawa. Initialement programmé au Sonic avec Agathe Max et Psychic Paramount le 21 mai dernier dans le cadre des Nuits Sonores, le stéphanois avait été contraint d’annuler. Il est bien là ce soir et commence son set au synthé, mélangeant les nappes sonores avec sa nonchalance habituelle et tricotant petit à petit un background sur lequel il rajoutera de la guitare après. Et une fois passé à la six cordes, notre bonhomme va consciencieusement et ostensiblement tourner le dos au public, se balançant d’un pied sur l’autre au son de la boite à rythmes. Il n’y a rien de passionnant dans le fait de regarder un cul faire du yoyo psychédélique pendant vingt minutes mais l’accroche de ce long morceau de Tamagawa est plutôt bonne donc permet d’oublier ce jeu de scène risible. Tant qu’à faire je préfère carrément les gens qui jouent dans le noir.
Le problème (si tant est que cela soit un problème) c’est qu’on sent bien qu’un titre de Tamagawa, avec sa structure en forme de mille-feuilles et ses développements incessants, pourrait durer encore très longtemps. Lorsque la musique s’arrête soulagement et frustration font leur apparition. Soulagement que le musicien ait la présence d’esprit de ne pas abuser de ses plans labyrinthiques convoquant à la fois Spaceman 3 et The Cure. Frustration parce que Tamagawa ne jouera pas de second titre or c’est précisément ce que l’on attendait après cette première bonne partie qui finalement restera orpheline. Un deuxième titre supplémentaire, plus rentre dedans, moins opiacé et plus contrasté aurait été le bienvenu. C’était un peu court jeune homme. Dommage.






















On l’a déjà dit, Michael Morley est un vieux de la vieille. Rajoutez lui une barbe aussi grisonnante que ses cheveux et on vous obtiendrez une bonne tête de patriarche antédiluvien ou de nain de jardin acidifié. Visuellement, un concert de Gate n’a strictement aucun intérêt. Papy est assis sur une chaise avec sa guitare sur les genoux. Il jette de temps à autre un coup d’œil sur le laptop placé à sa gauche, laptop qui lui sert à envoyer un fond sonore plus ou moins bruitiste. Une évolution qui a également touché The Dead C depuis quelques années (en plus de l’adjonction de synthétiseurs).
Aucun intérêt visuel mais musicalement c’est tout autre chose. Le blues défoncé à la reverb et au delay de Gate est passionnant. Loin de l’explosion sonique, très loin des déflagrations tapageuses mais réellement impressionnant question richesse sonore, multiplicité des harmoniques et coloration mélodique. Errance lo-fi, balades accidentées, chant d’autiste en pleine crise d’hystérie, gratouillage précisément brouillon des cordes de la guitare : à sa façon Michael Morley est un poète vraiment peu soucieux du qu’en dira t-on et du code de bonne conduite de l'orthodoxie rock'n'roll. Sa musique, avec ses hauts et bas inévitables, vous transporte à mille lieux de toute trivialité. Un grand bonhomme.

mardi 23 juin 2009

Dolom / self titled























Dolom : un drôle de nom, une drôle de pochette de disque et une drôle de musique qu’a priori on n’attendait pas du côté de Down Boy records. Quatre titres équitablement répartis sur les deux faces de la galette et rien d’autre. Ne comptez pas sur moi pour raconter qui couche avec qui dans le groupe ni qui est chargé de décapsuler les bières pour les autres avec ses dents dans le tour van, je n’en sais foutrement rien : il n’y a rien d’écrit sur cette pochette noire et blanche pas plus qu’il n’y a d’insert à l’intérieur. La seule chose dont je suis à peu près sûr c’est que Dolom est un groupe géographiquement éclaté. Une partie de ses membres embourbés dans les basses terres de l’est de la métropole, une autre quelque part dans la capitale et le reste de l’autre côté de l’océan. Un groupe qui ne se réunit dans le meilleur des cas que tous les semestres et demi, enregistre uniquement les années bissextiles et part en tournée seulement lorsque la neuvième nouvelle lune tombe exactement le jour de l’équinoxe d’automne et à la seule condition que celle-ci ne se produise pas pendant le week end ou le jour de la reprise du championnat de ligue un.
Quatre titres longs d’un rock instrumental à tiroirs drivé par une basse omnipotente et bien placée -ce garçon qui joue de la quatre corde à une attaque bien droite et sèche, à coup sûr il réussirait à booster n’importe quel groupe boutonneux de machin core old school ou moderne sans imagination, qu’importe, il est l’un des atouts majeurs de Dolom mais il n’est pas le seul. La formation du groupe est assez atypique avec également deux guitaristes (dont un prend parfois une deuxième basse comme au début du deuxième titre -à moins que ce ne soit le quatrième, les faces de ce LP ne sont pas numérotées), une batterie et un cinquième membre s’occupant d’instruments à vent, essentiellement du trombone et du saxophone. Si je voulais être vulgaire j’appellerais ça du rock progressif mais pas celui de toutes ces racailles de branleurs casse-couilles et auto-complaisants (de Magma à Guapo en passant par King Krimson). Plutôt un rock progressif taillé au cordeau, bourré de rebondissements qui ne ressemblent pas à des figures de style pendant une compétition internationale de ping-pong et dégueulant de développements qui ne te laisse pas le temps d’aller aux chiottes et de laver le carrelage après. Le tout donc avec une saine énergie curieusement noyée dans un mix brumeux et assourdi, un peu unidimensionnel. Une bonne trouvaille ce mix -peut être involontaire?- qui brouille efficacement les pistes, permet de balancer toutes les étiquettes au feu et attise les flammes sans en avoir l’air. Du rentre dedans par l’intérieur ou quand le moins c’est le plus (travailler moins pour gagner plus serait donc également possible ?). Rarement un groupe de rock instrumental vaguement mathématique et jazzeux de très loin, genre chiant parmi les genres chiants, n’aura su autant convaincre et rester attrayant sans tomber dans la facilité et le remplissage. J’attends la prochaine neuvième nouvelle lune tombant le même jour que l’équinoxe d’automne avec impatience. Avant 2012 et la fin du monde s’il vous plait.

