samedi 31 mai 2008

Evangelista, Agathe Max et Abronzius ce soir !
























Fidèle à ses habitudes, S'étant chaussée organise ce soir au Sonic un concert de filles. Je ne sais plus quoi dire de positif sur Evangelista, le dernier groupe en date de Carla Bozulich, mais une chose est sûre : même après tout ce temps, Hello, Voyageur, le formidable LP du groupe paru chez Constellation, tourne toujours en boucle sur la platine.
Juste avant, et c’est impossible de la rater, Agathe Max donnera son concert trimestriel au Sonic. Je ne doute pas une seule seconde que le jour est proche où on ne la reverra pas de sitôt dans les parages puisque sur son site tout nouveau tout beau elle annonce pour juillet 2008 la parution de This Silver String sur le prestigieux label Table Of The Elements. Rien que ça. Et de quoi s’assurer la carte de visite qu’elle mérite pour voyager de par le monde. Pour continuer dans la pipolerie, signalons également qu’Agathe Max joue dans A Promise Is A Promise To A Person Of The World, groupe dans lequel elle a retrouvé Navette, son ancien petit camarade de jeu au sein de Sun God Motel. Le son de ce groupe partagé entre Metz et Lyon est étonnant de clarté, allergiques au cajun et au blues de coupeurs de bois s’abstenir, mais c’est l’occasion de goûter plus naturellement au timbre de voix de Navette puisque il n’y a aucun guitariste sourd dingue qui s’excite derrière lui, il n’est plus obligé de gueuler. Cela ne m’empêchera pas de regretter encore et toujours le Blues Butcher Club et Sun God Motel (fin de la parenthèse).
Pour en finir avec le concert du jour, il débutera avec Abronzius (avec deux membres d’Overmars) dont on est en droit d’attendre quelque chose après avoir écouté le très prenant tds que le duo a mis en ligne. Très goth-goth mais dans le bon sens du terme... ce n’est pas du theremin que l’on entend là, dans le fond ?


vendredi 30 mai 2008

Herpes Ö DeLuxe / Kielholen


Parmi toutes les bonnes mauvaises décales qui font que l’on peut aimer ce disque a priori et plus que de raison (genre j’ai décidé de l’aimer avant même de l’écouter) on dénombre le nom du groupe, Herpes Ö DeLuxe et l’objet en lui-même, simple et soigné. C’est comme si dessus on avait collé un petit auto collant pour fans de ou bien file under mentionnant dans un cadre étoilé et clignotant Nurse With Wound. Mais Hinterzimmer n’est pas un repère de marchands sans imagination, ce Kielholen est sa première parution -pour l’instant le label n’en compte que quatre- et la sagesse a du souffler aux oreilles des personnes qui gèrent cette petite maison de ne pas abuser de cette référence qui devient de plus en plus évidente au fur et à mesure que l’on écoute le disque. Même genre de poésie dada, de collage expressionniste, de musique industrielle atmosphérique avec quelques fields recordings en prime.
Herpes Ö DeLuxe est un groupe suisse qui existe depuis une bonne dizaine d’années (avec déjà une honorable discographie à son actif) et ce Kielholen est en quelque sorte une compilation de certains de ses travaux passés, échelonnés entre 1995 et 2007. Là où les choses se corsent, c’est que tout a été réédité et réassemblé par un certain Reto Mäder aka rm74, suisse également, et dont la seule chose que je peux dire c’est qu’il a plutôt bon goût : son travail sur la musique d’Herpes Ö DeLuxe (qui fourmille de petits détails et de finesses) apporte un sens certain de la concision ; le groupe aime bien développer ses idées sur la longueur mais là tout est plus ramassé et vif, construit autour d’une certaine dynamique qui accentue le côté industriel de l'ensemble.













Rien que le premier titre, Fern Der Hoffnung, donne envie d’en écouter toujours davantage : c’est vrai que l’intro avec la remontée d’un réveil mécanique qui se met fatalement à sonner on nous l’a déjà fait au moins dix milles fois (le même gimmick revient à la fin du titre au cas où on n’aurait pas bien compris) mais tout de suite derrière il y a le dérailleur et la chaîne de vélo. Et je n’ai jamais su résister à une chaîne de vélo. On entend distinctement celle-ci qui fait doucement ronronner le dérailleur, avant de se mettre en position roue libre et ainsi de suite. C’est vraiment naïf comme idée, derrière bien sûr se sont mis en place d’autres éléments, mais c’est foutrement et efficacement poétique. Ce genre de détournements -pas toujours identifiables- Kielholen en regorge. Le disque est assez court mais finalement dense et touffu au delà d’une apparente simplicité, la marque d’un certain brio qui ne se dépare jamais d’une touchante humilité -c’est quoi l’humilité dans ce cas là ? Je n’en sais vraiment rien, peut être ce sentiment voyageur de calme et de rêverie qui me prend lorsque j’écoute ce disque. Je me dis toujours alors que cette musique existe purement et simplement par et en elle-même.
Nichtsdestotrotz
vient clôturer l’album et ce titre est vaguement plus nerveux et menaçant que tous les autres : cela commence par un rythme sourd, comme un marquage de procession, rapidement entouré de résonances métalliques et de sifflements mécaniques. Herpes Ö DeLuxe emboîte tous les éléments avec le même savoir-faire dont le groupe a su faire preuve jusqu’ici. Des sons organiques (des voix ?) apparaissent rapidement, puis c’est comme si le niveau sonore augmentait sans cesse alors qu’il n’en est effectivement rien, belle illusion, et un grésillement vient marquer la fin, laissant fugitivement la place à un écho spectral -celui que l’on entend pendant quelques millièmes de seconde dans n’importe quelle pièce vide après que tout son ait disparu. Mais la pièce justement n’est pas vide, elle est restée peuplée de tous les fantômes naissant entre les petits bruits inventés par ce groupe étrange et insaisissable. A la fois fugace et persistant, donc forcément troublant.

jeudi 29 mai 2008

Heavy Metal Thunder


Un concert le lundi, quelle idée. Evidemment : cela restera toujours la meilleure façon de débuter ce qui s’annonce être une bonne grosse semaine de merde et ce sera au passage ma seule incursion du mois dans le monde farouche et sauvage du heavy metal. OK, je suis venu pour Black Cobra (comment pourrait il en être autrement?) mais je reste assez curieux de découvrir ce que peut donner Saviours sur une scène. L’écoute des disques du gang californiens ne m’a pas emballé plus que ça. Et je ne parle pas de la réputation ni des commentaires on ne peut plus désobligeants qui circulent à propos du groupe. Faut il vraiment être un fanatique de W.A.S.P. ou de Mötley Crüe pour apprécier la poésie cloutée enrichie en plomb de ces bikers chevelus et tatoués ? Et bien non, comme la suite le prouvera. Seule concession aux râleurs et aux obsédés de l’orthodoxie : le heavy rock de Saviours est rempli jusqu’à la gueule de guitares qui font plein de notes et qui se la pètent -mais ça, ça fait partie du grand spectacle.