lundi 22 juin 2009

Young Widows - My Disco / split #4























Quatrième et dernier volume de la série avec Young Widows en haut de l’affiche. On complète le portait avec un œil gauche et le reste d’une mâchoire pendante. La dégringolade en bas du tableau continue pour le trio de Louisville avec un Easy Acting tout de même nettement moins mauvais que ses trois prédécesseurs réunis. Disons que le début du titre laisse présager du pire mais que le pire n’arrive pas, bien que la fin du titre soit une nouvelle fois en queue de poisson. Chose particulièrement énervante lorsque on sait ce dont le groupe est capable par ailleurs. Disons aussi que le gros défaut de ce Easy Acting (et des trois autres titres que Young Widows a enregistré pour la série) c’est de dévoiler toutes les ficelles du groupe, ces ficelles que nous ne pouvions pas/refusions de voir sur l’album Old Wounds parce que trop bien cachées par une énergie, une concision, un sens du riff, une rythmique ramassée et un goût pour la déflagration pouvant faire croire que oui, faire du noise rock intelligent, communicatif et viscéral en 2008 était possible. Young Widows perd ainsi pas mal de sa crédibilité, retournant dans cette deuxième division remplie de suiveurs et de mecs en retard d'où nous avions cru pouvoir l’en tirer.
La face B est la face de l’invité, invité encore mystère au moment de la souscription. On ne parle même pas des bruits qui ont couru à propos de ce quatrième groupe. Finalement ce sont les australiens de My Disco qui s’y collent. Un groupe que l’on a bien failli voir à Lyon en compagnie de Scul Hazzards lors d’une récente tournée fin avril si leur van n’avait eu la mauvaise idée de tomber en carafe du côté de Perpignan (ou je ne sais quel autre bled du tiers-monde du sud de la France). Un groupe coupable également d’au moins un bon album, Paradise, enregistré par Steve Albini et ayant valu aux australiens des comparaisons peu flatteuses avec Shellac -à tord, précisons le. Antler n’est absolument pas dans la lignée de Paradise et des prestations en concert du groupe, prestations un rien m’as-tu-vu mais efficaces. A croire que My Disco s’est pour le coup laissé influencer par Young Widows en proposant l’un de ses plus mauvais titres. Après le viagra de l’épisode trois, voici le prozac et le lexomil. A oublier absolument.
Autant dire que ces quatre 45 tours frisent l’arnaque. Temporary Residence s’est bien gavé, les nerds et les geeks ont casqué (c’est la loi du marché, man) et à l’heure où vous lirez ces lignes, seule la première partie (celle avec Bonnie Prince Billy) est sold out auprès du label. Le coup de pub/coup de pute n’a donc pas si bien fonctionné que ça. Et tant qu’à choisir, autant se procurer uniquement le volume deux, avec Melt Banana, les japonais proposant le seul bon titre parmi les huit faces de ce qui restera un lointain et mauvais souvenir.

dimanche 21 juin 2009

Young Widows - Pelican / split #3























Poursuivons avec la série de split singles lancée par le label Temporary Resisdence avec nos chéris de Young Widows en guise d’hameçon/tête de gondole. Après un premier épisode fort décevant et un deuxième un peu meilleur uniquement du à la présence des Melt Banana invités en face B, le bilan à mi parcours est guère brillant pour ne pas dire catastrophique : un œil gauche chiasseux et pleurnichard, un œil droit torve et victime d’un astigmatisme rédhibitoire. Le volume numéro trois sauvera t-il cette série du port de lunettes obligatoire ? La réponse est malheureusement non. Ce n’est pourtant pas faute de rajouter un œil supplémentaire grâce à la troisième partie d’un artwork qui décidemment confirme que la laideur est également une discipline à part entière.
Young Widows, tête d’affiche alléchante sur papier, continue de se foutre de la gueule du monde avec un Mid-Western ralenti mais surtout mou du genou et absolument pas bandant. Où se trouve la frénésie noise du groupe ? Au milieu du titre avec cette (trop) brève colère qui retombe aussitôt ? On s’attend à ce que Young Widows renouvelle l’expérience à la fin du titre en souhaitant fermement que le groupe la fasse durer un peu plus cette putain de colère, du moins suffisamment de temps pour provoquer un début d’érection mais, comme sur les deux précédents titres proposés par le trio pour cette série de split singles, Mid-Western s’arrête brutalement, coïtus interruptus et il n’y a alors plus qu’à changer de position.
On retourne la galette aussi sec pour s’enfiler le metal viagra de Pelican. Même à quatre pattes et avec la gorge profonde du quatuor on trouve le temps un peu long. La musique instrumentale et lourde du quatuor de Chicago n’est pas désagréable en soi, elle a même su provoquer quelques émois sur un premier EP et un album (Australasia) plutôt bien foutus mais on s’emmerde sur ce Inch Above Sand qui ne prouve qu’une chose et une seule : Pelican est depuis longtemps arrivé au bout d’une formule qui de toutes façons ne laissait que peu de marge de manœuvre au groupe. Comme cette formule/musique est tout sauf un réservoir à adrénaline rock’n’roll ou en plaisirs interdits, persévérer dans cette voie est une faute de goût impardonnable. Euthanasie pour les métallurgistes post-rockeux empâtés.

samedi 20 juin 2009

Hors de nulle part























Deuxième concert de la semaine et changement radical d’ambiance et de décor : après les post black metalleux de Wolves In The Throne Room -et toujours grâce à l’orga Ostrobotnie dont ce sera là la dernière programmation avant les vacances d’été- le Sonic accueille une curiosité de taille avec Snowman, groupe assez improbable et venu de nulle part (enfin si, d’Australie, ce qui revient à peu près à la même chose). Un groupe responsable d’un excellent deuxième album, The Horse, The Rat And The Swan qui a ce don assez rare de rebuter radicalement ou de séduire expressément. Après une première venue annulée -en fait c’est toute la tournée de Snowman qui avait alors été mise au rencard- et après un petit tour d’horizon britannique début juin avec leurs compatriotes de The Drones (les pauvres…), nos australiens viennent défendre les titres de ce disque incroyable et inclassable, en espérant qu’ils oublieront définitivement ceux d’un premier album tellement différent de la musique qu’ils interprètent à l'heure actuelle que l’on jurerait que ce n’est pas le même groupe qui joue… l’un des nombreux mystères Snowman à résoudre aujourd’hui.