Je suis assez surpris d’apprendre qu’il y a également un troisième groupe, je n’ai après tout qu’à prendre la peine de lire les messages que l’on m’envoie et surtout apprendre à lire les flyers cryptiques, tout ça c’est de ma faute. Bref, ce troisième groupe s’appelle Maïno et est composé de quatre garçons. Ils sont jeunes et beaux et comme beaucoup des beaux et jeunes gens que l’on croise de nos jours ils pratiquent un genre de post hard core. Le leur est purement instrumental et à tiroirs, avec de bonnes montées, des explosions, des passages aériens, tout le catalogue. Ils ont appris à jouer (le bassiste bluffe bien avec sa six cordes) et démontrent une certaine ambition -musicale, j’entends. Je n’ai aucune envie d’écouter ce genre de musique aujourd’hui, c’est bientôt l’été et je me sentirais presque d’humeur tropicale, mais je me laisse aller sur les deux ou trois premiers titres qui me semblent contenir de bonnes idées. Mais, paradoxalement, le manque de diversité entre les compositions qui tendent un peu trop à toutes se ressembler et la trop grande longueur de celles-ci (prog not dead) ont raison d’une patience bien émoussée. Alors je fais machine arrière pour assister à la fin du concert du fond de la salle mais je ne sors pas, ce soir j’ai décidé de me comporter comme un garçon bien élevé. En guise de conclusion et à ma grande surprise -qu’est ce que je peux détester avoir tort- la musique de Maïno est pleine de promesses et d’ailleurs l’écoute des titres que le groupe a mis en ligne est agréablement convaincante.


















Gros changement de matériel entre les groupes, notamment changement du kit complet de batterie ce qui dans une salle aussi petite que le Sonic n’est pas forcément très pratique mais vu qu’il n’y a pas grand monde ce soir (quarante entrée payante dont une fois de plus quelques stéphanois venus en pèlerinage au vrai pays du football) l’opération se fait sans douleur et rapidement. La bande de chevelus qui composent Saviours s’installe, l’occasion pour les moqueurs de ricaner des t-shirts du bassiste/chanteur (Alice Cooper) et de l’un des guitaristes (Metallica). Un rapide line check, le groupe n’a pas fait de balances avant et à ce que l’on raconte son sonorisateur dort comme une masse dans la camion, épuisé par une précédente nuit blanche très agitée.























Impossible d’empêcher son cul de se mettre à bouger tout seul lorsque le groupe démarre son premier titre. Saviours joue très fort -ça on s’en doutait un peu- mais surtout nos quatre barbares ont le chic pour remettre au goût du jour les vieux riffs heavy metal, agrémentés à la sauce punk, mélange casse-gueule sur le papier (et sur les disques, comme on l’a dit). Tempos virils, guitares doublées, soli avec plein de doigts dedans -ça c’est pour le côté metal. Mais c’est joué à la bourrinade échevelée, le batteur est assurément un spécialiste et c’est implacable : à plusieurs reprises on croirait entendre du très vieux Maiden -époque Killers- joué par Motörhead. Quelques rares passages à la double caisse suffisent également à mon bonheur. On est vraiment peu de chose.
La sueur coule à flots sur les caisses des guitares, à chaque pause c’est bière pour tout le monde puis c’est le retour du gras et du lourd, du grand jubilatoire. Les quelques personnes du public convaincues par Saviours continuent de se balancer en rythme et à headbanger, un unique moment d’euphorie. Le groupe ose le titre instrumental pour, nous explique le bassiste, lui permettre de reposer sa beautiful voice -c’est vrai qu’il chante n’importe comment- et Saviours repart dans un final incroyable, encore les guitares en doublé, encore ces breaks plus lents pendant lesquels le guitariste de droite puis celui de gauche ont tout loisir de se tricoter une cotte de mailles pour l’hiver prochain. L’équation est toute simple et sans inconnue : Saviours = un vrai groupe de losers magnifiques.






















 Après autant de plaisir furieux, on était honnêtement en droit de se demander si cela n’allait pas être difficile pour Black Cobra de faire impression. C’était bien mal connaître le duo de San Francisco : comparé à Saviours, les deux Black Cobra ont peut être l’air de gamins mais ils vont exécuter un set d’une intensité et d’une violence tout bonnement incroyables.
Le batteur a déjà enlevé son t-shirt et se retrouve torse nu que le concert n’a pas commencé. Il va effectivement faire très chaud : Black Cobra a décidé de rentrer immédiatement dans le vif du sujet et ne voudra jamais en ressortir. Le sludge du groupe prend ses aises hard core, le guitariste aligne des riffs sévèrement monstrueux tandis que le batteur percute en rafales. Il faudra juste un tout petit temps d’adaptation pour se faire au (relatif) dépouillement de la musique de Black Cobra après la luxuriance (assumée) de Saviours : le temps en fait de se rendre compte que l’on est plus là pour rigoler. Saviours donnait complètement envie de bouger alors que Black Cobra méduse tout le monde sur place -bon c’est vrai : il y a des amateurs complètement électrisés qui commencent à s’agiter dans le public mais pas moi- avec sa furie grandissante, impériale mais complètement maîtrisée. Ce n’est pas comme si les deux lâchaient les chiens et attendaient de voir ce qui se passe ensuite : leur effort sera soutenu, s’amplifiera, les parties lentes et (très) lourdes donneront le tournis, les accélérations -dont une intro à la limite du grind- donneront encore plus cette impression de spirale infernale.



















Black Cobra enchaîne, la tonalité générale est à la rapidité, pas de temps à perdre, les quelques rares pauses entre les titres sont comblées par des boucles. Le guitariste ne se réaccorde pas, il a ce son typique et bloqué dans les graves, énorme encore une fois. Finalement, tout au long du set -court mais on s’en contentera vu l’intensité de la chose- c’est la lourdeur oppressante, limite glauque, qui primera mais dans une version maelstrom implacable. Aucune concession aux fioritures ni aux enluminures, une impression assez semblable à celle qu’avait pu me laisser Unsane la première fois que j’avais vu les new-yorkais (aux alentours de l’album Total Destruction) au millénaire précédent. Une très bonne expérience extrême et prenante. Ne ratez pas Black Cobra le jour où le groupe passera près de chez vous.