A quoi peut bien servir une première partie locale ? Réponse : à ramener un peu de monde à un concert parce que l’organisateur a un peu peur que la tête d’affiche ne rameute pas assez de curieux -et sur ce coup là il a parfaitement raison. Stagger Lee est un tout nouveau groupe mais avec que des anciens dedans (je reconnais le guitariste de droite qui jouait dans Black Summer Time, un groupe vu une fois ou deux en concert et qui dans le genre -hard core- le faisait bien) et ce soir c’est leur premier concert. La première démo de Stagger Lee est téléchargeable ici.
Il n’y a rien à dire sur la mise en place du groupe, son énergie (positive l’énergie, Donald Sutherland sort de ce corps) et son entrain à balancer un punk hard core vieillot et daté, rapide mais pas hystérique, burné mais légèrement gras et mélo, genre on n’a pas oublié d’inclure de la mélodie dans notre formule. Honnêtement je m’emmerde, j’ai déjà entendu ce genre de truc un milliard de fois quand j’étais petit -oui je sais : ce n’est pas vraiment un argument- et déjà à l’époque je ne pouvais pas saquer le genre. Je suis un peu surpris par le son du guitariste (qui fait des petits soli) dont la teneur me semble singulièrement manquer de nervosité. Je quitte le devant parce qu’après tout il y a des personnes qui semblent apprécier et vouloir assister au spectacle alors je leur cède volontiers la place pour remonter à l’air libre. Là je m’aperçois que les supporters du second groupe attendent tous dehors que cela se passe.


















A quoi peut bien servir un second groupe local de première partie ? Réponse : à ramener encore un peu plus de monde parce que l’organisateur sait pertinemment que booker des concerts au mois de juin c’est une fois sur cinq prendre le risque de se planter. Ce second groupe s’appelle Le Parti et vient de St Etienne (banlieue de Lyon). Le trio pratique un post punk extrêmement daté (allant de Joy Division à Gang Of Four) et en toute logique -passéisme contre passéisme- je devrais bien plus apprécier la nostalgie des camarades du Parti que celle de Stagger Lee car si on me demandait de choisir entre l’option Joy Division/Wire et l’option Black Flag/Circle Jerks de mes goûts musicaux je choisirais la première vraiment sans aucune hésitation.
Or c’est exactement le contraire qui se produit. La musique du Parti est d’une mollesse qui ne fait que souligner d’une façon aberrante les influences préhistoriques du groupe. Le couple rythmique joue comme il le ferait au mariage de ma belle sœur et la guitare énerve sans s’énerver -quel son ignoble. Le Parti enfile cliché sur cliché et pour la seconde fois je m’éloigne de la scène. On ne peut vraiment pas faire confiance à un groupe dont le bassiste porte un t-shirt reprenant le visuel de l’album Meat Is Murder des Smiths. How Soon Is Now ? chantaient Morrissey et ses petits camarades d’alors. Pour le Parti, maintenant c’est jamais et il faudra attendre pour le grand soir.
Je m’éloigne définitivement et pour la seconde fois encore je remonte à la surface afin de prendre le frais sur le pont de la péniche qui abrite le Sonic et je retrouve les fans du premier groupe qui s’emmerdent fermement tout en attendant que cela se passe. Chacun son tour.


















La soirée s’annonce donc comme particulièrement pourrie. Parce qu’avec Snowman c’est un peu l’impression du quitte ou double qui domine. Le groupe arrivera t-il à reformuler correctement les ambiances bigarrées de The Horse, The Rat And The Swan ? Celui que je devine être le chanteur envoie quelques vacheries à un petit gnome qui a du mal avec les connexions de son violon électrique : démerdes-toi avec ton matos. Et tandis que l’on procède aux derniers réglages ce même chanteur se balade dans la salle en poussant quelques cris bizarres, chantonnant des trucs incompréhensibles avec cette ostentation du type s’assurant toujours qu’on le remarque. Mais ça me fait sourire malgré tout.
De même, pendant le premier titre instrumental, il gratouille son instrument les yeux invariablement dans le vide et le regard volontairement fixe, ne bougeant pas d’un iota -oui mon garçon tu as l’air d’un grand malade voire même d’un gros psychotique mais n’en fais pas trop quand même, on finirait par de plus vouloir faire semblant de croire à ton cinéma et à ta prétention arty.






















Et bien celui qui a l’air le plus taré (et le moins poseur) dans Snowman c’est le petit gnome, celui au violon mais qui joue également du synthé, des percussions, tape des pieds, hurle et chante d’une voix aigue démontrant à l’occasion un lyrisme impeccable.
Les voix célestes en volutes de plomb finement ciselé de l’album The Horse, The Rat And The Swan c’est bien lui et non pas la bassiste (également saxophoniste à ses heures) qui donnera aussi de la voix. Cette richesse vocale -entre incantations torturées, mélopées extra-terrestres et souffles d’anges déchus- est l’une des marques de fabrique de Snowman. La musique et l’instrumentation suivent le même chemin, passant de rythmiques que n’aurait pas renié le Einsturzende Neubauten des débuts à une tectonique noise proche d’un Birthday Party avec un lyrisme théâtralisé à la Bauhaus circa In The Flat Fields/Mask.
Que des références de pré retraités et datant du siècle dernier. Mais Snowman propose une relecture passionnante de ces vieux idiomes, plonge dans une folie musicale qui n’a strictement rien à voir avec les errances post modernes que sont la nostalgie et le sectarisme du second degré. Le groupe passe sans hésitations d’un registre aérien (mais venimeux) à un registre dissonant/chaotique (et explosif), gagnant au fur et à mesure que les minutes passent en irréalité et nécessité. Le vertige comme refuge, l’incompréhensible comme cheminement, une lumière vive et incandescente mais aucune réponse aux questions : Snowman reste une boule de mystères qu’en toute exigence on choisit de laisser tels qu’ils sont, en l’état -il est bien plus important de savoir que de comprendre. Assurément l’un des meilleurs concerts de cette première moitié de l’année 2009.

vendredi 19 juin 2009

Une faim de loup























Le metal de la hype de la mort : après quelques hésitations, quelques incertitudes, Wolves In The Throne Room est bien annoncé en concert à Lyon. J’en ai les osselets qui s’entrechoquent de plaisir, voir ce groupe interprétant du black metal dans une version écologiquement correct/anorcho-crust/courrons tout nus au milieu des bois tant que le loup n’y est pas pouvant se révéler être une sacrée expérience (une expérience sacrée ?). Je dois bien être l’un des rares à avoir de telles pensées coupables parce que le hype metal ça n’existe pas à Lyon/en France et que c’est devant une audience clairsemée que la cérémonie va se dérouler. Les quelques fans hard core du groupe sont bien présents, fans auxquels se sont ajoutés quelques porteurs de t-shirts très tendance mais je sens que l’organisateur du concert ne va avoir que ses yeux pour pleurer et son amex de platine pour combler le gros déficit de la soirée. Merde alors.
Le programme a pourtant une sacrée gueule avec comme première tranche de vie les finlandais de Sink (dont le premier album -plutôt intéressant- est offert en téléchargement libre à qui veut bien l’écouter sur le site du groupe) et surtout les petits gars de Celeste, invités de luxe frais comme des gardons grâce à un nouvel album et parfaits dans le rôle de la tranche de jambon coincée au milieu. 























Sink sont six et ça je ne l’aurais jamais cru à l’écoute de cet album téléchargeable aussi gratuit que la loi Hadopi est non conforme à la Constitution Française -et tout simplement en complète opposition avec la plus basique notion de liberté de circulation de toutes sortes de données numériques car il ne faut pas se leurrer : la machinerie mis en place pour surveiller et contrôler le téléchargement pourra servir à terme d’observatoire de n’importe quel type de comportement sur internet, cet atroce et dangereux espace de liberté non canalisé, générateur de chaos et de subversion.
Il y a donc deux guitaristes dans ce groupe (dont un qui joue au sol devant la scène et dos au public, il passera son temps à donner des petits signes de tête à ses collègues genre je suis le chef alors fait gaffe), un bassiste, un batteur, un bidouilleur planqué sur le côté de la scène et un chanteur en gants de cuir noir et portant une paire de pompes rouges en peau plastifiée de crocodile anorexique à rendre jaloux le premier proxénète roumain venu.
Même s’il est assez étrange et incantatoire, le (pas très black) metal joué par Sink sur scène n’a pas grand chose à voir avec l’album qui privilégie le drone (brrrrrr), les grésillements à la Pan Sonic (kkkrrriiiii) et les mélopées d’outre-tombe (aaaaaaoooouuuuuuuummmm wwwwiiiiiiizzz) avec quelques interventions guitares/rythmique du genre processionnaire. C’est extrêmement décevant car l’idée de commencer la soirée avec un groupe plus ambient que burné était plaisante. Nos finlandais ne s’éternisent heureusement pas trop et retournent dehors pour picoler de plus belle. On doit vraiment s’emmerder là haut, dans le grand nord.


















Celeste on ne les présente plus -ils ont encore joué un mois plus tôt à la Marquise pour la release party de Misanthrope(s)- mais j’ai toujours pensé qu’il ne fallait pas les voir trop souvent au risque de se lasser de leurs shows très au point. Oui, je ne suis pas excessivement fan mais une dose de Celeste de temps à autres ne me fait pas de mal et une bonne période d’abstinence me permet toujours de revoir les étoiles au concert suivant. C’est aujourd’hui effectivement le cas, je ne saurais compter le nombre de mois depuis que je n’ai vu une prestation live de ces jeunes gens très doués dans leur genre.
Petit descriptif : Celeste joue par terre dans le noir mais à grand renfort de lumières stroboscopiques et de fumigènes. Chaque musicien porte une lampe frontale rouge et ça fait un peu peur, on peut réellement se demander si ces quatre cyclopes prométhéens (ils n’ont pas inventé le feu mais ils savent très bien s’en servir) ne vont pas se transformer en tripodes gluants avec tentacules venimeuses en guise de jeu de scène ultime.
La rythmique est parfaite, le chanteur/hurleur s’arrache les cordes vocales avec autant de conviction que -j’en suis sûr désormais- je vais être sourd le lendemain matin et le guitariste a ce son que d’aucun affirme détester et que moi j’adore avec ses relents sinistres qui partent en vrille. Le metal chaotique et ulcéré de Celeste est bien au point (non ce n’est pas si paradoxal que cela) et le groupe joue selon un timing parfait, ni trop court ni trop long, et donc idéal pour pouvoir apprécier la prestation à sa juste valeur -raw as fuck.


