lundi 26 mai 2008

Transitional / Nothing Real Nothing Absent


Transitional c’est quoi ? Aucune idée. Et si je n’avais pas les anti-sèches fournies gracieusement par le label je ne pourrais pas faire le malin. Transitional est donc un duo composé de Kevin Loska et Dave Cochrane. Kevin Loska c’est bien simple, il est musicien et producteur (je recopie encore et toujours bêtement la bio) et il joue dans Novatron… Novatron ? C’est encore un duo et son site officiel a l’air aussi à l’abandon que l’habituel et omniprésent gadget internet. Jamais écouté ni entendu parler d’eux et par conséquent encore moins de Kevin Loska. Par contre, en ce qui concerne Dave Cochrane c’est une toute autre histoire. Le bonhomme était quand même responsable des énormes lignes de basse façon je t’écrabouille et après on parle sur les premiers enregistrements de Head Of David. On le retrouve un peu plus tard sur les albums de God et de Ice, les deux groupes incontournables de Kevin Martin avant que celui ci ne fasse de Techno Animal son occupation principale (RIP) et ne se lance dans le grand n’importe quoi sous le nom de The Bug, projet beaucoup trop kiffe la fête pour moi. A noter que dans quasiment tous ces groupes plane l’ombre filiforme de Justin Broadrick : batteur dans Head Of David, guitariste dans God et Ice, bidouilleur dans Techno Animal. Ce même Justin Broadrick qui est crédité au mastering du premier disque de Transitional, la boucle est bouclée, cette chronique est terminée, j’encaisse le chèque et j’ai bien fait d’apprendre à lire à l’école quand j’étais petit.






















La principale difficulté pour ce disque cela va être précisément de se départir de la référence à Broadrick : pas besoin d’écouter plus de deux fois du Transitional pour se persuader c’est du Jesu mais avec les peaux de saucisson en moins, des surcouches de guitares mais pas trop, du nappage mais pas jusqu’à l’écoeurement. Cela commence plutôt bien avec un Nowhere Shining emmené par un rythme lourd et un riff accrocheur, dark metal atmosphérique si on veut, c’est bien foutu et efficace. La recette est quasiment la même sur This Paradise pt. 1 sauf qu’il y a cette putain de voix moulinée au vocoder -au secours ! This Paradise pt. 2 est le titre le plus lent et dépressif du disque, Cochrane gratouille sa basse à la vitesse d’un escargot overdosé à la batavia tandis que la boîte à rythme ne décolle jamais, c’est tout simple mais c’est peut être le moment le plus réussi. Juste derrière arrive Lustless qui n’est pas des moindres non plus mais qui inclut encore une fois une voix trafiquée (il faut dire à Kevin Loska d’arrêter ses conneries au chant, surtout pour réciter des Your body, Your Heart, Your Eyes) mais surtout qui se termine beaucoup trop prématurement, où est la fin du titre ? Comme la désagréable impression qu’il aurait pu durer deux ou trois minutes de plus, juste le temps de faire monter la sauce mais non. Non : à la place on a droit à un dernier morceau (Abandonment), très ambiant, des coulures et encore des coulures, ce n’est pas très passionnant d’autant plus que Transitional nous avait déjà fait le coup avec Fractured, titre atmosphérique également mais plus nerveux, sans l’odeur d’encens au patchouli ni invitation à la méditation zen, résultat cette fois d’un travail plus massif sur les sons et des raclures de basse (ou de guitare ?) qui réveillent un peu l’oreille interne.
Il porte donc bien son petit non ce disque -oui c’est vrai ça, je ne l’avais pas encore évoqué : Nothing Real Nothing Absent- car un peu plus de présence et d’incarnation auraient été les bienvenues. Un disque vraiment dans l’air du temps mais qui a au moins le mérite de ne pas se vautrer dans les seventies, du post quelque chose je n’en doute pas une seule seconde mais laissons la question terminologique aux spécialistes. Le label propose Nothing Real Nothing Absent a prix réduit jusqu’à la fin du mois mais attention, vu la longueur du disque (trente trois minutes montre en main) et vu les deux ou trois plages de remplissage atmosphérique, ceci n’est pas un album, tout juste un mini LP. Le prix promotionnel devrait en conséquence être son prix réel. Quand je pense qu’à une époque on lisait des pay no more than… sur les pochettes des disques. Maintenant c’est donc achetez avant qu’il ne soit trop tard comme si la musique devait, à l’image des supports d’écoute, subir une date de péremption alors que c’est bien connu : on jette ou on garde mais on devrait avoir tout son temps pour ça -moi je garde.

vendredi 23 mai 2008

Nadja / Desire In Uneasiness


Ce n’est plus un secret pour personne, Aidan Baker a voulu opérer quelques changements dans la musique de Nadja. Le résultat de ces changements s’appelle Desire in Uneasiness, premier album depuis fort longtemps de la part de duo canadien comprenant uniquement du matériel totalement inédit, c’en est fini des rééditions (quoique…). Un retour d’activité avec tambours et trompettes puisque c’est Crucial Blast qui s’est occupé de la sortie de cet album, ça c’est pour les trompettes. Côté tambours, ce disque est donc le premier de Nadja à avoir été enregistré avec un batteur, Jakob Thiesen qu’il s’appelle le gars (et il est membre de L.F.I. ou si on préfère Lysergic Fiction Incorporated, tout un programme). Autre changement, assez notoire : pour l’illustration de son CD Nadja a laissé tomber les habituelles abstractions et a demandé au Reverend Aitor un curieux artwork dont je ne suis guère friand. Le bonhomme, qui est aussi révérend et misanthrope que je suis chroniqueur mondain, s’est fait une spécialité de ses unflattering portraits (voici celui de Leah Buckareff, bassiste de Nadja…). Je crois que j’ai fait le tour de toutes les nouveautés apparaissant sur ce disque. Ah non : Aidan Baker ne chante pas du tout sur Desire in Uneasiness, voilà un album rigoureusement instrumental et où il n’y a pas non plus de samples de voix.
En incorporant un batteur/percussionniste à son line-up de base, Nadja a perdu, comme on pouvait s’y attendre un peu, toute la lourdeur mécanique et industrielle que lui conférait l’utilisation des boites à rythmes mais en échange le duo a gagné… oui, qu’est ce qu’il a gagné ? Rien du tout serait on tenté de dire, même après plusieurs écoutes. Bien au contraire. On passe et on repasse le disque, on varie les activités annexes (écouter en réparant les vélos des gosses, en faisant le repassage, en lisant dans un magazine généraliste un article sur le réchauffement climatique, en ne faisant rien du tout, en fermant les yeux, etc) mais rien n’y fait : le mystère de Desire In Uneasiness c’est qu’apparemment il n’y en a pas, ou alors pas beaucoup. Un vrai scandale avant d’être une cruelle déception. Mais j’ai décidé de ne pas être déçu par ce groupe.






