Reste la tête d’affiche, le groupe qui finalement n’aura pas attiré tant de monde que ça. Wolves In The Throne Room démarre dans le vif, taille un grand coup et arrose la plaie de jets d’acide avant qu’elle ne se referme et ne refroidisse. Des bougies ont consciencieusement été installées sur la scène devant le batteur et autour des trois autres qui s’agitent au sol. Le black metal joué par le groupe lorgne du côté du symphonique avec toute la joliesse et la beauté triste que cela suppose, une musique d’adolescent éternellement trop malheureux mais qui a judicieusement choisi le côté obscur de la force (sinon il écouterait Indochine dans sa chambre en se shootant aux miel pops).
La prestation est à la hauteur des enregistrements -sauf le batteur dont la frappe assez faible dès qu’il atteint des vitesses supersoniques est facilement recouverte par le ras de marée qui sort des amplis- et franchement impeccable, tout à fond, pas de temps morts entre les (longs) titres. Une perfection et une endurance à la limite de l’exploit sportif ou d’un débat parlementaire daubé d’avance sur les plus essentielles libertés individuelles -critère (sportif) que l’on pardonne aisément à un groupe de metal parce que le metal ça a quelque chose à voir avec les super pouvoirs que tu n’auras jamais parce dans la vraie vie tu n’es qu’une loque voire une merde mais un critère que l’on ne saurait par contre tolérer chez un groupe de sauterelles cocaïnées et plein open spazzz. 























J’admire le chanteur/guitariste qui me fait invariablement penser à José Maria, le métallurgiste allumé du Jour De La Bête d’Alex De La Iglesia : petit, gros, cheveux hirsutes et l’air passablement ailleurs, le spécialiste en apocalypse et en petits culs rebondis.
Wolves In The Throne Room ne faiblit pas, débitant principalement les meilleures tranches de l’album Two Hunters, et si on peut faire un reproche au groupe c’est qu’il répète toujours les mêmes plans, recourant aux mêmes stratagèmes et développant les mêmes riffs dans sa musique. On finit par s’habituer à tout. La preuve en images et en toute mauvaise foi avec celle ci (début du concert), celle ci (milieu du concert) et enfin celle là (fin de concert). Pas beaucoup de variations et de changements d’atmosphère -au contraire des disques- et finalement l’impression de s’être pris dans la gueule un gros bloc de granit torpillé à la vitesse folle d’un interprète de chanson française lancé à la poursuite de ses royalties perdues dans un océan numérique. Juste un léger regret au sujet de l’absence des passages calmes et aériens qui d’habitude donnent un petit goût de reviens-y crusty-goth à Wolves In The Throne Room. On ne peut pas tout avoir non plus.
La musique s’arrête comme elle avait commencé : brutalement. Pas de rappel, pas de rab et des applaudissements et des cris pas si insistants que cela -l’effet torgnole qui laisse l’auditeur groggy mais heureux ? Je n’en doute pas une seule seconde mais je reste un peu sur ma faim… Malgré le côté répétitif de la prestation j’aurais préféré un titre supplémentaire. De là à dire que Wolves In The Throne Room est un plaisir coupable il n’y a qu’un pas.

mardi 16 juin 2009

Sonic Youth / The Eternal























Je n’avais au départ aucunement l’intention de parler du dernier album de Sonic Youth. Dernier et non pas nouveau parce que cela me ferait particulièrement mal au cœur d’affirmer qu’il y a quelque chose de nouveau dans The Eternal. Quelle importance me direz vous puisque il y a tant de groupes qui ont bâti toute leur carrière sur les deux ou trois mêmes idées. Oui mais ça c’est juste bon pour un vulgaire groupe de rock’n’roll or voilà Sonic Youth n’a jamais été et ne sera définitivement jamais un groupe de rock’n’roll (même s’ils avaient essayé de nous le faire croire à l’époque de Goo et de Dirty). Thurston Moore and C° n’ont jamais eu cette intention en choisissant ce nom ridicule qui leur allait si bien parce qu’il résumait parfaitement la posture arty du groupe lors de sa création en 1981 -en résumé des ex étudiants en art alors âgés de 23 à 28 ans (presque des papys et mamies au milieu de tous les jeunes hard coreux de l’époque) avec un concept terroriste directement issu de la no wave et de ses errances (genre la grandiloquence d’un Glenn Branca). Tout comme ce nom a continué à coller à Sonic Youth lorsque celui-ci s’est aventuré du côté de l’épure puis de l’épique avant de plonger tête la première dans ses racines velvetiennes. On ne peut pas en vouloir à un groupe qui de son premier et très moyen disque sans titre (en 1982) à l’indigeste Washing Machine (1995) n’a pas publié deux fois de suite le même enregistrement tout en faisant évoluer une identité. Il y a un immense fossé entre Confusion Is Sex (1983) et Washing Machine mais cette évolution était cohérente, lumineuse et nourrissante. A prendre ou à laisser.
L’idée généralement acceptée qui affirme que Sonic Youth a continué d’évoluer et de se bonifier et le continuera parce que le groupe a eu la présence d’esprit d’opérer la scission entre son côté pop et clair et son côté expérimental et obscur est complètement fausse. La série des enregistrements estampillés Sonic Youth records a débuté en 1997 et depuis le groupe multiplie -et publie- toujours plus les collaborations avec improvisateurs doués (Mats Gustafsson) ou bruiteurs émérites (Masami Akita). D’un côté nous avons donc les gentils Sonic Youth, bons parents et voisins fréquentables, et de l’autre les méchants Sonic Youth, terroristes sonores citrouillés jusqu’à minuit tapantes, après il faut retourner se coucher little trouble girl. Le problème est que cette schizophrénie musicale ne fonctionne pas. Les albums classiques de Sonic Youth sont de plus en plus redondants et plats. Les enregistrements expérimentaux du groupe sont très rarement bons. Les new-yorkais sont depuis trop longtemps dans une impasse bien trop confortable pour qu’ils puissent souhaiter en sortir. Pas grave me direz vous. Non, effectivement, ce n’est pas très grave. Les mécontents comme moi peuvent toujours aller se faire récurer les oreilles ailleurs.
Et ce The Eternal alors ? Il comporte son lot de gimmicks comme Mark Ibold (un ancien Pavement) dans le rôle du bassiste sympathique qui pallie au départ du nain Jim O’Rourke (1999 - 2005) ou cette grande idée d’inclure des harmonies vocales -comme si Kim Gordon et Thurston Moore n’avaient jamais chanté ensemble dans leur cuisine en faisant la vaisselle. Admettons que The Eternal inclut un songwriting largement au dessus de la moyenne actuelle dans la catégorie indie pop, exception faite des deux derniers titres, le très ennuyeux Walking Blue (chanté par un Lee Ranaldo sous prozac) et l’(inter)minable Massage The History. Si cet album s’était arrêté après son onzième titre (No Way), The Eternal aurait peut être obtenu la moyenne générale*. Ce disque laisse une impression très désagréable d’avoir sa dose de Sonic Youth light en intraveineuse. Il laisse également cette impression qu’historiquement il ne sera pas le dernier album du groupe et que malheureusement Sonic Youth est encore capable de nous en pondre quelques autres comme celui-ci. Rendez vous est pris dans deux ou trois ans à la terrasse d’un bistrot pour la désormais traditionnelle menthe à l’eau.

* je vais faire comme les webzines, magazines et blogs qui notent les disques comme à l’école : The Eternal = 4.5/10

lundi 15 juin 2009

L'affichage libre à Lyon : premier procès en appel























Et non, rien n’a changé, l’affichage libre est toujours en question à Lyon et le premier procès en appel aura lieu aujourd’hui lundi 15 juin. Je reproduis ci dessous le communiqué et appel à soutien envoyé par Barbe A Pop qui est la première association à faire les frais de cette nouvelle procédure.

Rappel des « faits » :

Mars 2007, L’association Barbe à Pop organise ses deux premiers concerts au SONIC, péniche qui accueille de nombreuses programmations d’associations lyonnaises. [En quelques chiffres, le Sonic c'est (au 1er novembre 2008), 314 concerts, 837 groupes ou artistes accueillies, 93 associations programmant dans le lieu, 21 503 spectateurs depuis son ouverture en avril 2006.]

Comme chaque organisateur de concerts, ses membres & bénévoles collent des affiches sur les murs de la ville, à la Croix Rousse et à la Guillotière.

A peu près au même moment la Ville de Lyon crée la brigade de l’écologie urbaine, sous la délégation du service « cadre de vie » : une douzaine d’agents municipaux lancés en croisade contre les tags, les crottes de chien, et les affiches. On en apprend l’existence par l’intermédiaire de nombreux communiqués de presse.

Mai - Juin 2007, le SONIC est convoqué au commissariat à cause des affiches Barbe à Pop et d’autres. Jusqu’à fin 2007, le SONIC passera au total plus de 40 heures cumulées au commissariat pour un total d’une cinquantaine de plaintes contre une multitude de petites associations.

Le collectif AFFICHAGE LIBRE se monte et relance le mouvement « Murs Blanc, Peuple Muet », inventé vers 2001 - 2002 alors que des associations avaient aussi été menacées par ce genre de procédures, mais celles-ci n’avaient alors pas duré.

Septembre 2007, l’association Barbe à Pop est convoquée au commissariat pour recevoir les plaintes déposées contre elle pour 17 affiches A3 noir et blanc.

Décembre et janvier 2008 le SONIC passe deux fois au tribunal de police, rue Servient, à cause de ces mêmes affiches et d’autres. La responsabilité de la communication étant logiquement impartie à l’organisateur du concert, le SONIC gagne son procès. La balle étant renvoyée à l’association.

Janvier 2008, Barbe à Pop reçoit une amende par courrier de 650 euros. L’association fait opposition.

Mai 2008, Barbe à Pop passe en procès une première fois, mais sans doute à cause de la grande affluence de gens venus la soutenir, le procureur demande à repousser le procès sous prétexte qu’il a oublié d’amener une pièce au dossier (!!!). 13 CRS sont embauchés pour l’occasion (quel honneur). Le procès est reporté.

Juin 2008, deuxième procès. Les gens sont encore là nombreux. (Merci !)

Septembre 2008, Barbe à Pop reçoit le jugement. En résumé elle doit payer car 1/ c’est une association à but lucratif (!!!), 2/ le fait que la ville ne Lyon ne mette pas à disposition le nombre obligatoire de panneaux d’affichage légaux ne nuit pas à la liberté d’expression et 3/ si un agent de la police écrit un procès verbal et qu’il est assermenté il a forcément raison. Enfin, voici notre interprétation mais on vous laisse vous en faire votre propre opinion en consultant le délibéré . (on le met à jour d'ici quelques jours)

De septembre à Janvier 2009 une dizaine d’associations passent de la même façon en procès et toutes perdent. Seules les associations qui ont une amende de plus de 150 euros peuvent faire appel. Barbe à Pop fait appel grâce au soutien du collectif et de l’avocat qui soutient le collectif depuis le début, à chaque audience, Alain Couderc. Toutes les autres associations ou presque payent donc. Heureusement les sous récoltés à trois concerts de soutien organisés par le collectif Affichage Libre le leur permettent.

Juin 2009, Barbe à Pop est donc de retour au tribunal pour son PROCES EN APPEL et on vous espère donc nombreux pour la soutenir, ainsi que tous les organisateurs de concerts « indépendants » et aussi toutes les autres associations qui croient qu’il est important de s’approprier les murs, si cela permet de faire exister des événements multiples et variés qu’il s’agisse de culture, de débat citoyen, ou toutes autres organisations qui font vivre la ville et la nourrissent.