Les cinq titres présents ici sont étonnamment libres de tout empilement, de toute stratification du son. Pour un peu, on peut même penser que Desire In Uneasiness est composé au moins aux deux tiers d’enregistrements live, à peine retouchés, juste réédités à la production. Impossible de se perdre en effet dans les habituels maelstroms de guitares, dans les tempêtes de saturations et d’échos. Les changements voulus par Aidan Baker sont en effet beaucoup plus drastiques que celui, tout simple, d’une beat box remplacée par une vraie batterie. Nadja a donc décidé de prendre son temps, de jouer ensemble, sa musique n’est plus une construction savante de studio -chose que le duo savait étonnamment bien faire puisque il arrivait quand même à dépasser le stade de l’objet sonore pour tirer vers l’humain- et les fils de l’improvisation ont semble t-il été déroulés plus que de coutume pendant l’enregistrement de ce disque.
Ce changement (que je suppose uniquement) de mode opératoire et de méthode impose donc directement un changement de perspective : le son de Nadja a évolué, flirtant avec plus de légèreté et plus d’approximation (Affective Fields) -si approximation il y avait auparavant, celle-ci était bien noyée sous une tonne de delay et de reverb donc on ne s’apercevait de rien- et passant du mode autiste, celui qui nous poussait entre quatre murs chargé d’un son tellement hypnotisant que nous ne faisions rien pour en sortir, à plus de générosité, moins de calcul, davantage de spontanéité qui c’est vrai frise parfois la naïveté. La naïveté est bien ce qui choque le plus dans le nouveau Nadja. On peut se poser la question de la pérennité de l’expérience Desire In Uneasiness : le groupe va-t-il définitivement devenir un trio ? Le groove bancal de la deuxième partie Sign-Expressions, celui, plus mélodique, de Uneasy Desire, la lourdeur oppressante retrouvée sur Deterritorialization font espérer des choses à venir belles et fortes. En attendant, je retourne à mon repassage. Mais je ne doute pas non plus une seule seconde que je reviendrai très rapidement vers ce disque beaucoup moins simpliste et à l’arrachée qu’il n’y paraît au premier abord.


jeudi 22 mai 2008

Bis Repetita


Pas beaucoup de personnes présentes ce matin pour soutenir Barbe à Pop lors de son procès. Une soixantaine de personnes à tout casser. J’espère que dans l’esprit des gens cela ne fait aucune différence de soutenir le Sonic ou n’importe quelle association organisatrice de concerts -même lorsque la programmation de cette dernière n’interpelle pas beaucoup (ce qui est franchement mon cas avec Barbe à Pop : rien à foutre de la pop naïve avec bontempi à deux balles)- mais honnêtement je n’en suis pas très sûr. Soutenir le Sonic c’est bien, soutenir Barbe à Pop (ou Ostrobonie, S’étant Chaussée, Under A Big Black Sun, l’Académie Du Bruit, Kagaumi ou Tom-Tom, la liste est longue…) c’est pareil. Pas de salles sans associations et vice versa.
Passer les portiques est donc moins fastidieux que les fois précédentes, sur place on peut remarquer un caméraman de TLM et un autre de M6. Trouver une place assise dans la salle d’audience n’est pas très compliquée non plus. La cour arrive, tout le monde se lève comme à l’école, le juge râle parce que les caméras sont encore là et qu’elles filment son arrivée, ce qui est interdit. Ces messieurs de l’audiovisuel s’en vont et le juge prononce les délibérés des affaires traitées lors de la session précédente du tribunal de proximité. Comme d’habitude il s’agit la plupart du temps d’infractions au code de la route (passionnant comme boulot d’être juge, cela m’a l’air aussi bonard qu’être comptable) mais on remarque le cas d’un revendeur de fruits et légumes qui se prend plus de sept milles euros d’amende pour avoir vendu des produits daubés. La grande classe.

Le jeune homme à lunettes qui se cache derrière barbe à Pop est appelé à la barre. Il a à peine le temps de décliner son identité que le plus extraordinaire se produit : le représentant du ministère public demande le report du procès car dit-il il n’a pas eu le temps de consulter et d’étudier toutes les pièces déposées en greffe. L’avocat du collectif pour l’affichage libre argumente alors qu’il a lui-même déposé toutes les pièces il y a exactement une semaine et que ses arguments et conclusions seront identiques et celles et ceux défendus lors des audiences relatives au Sonic. Le représentant du ministère public visiblement mal à l’aise change alors son fusil d’épaule et invoque une nouvelle pièce que lui a récemment communiqué la municipalité de Lyon et qu’il voudrait verser au dossier. L’avocat a beau rétorquer que normalement le dépôt est clos et que le procès peut commencer, le juge tergiverse, écoute le ministère public et lui donne raison : l’affaire est donc reportée au 19 juin ! Même genre de scénario que pour le Sonic. Il y a une évidente mauvaise foi dans tout cela, il est clair (je le pense vraiment) que tout a été fait pour que l’audience n’ait pas lieu -tentative de temporisation pour démobiliser les gens qui se sentent concernés par la question de l’affichage libre à Lyon.
Justement, en dehors du palais de justice, les discussions vont bon train entre ceux qui regrettent un certain relâchement au sein même du collectif et ceux qui pensent qu’il faut rester sur une ligne dure (en gros : contester les amendes ce qui aboutit obligatoirement à un procès auprès du tribunal de proximité) pour remotiver coûte que coûte les troupes. Il est aussi question de discrimination : comment se fait il que les grosses organisations de concerts et les institutionnels du spectacle ne soient pas également poursuivis alors qu’ils pratiquent aussi ces méthodes d’affichages que la mairie de Lyon reproche aux petites associations ? Quel beau mystère…

mercredi 21 mai 2008

Barbe à Pop au poteau !
























Comme on peut le lire dans le dernier manifeste en date du Collectif Pour L'Affichage Libre A Lyon (version à la loupe en cliquant ici), les ennuis continuent, la question de pouvoir coller ou non quelques malheureuses affiches sur des murs citadins sans se faire traiter de pollueur ou de terroriste est toujours d’actualité et cette fois-ci c’est Barbe à Pop, prince lyonnais des concerts niais et des dessins d’enfants, qui est sur la sellette.
A la suite du collectif, je ne peux qu’appeler tous les lyonnais et lyonnaises qui se sentent concernées à venir soutenir Barbe à Pop lors de l’audience de son procès qui se tiendra demain au palais de justice de Lyon à partir de 9 heures. En espérant qu’il y aura autant de monde que lors des audiences où le Sonic était directement menacé.