Le rendez vous est donc fixé :
Lundi 15 Juin 2009
à 13H.
Au Palais de Justice de Lyon,
Audience de la 9ème Chambre Correctionnelle
Place Paul Duquaire, Quais de Saône,
Lyon 5e

Comme on ne sait pas à quelle heure exactement Barbe à Pop passera, entre 13h et 17h, il est donc plus prudent de prévoir rester toute l’après midi.

Nous comptons sur votre présence !
Merci Merci Merci,

L’association Barbe à Pop.

dimanche 14 juin 2009

Vomir / Proanomie


On peut toujours aller plus loin et faire plus extrême qu’extrême et Vomir (aka Romain Perrot mais c’est moins rock’n’roll) met en pratique cet adage très fin de règne/civilisation en voie d’écoulement généralisé en pratiquant un harsch noise volumineux, grésillant, inécoutable et surtout intangible. Question disque inutile et insupportable Masami Akita/Merzbow, C.C.C.C., Hijokaidan ou The Haters peuvent aller se rhabiller parce Proanomie, (trop) joli CD publié par A War With False Noise, va beaucoup plus loin que tout ce que l’on a déjà pu entendre dans le genre et le pire c’est qu’il y arrive en allant strictement nulle part. Plus que la pratique du sur-place, Proanomie réussit à faire le vide autour de lui. La vacuité comme une arme et non pas comme une conséquence subie.
Avec son isolationnisme qui transforme qui le souhaite en prisonnier consentant et masochiste, je pourrais écouter ce disque monolithique et réactionnaire pendant des heures. C'est-à-dire au moins deux fois de suite. Et pas seulement lorsque j’ai envie de voir ou de parler à personne. Cet exercice de style et son nihilisme radical ont quelque chose de fascinant et d’irremplaçable. Une bonne drogue qui fait très mal mais dont on ne saurait se passer. Je crois que j’ai trouvé là la pierre philosophale qui transforme le bruit en silence retentissant. Vive la solitude de la haine en circuit fermé.




Cette chronique devrait s’arrêter ici puisque les 76 -on répète après moi : soixante seize- minutes de Proanomie ressemblent comme le nom du groupe le suggère à un long dégueulis intarissable ne montrant ni faiblesse ni inflexion et encore moins une quelconque trace d’évolution. Les mêmes sons ignobles et horripilants tout du long. Techniquement les avis diffèrent : on pourrait croire que ce que l’on écoute ressemble au bruit que fait la pointe d’une platine disque suramplifiée lorsque le bras a raté la sortie, est allé trop loin et se fracasse sur le rond central ; d’autres affirment qu’en ayant la tête dans la turbine d’un réacteur d’avion en plein décollage cela ne pourrait pas être pire (je ne suis pas d’accord : Proanomie est bien plus puissant et bien plus bruyant) ; les derniers considèrent enfin que Vomir a tout simplement inventé l’acouphène portatif et en mode self service, désormais plus besoin de mettre la tête contre les amplis pendant un concert de Motörhead pour devenir sourd, la branlette sonique de Proanomie y pallie amplement. Quelle que soit l’interprétation analytique d’un tel disque, avouons qu’il échappe à toute logique tout comme il échappe à toute notion d’utilité (et d’intérêt diront les non sourds et les clairvoyants). Un machin inutile et inintéressant, aucun doute là-dessus, Proanomie c’est de l’art, du vrai, ou je ne m’y connais pas.

[Tiens, puisque je n’ai pas parlé de l’artwork je vais parler du titre : Proanomie c’est sûrement encore une invention à la mord-moi-l’nœud mais l’anomie signifie désordre ou chaos social. Perte des repères collectifs et effacements des valeurs (religieuses, morales, civiques…). Cela fait beaucoup pour un seul disque dont l’absolutisme misanthropique ne doit pas aller beaucoup plus loin que le nombril de son auteur mais cela a le mérite de faire rire. Tout comme le no contact par mail de Vomir rigoureusement écrit à l’envers. Vous voulez envoyer un message d’insulte à ce garçon : essayez voir.]

samedi 13 juin 2009

Comme à la tv : Mario Rechtern - Sheik Anorak - Weasel Walter trio























Un extrait de l’excellent concert donné par le trio le 4 mai dernier au Grrrnd Zero :



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vendredi 12 juin 2009

Angel / Hedonism


En incorporant dès 2004 la violoncelliste Hildur Gudnadottir à son line-up, Angel -à l’origine duo composé uniquement de Ilpo Väisänen et Dirk Dresselhaus- a un peu plus brouillé les cartes déjà bien mélangées après un premier album sans titre publié en 2002 par BiP-HOp records. Il était certes difficile de s’attendre à quoi que ce soit de la part de deux éminents membres du renouveau electro européen des années 90 aussi différents l’un de l’autre (Ilpo Väisänen est l’une des deux têtes pensantes de Pan Sonic alors que Dirk Dresselhaus est plus connu sous le nom de Shneider TM). Ce premier album, bigarré, hétérogène et éclaté avait un léger goût d’inachevé mais présentait l’avantage de ne pas tomber dans la redite par rapport aux travaux précédents des deux musiciens. Avec Kalmukia, premier enregistrement à trois publié par les Editions Mego en 2008 mais mis en boite à Berlin pendant l’année 2006, l’optique était déjà tout autre : cordes traînantes et profondes, paysages électroniques et longs développements, tous les ingrédients pour parler d’une bande originale imaginaire de film y sont réunis et d’ailleurs on pense plus d’une fois à celle de Dead Man -référence devenue incontournable dès que l’on parle de guitare planante et de cinéma, en remplacement de celle (bien plus insipide et finalement convenue) de Paris Texas datant il est vrai de la décennie précédente. L’aspect narratif de Kalmukia est renforcé par les nombreux textes et les illustrations signés par Ilpo Väisänen lui-même, bien que l’on n’y comprenne pas grand-chose. Kalmukia est un très beau disque et à son écoute on saisi mieux comment Angel a pu se fondre ainsi avec Strings Of Consciousness pour le résultat que l’on sait.





















Avec Hedonism, publié également en 2008 par le même label, la donne change à nouveau. Ou plus exactement il s’agit d’un retour en arrière. Les notes du livret nous apprennent qu’Hedonism est le premier enregistrement en studio réel d’Angel -le premier album sur BiP HOp ne serait qu’une session live non éditée- s’étalant sur plus de quatre années, de 2004 à 2007. Pas de Hildur Gudnadottir à l’horizon. Angel se présente à nouveau sous sa forme en duo et ce disque semble tout aussi éclaté et parcellaire que le tout premier.
On peut regretter l’absence notoire d’homogénéité, de fil conducteur et d’idée directrice mais on est bien obligé de constater que le travail sur les sons y est bien plus poussé, flirtant à l’occasion avec la violence industrielle et les manipulations électroacoustiques. Ainsi le bruit et l’anxiété sont les idiomes de la musique d’Angel, partagée entre évidence agressive (les raclements et crissements de Highrise 1), la frontalité (Holding Loose) et les bourdonnements (Unsymmetric Distance). Hedonism change radicalement de visage en opérant un virage à 180° sur ses deux derniers titres, Mirrorworld et Hornet. Ceux-ci, bien plus long que tous les autres -au point de totaliser une bonne moitié du temps de l’album- ont été enregistrés au nord de la Finlande, au bord d’un lac dans une maison appartenant à Ilpo Väisänen. Ces deux titres mélangent fields recordings et traitements électroniques (intenses quoique en forme de strates) et proposent sinon un vision plus apaisée de la musique d’Angel du moins une vision jouant sur les effets de la durée. Mirrorworld est particulièrement trompeur avec sa montée en puissance débouchant sur un sentiment d’étouffement claustrophobe. Hornet est une conclusion en forme de queue de poisson (ou plutôt en forme de cris d’oiseaux et de bourdonnements d’insectes, y compris un gros insecte doté d’un moteur à réaction) pour un disque tout en contrastes et en perturbations. On peut logiquement s’interroger sur la teneur d’un éventuel prochain album, si jamais il y en a un qui effectivement verra le jour mais en attendant on peut se régaler et se faire plaisir avec Hedonism.

jeudi 11 juin 2009

Philippe Petit & Friends / Reciprocess : +/VS























Le nom de Philippe Petit a souvent et largement été évoqué ici à l’occasion de déblatérations plus ou moins intéressantes au sujet de Pandemonium records, de Condense et surtout de Strings Of Consciousness. En résumé, on parle de ce collectif marseillais et de l’une de ses principale tête pensante directement ou indirectement ici, ici, ici, ici et . C’est déjà pas mal. Mais on n’a jamais réellement parlé de BiP-HOp records, label exclusivement consacré aux musiques électroniques (dans un sens très large, donc celles qui n’excluent pas l’acoustique, bien au contraire) et à la discographie particulièrement bien fournie. Aux dernières nouvelles le label est toujours en activité, certes ralentie, sa dernière parution date de l’automne dernier avec un album de la violoncelliste Bela Emerson.
BiP-HOp est divisé en trois département distincts : la série des compilations BiP-HOp Generation (on en est dores et déjà au volume 9, les albums d’artistes et de musiciens proprement dits (de Rothko à Scanner en passant par les Spaceheads ou Janek Schaefer, on a vu pire comme catalogue) et la série Reciprocess : +/VS. Derrière ce nom barbare ce cache le concept tout bête du split album : deux musiciens, chacun présente des titres à lui et des titres composés en collaboration étroite. Il n’y a eu que deux volumes à cette série -le premier regroupant Bovine Life et Komet et le second avec Full Swing et Si-cut.db- mais pour fêter le dixième anniversaire de son label ainsi que vingt cinq années de bons et loyaux services passées à donner des coups de pieds dans la fourmilière, Philippe Petit en a repris l’idée.
Donné aux lecteurs de Wire avec le numéro 301 du magazine ou bien offert par Conspiracy records aux premiers acheteurs du LP sans titre de Strings Of Consciousness avec Angel (Important records qui a sorti la version CD a fait exactement la même chose), ce Reciprocess : + /VS voit Philippe Petit collaborer avec dix huit musiciens ou groupes différents. Toutes les plages ont été enchaînées ce qui donne un aspect assez conceptuel à l’ensemble, en forme de voyage imaginaire au travers de sources d’inspiration variées et parfois inattendues. Pour donner un ordre d’idée de l'étendue de la palette sonore proposée par ce disque on peut dire qu'il n’y a tout de même pas beaucoup de rapport entre un Jason Forrest et un Eugene Robinson.
Ce disque est donc curieusement bigarré. Curieusement parce que cela n’a rien de gênant, l’auditeur volant d’une plage à l’autre avec une facilité et une acceptation proche de la confiance : on sent que l’on est entre de bonnes mains. Après, certaines collaborations déçoivent, d’autres surprennent ou enthousiasment. Certains intervenants étaient jusqu’alors complètement inconnus (pas de tout le monde en tous les cas…) et méritent alors quelques investigations plus poussées à leur sujet. Au premier rang des réussites on trouve le titre enregistré avec Jean-Hervé Péron (de Faust) qui se fend d’un texte comme lui seul en à le secret sur fond d’explosions pyrotechniques lointaines. Dans la rubrique ça nous rassure, la collaboration avec Justin Broadrick est également réussie -bien qu’elle ressemble plus à une ébauche qu’à autre chose- prouvant que notre grand échalas britannique préféré a encore de la ressource. En bon indécrottable que je suis, j’attends toujours en effet que Jesu publie un jour un enregistrement digne de l’immense talent de son concepteur. Mais, honnêtement, tout le reste de ce Reciprocess : + /VS mérite amplement que l’on s’y arrête.