mardi 20 mai 2008

Ryoji Ikeda / Test Pattern























 This CD contains specific waveform, impulse and burst data that perform a response test for loudspeakers and headphones. High volume listening of the last track may cause damage to equipment and eardrums. C’est ce qu’il y a d’écrit sur le petit autocollant au dos de ce disque et j’ai toujours adoré ce genre de phrases, presque autant que celles stipulant qu’il y a des messages subliminaux à la fin d’un album d’Iron Maiden et que le diable n’est pas loin. Cela me fait invariablement rire, sauf la fois évidemment où j’ai effectivement explosé une paire d’enceintes avec un album de Lustmord (The Monstrous Soul je dirais) parce que les basses avaient été poussées à fond.
Ce nouvel album de Ryoji Ikeda marque un certain regain d’activité du japonais puisque il fait suite à un Dataplex documentant les années 2001/2005 alors que Test Pattern concerne lui les années 2006/2007. On notera encore une fois la similitude des pochettes. Sinon c’est toujours pareil, comme à l’époque où Ikeda sortait ses disques chez Touch : dominante blanche, minimum d’informations à l’intérieur et concept technologique à la clef. Je n’ai rien compris à celui mis en oeuvre dans Test Pattern mais le titre est bien trouvé en ce sens que notre ami musicien, toujours aussi à cheval sur son ordinateur et ses calculs mathématiques, s’y essaie à deux ou trois nouveautés qui faute de rafraîchir l’ensemble lui donnent malgré tout un regain d’intérêt. Ainsi la plage numéro neuf utilise des sonorités métalliques et acides dont on est tenté de regretter qu’elles ne reviendront pas par la suite (en fait si : sur la treizième plage). Ce Test Pattern # 1001 peut logiquement être considéré comme le tournant du disque -avant : picotements d’oreilles via les habituelles parties de ping-pong numérique, faux cut-up, cris de torture de R2D2, bruits de sonar et ponctuation à base d’encéphalogramme, l’artillerie électronique et le sens du détail habituel chers à Ryoji Ikeda.

La deuxième moitié du disque est beaucoup plus dynamique, tente d’épaissir le fond sans grossir le trait, densifie le son, propose enfin quelque chose de nouveau dans la musique du japonais qui il faut bien le dire avait un peu de mal à se renouveler ces derniers temps. Ce n’est pas non plus la révolution culturelle mais cela mérite d’être souligné. Tout ne devient pas passionnant pour autant, quelques facilités (comme celles déjà décrites à propos de la première partie du CD) réapparaissent. Plus on approche de la fin de Test Pattern et plus la pression monte : qu’en est il de ce fameux dernier titre, celui à propos duquel l’autocollant nous a vaillamment mis en garde ? Test Pattern # 0000 lorgne franchement du côté des bruitistes, Masami Akita/Merzbow en tête. C’est assez surprenant de la part d’un garçon aussi propre sur lui que Ryoji Ikeda mais le plus surprenant dans ce final brise tympans c’est que toute l’incise froide et digitale habituelle du japonais y est également conservé : comme si le mur du son était en fait un mur de plexiglas lisse dans lequel se reflèterait un éclat aveuglant. Mes enceintes vont bien, mes oreilles aussi.


lundi 19 mai 2008

Satanicpornocultshop / Takusan No Ohanasan



















 

C’est Sonore -label monté par un ex Belly Button et auquel on doit des parutions aussi hétéroclites que passionnantes telles que Yuko Nexus6, Hoppy Kamiyama, Chris Brown, Ruins, Carl Stone ou Les Hauts De Plafond- qui le premier a rendu les disques de Satanicpornocultshop disponibles en France, d’abord en proposant via un mailorder toujours intriguant les CD du groupe publiés au Japon par Nu NuLAX NuLAN puis en produisant lui-même le groupe. Sonore en tant que label physique n’est plus (le catalogue complet peut être consulté ici) mais en ce qui concerne Satanicpornocultshop, le polonais Vivo semble avoir pris le relais. Les deux maisons ont en commun un profond goût pour l’éclectisme musical -jugez plutôt les références Vivo : Scorn, Merzbow, Damo Suzuki, Volcano The Bear, Acid Mothers Temple…
Takusan No Ohanasan
est déjà la troisième sortie de Satanicpornocultshop pour Vivo et c’est de loin la plus poppy et la plus accessible. Le groupe s’était déjà illustré dans le passé en reprenant Reality, le générique de La Boom (hum), en version dub sucrée avec chant féminin pouvant éventuellement rappeler les petites culottes en coton de Sophie Marceau, ou le célébrissime Porque Te Vas (je ne peux pas résister) façon danse hip hop d’hippopotames sous champis. Ce nouvel album va encore plus loin dans le mambo miam-miam digne de l’Eurovision pour schtroumpfs carbonisés.
Comme toujours agrémenté d’illustrations sous forme de collages à base de photos de mannequins agrémentées de tout et n’importe quoi (ma version préférée est celle qui figure à l’intérieur avec une entrecôte en guise de tatouage sur l’épaule de la jeune fille), ce nouvel album de Satanicpornocultshop est une collection de titres originaux mélangés avec des remix. Se côtoient des titres fortement marqués à la fois par le hip hop tordu, l’électronica légo et la pop. Parfois le résultat fait penser à nos petits nationaux de DAT Politics, avec beaucoup plus de caramel et de gingembre dans la mixture. C’est toujours très drôle, la plupart du temps absurde, des fois emmerdant comme un gag trop forcé par un comique caricatural mais cela reste sans cesse plein d’imagination, de petites trouvailles fourmillantes, de maîtrise du sampling, de gounetterie en pleine adoration.
En ce qui concerne les invités remixés, les illustres inconnus côtoient les célébrités oubliées (ah non, il y a les français bêtifiant de Dragibus, très populaires au Japon mais aussi Yuko Nexus6 et les excellents Cercueil ou Steeple Remove). Qui a déjà entendu parlé de Catherine Ferroyer Blanchard ? Tu es sûr de toi ? Ces interventions, souvent avec voix, apportent un grand courant d’air frais et encore plus de diversité à un disque qui sans ça ne résisterait pas à l’effet de lassitude car c’est là tout le problème des enregistrements de Satanicpornocultshop -et Takusan No Ohanasan n’échappe pas à la règle : le génialement foutraque, la bidouille électro ultime y côtoient le remplissage, la facilité, l’épanchement. Cet album reste tout de même l’un des plus réussis du groupe.


dimanche 18 mai 2008

The Heroine Sheiks / Journey To The End Of The Knife























Quel bonheur d’avoir entre les mains un disque estampillé Amphetamine Reptile records et marqué d’un © 2008 ! Après une grosse période de flottement Tom Hazelmyer s’est enfin décidé à réactiver ce qui restera pour toujours l’un des labels les plus emblématiques des années 80 et 90, basé à Minneapolis et inondant le monde de pépites rock’n’roll sales et bruyantes, alors que jusqu’il y a encore deux petites années Tommy boy ne se contentait plus que de vendre sur internet son stock de vieilles références, espèce de rentier. Le catalogue d’AmRep est édifiant, nombre de ces disques sont aujourd’hui culte (lorsque ils n’ont pas été réédités ils font l’objet de la plus pute des spéculations, pléonasme). Depuis son retour en pleine activité discographique, Hazelmyer a frappé très fort avec un single des Melvins, un autre single par son propre groupe Halo Of Flies servant de backing band à une Lydia Lunch déchaînée et enfin à nouveau sur le terrain du chant (énorme !) et voici maintenant le quatrième album d’Heroine Sheiks, Journey To The End Of The Knife.
Quatre disques et au moins autant de line-ups, j’ai la flemme de compter, pour ce groupe dont le seul membre permanant/leader/dictateur reste Shannon Selberg, l’ancien chanteur des Cows, l’une des plus grandes gloires d’AmRep justement. On reste en famille. Fini l’exil new-yorkais, Selberg a décidé de remonter son gang au sein même de la mère patrie, Minneapolis. On savait déjà que Paul Sanders, ex chanteur/guitariste d’Hammerhead, faisait dorénavant partie de l’aventure (ce qui en soit est une très bonne nouvelle, encore du très lourd made in Amrep) mais ce que l’on découvre en lisant les quelques notes figurant dans le livret rachitique du CD c’est que Jesse Kwakenat, bassiste des non moins bons Stnnng, a également mis des billes dans l’affaire. Wow.
Journey To The End Of The Knife
est comme tous les albums d’Heroine Sheiks, c’est à dire qu’il n’en est pas vraiment un -court, beaucoup trop court, seulement huit chansons et une durée d’accouplement inférieure à la demi-heure. Une sorte de mini LP, quoi. Mais pendant cette demi heure on ne peut pas dire que la bande à Shannon Selberg donne des signes de faiblesse, c’est du direct et du bien dur, peut être le disque d’Heroine Sheiks qui fait le plus penser aux Cows -tu la sens ma grosse lame ? Quelques décharges bien dirigées (Hank’s Pimp, sa guitare au bottleneck, ses choeurs d’ivrognes), du groove de vieilles vaches folles (l’introductif Be A Man et son riff qui sautille, on s’y croirait vraiment…), du tube en boite (le refrain de J-Edgar), un son de guitare parfois très tête de marteau (4-F) et un titre en concert pour terminer (You Don’t Want Me ?) histoire de prouver que Selberg n’est en rien fatigué et qu’il peut toujours brailler comme au bon vieux temps. Du blues crado et tordu il y en a également avec l’extraordinaire Meurte Vous (dont les paroles donnent leur nom au disque). Seul Co Angle Phenomenon ne fait pas réellement rire alors que l’on peut soupçonner qu’il a pourtant été composé dans cette optique là. Reste Let Me Out, titre où les claviers ont un rôle plus prépondérant que sur le reste de l’album, du bon malgré une façon de chanter dont le second degré doit forcément m’échapper là aussi.
Journey To The End Of The Knife
est exactement le genre de disques que l’on écoute plusieurs fois de suite, toute la journée si nécessaire, parce qu’Heroine Sheiks a cet esprit et cette façon irrésistibles de trousser comme il faut son punk fangeux et bou(s)eux. Finalement la conclusion qui s’impose est que la durée du disque n’est plus du tout un problème -de toutes façons mon chéri on va tout de suite remettre le couvert et que ça saute. Et c’est tout à fait normal pour un disque qui ne semble parler que de baise, de booze, de nez cassés ainsi que de tout autre sujet annexe.

samedi 17 mai 2008

Nadja / Skin Turns To Glass
























Alors que le nouvel album de Nadja chez Crucial Blast, Desire In Uneasiness, est enfin sorti (mais il tarde un peu à arriver…), c’est un autre label qui nous balance en pâture une énième réédition des oeuvres antérieures du duo Aidan Baker/Leah Buckareff. Ce tsunami de rééditions est un peu lassant, un disque de Nadja c’est très long, ça prend du temps à écouter, il faut en avoir envie, c’est pas comme un apéro entre amis que l’on peut improviser à la dernière minute en fonçant chez l’arabe du coin pour ramener quelques bouteilles supplémentaires. Toute cette précipitation, cette cavalcade de vieux enregistrements de Nadja au milieu d’une plaine discographique déjà bien encombrée, il y a des jours où on se dit que trop c’est trop. Mais on s’en remet toujours et on y retourne même avec plaisir : il n’y a pour l’instant aucun déchet parmi tous les enregistrements de ce groupe très singulier.
The End Records est une maison dont le catalogue ne m’affole pas plus que ça, on y trouve quelques horreurs (Lordi, The Gathering) et d’autres choses qui ne font pas naître en moi un irrépressible sentiment d’urgence (J2 aka le duo Jarboe/Justin Broadrick). Au milieu de tout ce bazar on tombe donc sur Nadja et une réédition de l’album Skin Turns To Glass, une pièce de choix datant de 2003, première parution chez Nothingness records.
Il aurait été bien dommage de se priver d’un tel disque, meilleur que la précédente réédition de Bliss Torn From Emptiness et atteignant presque le niveau d’un Radiance Of Shadows qui le temps aidant s’avère être mon enregistrement préféré de Nadja. Une nouvelle fois ce Skin Turns To Glass n’apporte rien de fondamentalement nouveau mais il démontre tout le savoir-faire du duo : question doom atmosphérique et metal shoegaze, Nadja écrase tous les concurrents, la mélancolie collant à la musique du groupe comme une merde s’accroche aux poils de la queue d’un chien. En plus avec un titre qui évoquerait presque la deuxième partie de Kwaidan, film et chef d’oeuvre de Masaki Kobayashi, et une illustration qui ressemble à la désagrégation d’un continent, on ne pouvait trouver indices plus évocateurs et alléchants.
Sandskin
est une longue intro d’un quart d’heure qui s’étoffe progressivement, gagne en intensité et s’ouvre sur le morceau titre, lent et majestueux, parsemé de voix qui du grondement évoluent vers l’éther, un titre également ponctué par des notes de piano répétitives qui font toute la différence. Un instant de flottement qui se transforme en pur moment de grâce. Troisième plage, Slow Loss démarre brutalement et massivement avant de s’étioler, de s’éteindre presque puis que revenir à l’intensité mais toujours avec ces saillies glaciales et enveloppantes. Suit une longue plage sans titre, atmosphérique et continue, très lentement évolutive et sans rythmes, paresseuse mais pas ennuyeuse (du moins si on aime les vieux trucs comme Arcane Device… ) qui fort curieusement dans ses toutes dernières minutes vire au death metal indus -la boite à rythmes, frénétique, apparaît et Aidan Baiker montre un joli grain de voix tandis que les guitares, toutefois noyées sous la tonne d’effets habituels, se mettent en position hachoir. Skin Turns To Glass est encore un très beau disque de la part de Nadja.

vendredi 16 mai 2008

Des billets de train et de l'herbe, la meilleure des médecines douces

Mardi soir. Ambiance super estivale, il fait beau et chaud, les doigts de pied crient hardiment leur désir de liberté, c’est l’heure de raconter des blagues bien lourdes, ne serait ce l’odeur de merde qui s’échappe de l’égout voisin ça sentirait presque le bon accueil à l’ancienne et on vous sert de la bière pression bien fraîche en terrasse comme dans un vrai bar à fric, vive le petit personnel embauché grâce aux exonérations de charges sociales.
Il était écrit qu’il n’y aurait pas grand monde pour venir jusqu’ au Sonic assister au concert de To Live An Shave In L.A. (TLASILA), surtout après une semaine ultra chargée : les Nuits Sonores sont terminées depuis dimanche -pour un compte rendu non exhaustif et fort heureusement absolument pas objectif on peut lire ici et puis , , et , je précise juste qu’il y a des échos bien plus mitigés que ça sur la prestation d’Einsturzende Neubauten- mais aussi le réveil printanier de Grrrnd Zero (avec la veille un concert de Aids Wolf). Seulement une trentaine de personnes de présentes et un stand tenu par le label Savage Land qui a justement dans son catalogue un excellent album de TLASILA et a récemment réédité l’indispensable Gyatso des exceptionnels 16-17, si vous n’avez pas la version originale publiée par Pathological records il y a une bonne dizaine d’années il ne faut absolument pas rater cette session de rattrapage. Bref.





















La bière est donc bien fraîche et l’atmosphère fort douce, des éléments légèrement antinomiques avec la volonté de s’enfermer dans une boite de conserve géante pour assister à un concert de musique quelque peu bruyante. C’est .cut qui attaque en premier. Je ne connais rien de ce duo qui se définit lui-même comme faisant du post rock expérimental. Mais, comme tout vieux con réactionnaire et blasé, dès que j’entends les mots post rock je sors mon revolver et je m’apprête une fois de plus à ricaner bêtement, accoudé comme il se doit au comptoir.
Le groupe joue dans le noir et devant un écran qui diffusera pendant tout le set des courts métrages dont je ne garde aucun souvenir. L’homme de gauche tient une guitare, c’est le monsieur post rock du groupe. L’homme de droite est planqué derrière des machines et je ne sais quoi d’autre. C’est lui le monsieur expérimental. Tous les deux portent des lunettes de soleil bien épaisses ce qui ne doit pas rendre les choses évidentes lorsque on joue dans l’obscurité. A ma grande surprise je reconnais l’homme aux machines : il est aussi responsable de la bonne conduite du label [walnut + locust], ce qui du coup a tendance à me rassurer quelque peu pour la suite.
Effectivement sur une base sonore dense, compact (un truc assez indéfinissable mais que l’on pourrait qualifier de musique industrielle) et visiblement générée par un laptop, le duo arrive à poser des ambiances mouvantes mais pas désagréables, presque mélodieuses, en tous les cas accrocheuses. J’arrive à oublier le son de guitare trop typique -ce son qui me transforme invariablement en Joseph Goebbels du bon goût musical- et l’un des titres joués (le troisième?) me parait particulièrement réussi en ce qui concerne l’équilibre masse/aération, ou bruit/mélodie si on préfère, et enlève définitivement mes dernières réticences d’autant plus que le guitariste laisse de côté les sons de guitare trop aériens. Tom Smith, chef spirituel et gourou de TLASILA est invité à rejoindre .cut pour un dernier titre. Pendant que les deux musiciens s’évertuent à créer un vrai mur du son, Mr Smith envoie sur un ton de sénateur un poème de son cru. Final sans aucun intérêt.
























Il n’y a que trois membres de To Live And Shave In L.A. de présents pour le concert de ce soir. Pour je ne sais quelle raison, genre encore une panne de camion, une partie du groupe est repartie prématurément dans une direction opposée à Lyon pendant que les trois survivants ont continué en train. Outre Tom Smith, le line-up se compose donc d’un bidouilleur sur ordinateur qui passera également son temps à battre un seul et unique rythme sur une caisse claire et d’un petit gars délicatement surnommé GayBomb qui s’installe par terre avec de drôles de petites machines dans lesquelles il insère ce qui ressemble à des cartes de données pour ainsi générer des sons. Il a étalé autour de lui toutes les cartes dont il dispose, plus le concert avancera et plus celles-ci se mélangeront, il finira par les choisir un peu au hasard, donnant en fait l’impression de composter indéfiniment des billets de train. Si c’est possible.
Après le concert il expliquera qu’il utilise des appareils désormais obsolètes qui servaient auparavant pour faire de la rééducation orthophonique. Un spectacle à lui tout seul ce garçon, du jamais vu à dire vrai. Le plus impressionnant du groupe reste Tom Smith, sorte de colosse dont la seule activité est de réciter des textes dont on ne sait quelle part est déjà écrite et quelle part est éventuellement improvisée. Il a grosso modo deux voire trois figures imposées à son jeu de scène : je me tape la poitrine avec la main ou le poing (un), je lève le bras au dessus de ma tête (deux) et je crie dès que je le peux (trois).



















Malgré la monotonie du spectacle, malgré le caractère limité et répétitif de la musique, certes bruyante comme on pouvait s’y attendre mais sans surprise, il se dégage indéniablement quelque chose de très fort de la prestation de TLASILA et surtout de la personne de Tom Smith, rapidement descendu de scène pour pratiquer sa beuglante au niveau des spectateurs. Comme une sorte d’animalité, de magnétisme, mi imprécateur et mi déclamateur. Sa voix, qui n’a rien d’exceptionnel ni dans le timbre ni en ce qui concerne le coffre, finit par devenir envoûtante. Difficile de comprendre ce qu’il raconte à longueur de phrases mais il y met une réelle conviction et surtout il est particulièrement crédible dans son rôle.
Il ne se passera rien de plus de tout le concert, uniquement l’attraction de cette présence physique. Tom Smith annonce le dernier titre, en profite pour faire un speech sur la guerre en Irak et les enfants d’Amérique qui rentrent au pays les pieds devant dans un cercueil, thématique du morceau à venir. Il raconte également que lorsque TLASILA avait enregistré ce titre en studio il y a deux ans, Thurston Moore était présent et il avait fumé tellement d’herbe avec Don Flemming que l’on n’y voyait plus rien, un vrai brouillard dans la pièce, haha, merci Tom pour cette petite séance de name dropping et pour l’expérience partagée des drogues douces.
Echange de bons procédés : sur ce dernier titre l’homme machine de .cut vient jouer de la guitare mais on entend difficilement ce qu’il tire de son instrument… ce qui n’enlève rien ni ne rajoute quoi que ce soit à la performance de To Live And Shave In L.A. Décidément ce concert n’aura pas été placé sous le signe des échanges fructueux entre musiciens. Tant pis.

mardi 13 mai 2008

TLASILA en concert : choisis ton médicament
























En matière de concerts, la grosse curiosité de ce mois de mai c’est quand même la venue aujourd’hui au Sonic de To Live And Shave In L.A. ( ou si vous préférez TLASILA pour les intimes), groupe monté par Tom Smith -un ancien de Pussy Galore première période- et à géométrie plus que variable. Y ont déjà participé des gens tels que Weasel Walter ou Thurston Moore… Il ne faut pas rêver, ces derniers ne seront pas de la partie ce soir mais qu’importe : quel que soit le line-up du groupe, son objectif est toujours resté le même, celui de créer une musique de désastres et de chaos comparable dans le cas le plus favorable au crissement d’un ongle sur un tableau noir (j’ai fait exprès d’éviter la métaphore éculée de la fraiseuse du dentiste mais si vous insistez…).










Au pire ce sera l’occasion pour chacun de connaître ses limites en tant qu’auditeur car voilà exactement le genre de groupe qui pousse le quidam dans ses derniers retranchements, sorte de Throbbing Gristle de l’absurde et de la dégénérescence. Pas le groupe le plus bruyant du monde, non, uniquement un art inimitable et inimaginable pour perturber les sens. Demain ce sera aspro pour les uns, valium pour les autres.

lundi 12 mai 2008

Xiu Xiu @Grrrnd Zero

Dimanche de Pentecôte très chargé cette année : alors que le festival des Nuits Sonores assurait sa clôture évènementielle avec un concert d’Einsturzende Neubauten dans l’une des salles les plus inappropriées de la ville, les petites structures lyonnaises ne se laissaient pas faire, le Sonic ayant programmé l’insupportable Otto Von Schirach le même soir tandis que le Grrrnd Zero s’était finalement décidé pour Xiu Xiu.
Ni une, ni deux, j’enfourche mon vélo et pédale jusqu’au Rail Théatre de Vaise qui restera sûrement l’une de mes salles préférées de l’agglomération (avec l’ex Pezner…), une appréciation uniquement due à tous les souvenirs de concerts que j’y ai puisque ce lieu n’a pas attendu les pétarades d’idées du collectif Grrrnd Zero pour voir défiler quelques grands noms et quelques bonnes expériences -avec c’est vrai un déclin de l’activité musicale à partir de la seconde moitié des années 90 et ce à tel point qu’il n’y avait plus rien du tout. A chaque fois que j’y retourne je me demande toujours combien de temps encore va durer la coexistence de l’activité théâtrale avec celle des concerts… puisque théâtre il y a toujours entre ces murs et qu’il reste prioritaire. Le Grrrnd Zero est trop souvent obligé de fermer ses portes pendant de longues semaines, organisant ses concerts presque à la sauvette dans ses locaux administratifs (prêtés par la mairie) du côté de Gerland. Une situation guère satisfaisante.
Pour l’heure et après un hiver et un début de printemps complètement désertiques à Vaise, sont organisés coup sur coup deux concerts, dont celui qui nous intéresse ici.























Vaise c’est très loin de chez moi mais dans le sens aller c’est plutôt en descente donc il n’y a pas de risque de démotivation de ce côté-là. A peine arrivé, vélo attaché dans un coin tranquille, que je croise une vieille camionnette de La Poste : dedans quelques membres de l’organisation et surtout le matériel et les membres de Xiu Xiu. Il est pas loin de neuf heure du soir et le groupe tête d’affiche est super en retard.
Explication une fois entré à l’intérieur de la salle : le van du groupe est tombé en panne au niveau de Macon (il était en provenance de Paris), courroie de transmission ou quelque chose comme ça de cassée et les gens du Grrrnd Zero sont partis dare-dare chercher Xiu Xiu pour au moins sauver la programmation du jour. Je paye mon prix -libre, cette vieille manie de hippies- pour assister au concert et j’attends patiemment le premier groupe, Cheap, Electric.


















Lequel ne tarde pas à commencer. Cheap, Electric est composé d’un des deux frères Virot de Clara Clara, Charles -sauf que là il ne joue pas de la basse mais du synthé- et d’un batteur dont je ne sais rien mais qui a parait il déjà de sacrés états de service derrière lui. Au menu : rythmique lightning boltienne, clavier infantile mais expert et disco noise. Ce qui me gêne le plus avec Cheap, Electric c’est que justement ces deux garçons n’arrivent pas à s’affranchir de la tutelle de Clara Clara : j’ai beau beaucoup aimer les dijonnais, cette filiation à mon sens dessert plus le duo qu’autre chose, j’ai même l’impression que Charles joue sur exactement le même instrument qu’Amélie, j’entends exactement les mêmes sons. Sauf que Cheap Electric part vraiment dans tous les sens, que le batteur n’a aucun mal à en rajouter et que les mélodies sucrées au synthé sont nettement moins dépouillées que celles de Clara Clara. C’est à la fois beaucoup plus déstructuré et beaucoup plus disco, si cela est possible -de la vraie musique d’anorak et ça tombe bien, c’est justement la thématique de la soirée.



















Deuxième groupe et deuxième frère Virot. Cette fois ci il s’agit de François, batteur mais également folkeux remarqué à ses heures. Il contribue aux destinées de NoSnow (anciennement Brutal Vainqueur -c’est trop dommage d’avoir changé de nom les gars) avec Gaël aka I'm A Grizzly. Le premier a un curieux kit de percussions, une grosse caisse dont il se sert comme un tom, une caisse claire et quelques cymbales. Il porte également un micro et on devine des boites à bidouille sur sa droite. Le second trimballe son habituel attirail, je sens qu’il ne va pas tarder à sucer son micro.
Le set commence tout doucement, duo de voix trafiquées, psalmodies incompréhensibles, tribalisme, musique industrielle folklorique. Je perds un peu le fil au fur et à mesure mais je le retrouve à chaque fois que François Virot relance la machine en mettant sur le tapi un nouveau rythme. Le garçon donne toujours cette impression de se désarticuler lorsque il tape sur ses fûts et là justement il commence à taper comme un sourd. NoSnow remonte alors aussi vite la pente qu’il venait de la descendre. Malgré cette impression mitigée je reste assez séduit par l’ensemble, c’est l’heure de la pause bière.























Pause pendant laquelle on en apprend un peu plus sur les problèmes de van de Xiu Xiu, lesquels on l’air insoluble. Un beau van Mercedes, le genre de joujou qui normalement ne doit jamais tomber en panne. Je vois Caralee McElroy qui monte sur scène, rapidement suivie de Jamie Stewart. Lorsque celui-ci gratouille deux accords le public commence à se masser devant la scène. En fait il va falloir attendre de très longues minutes avant que le concert ne débute : Xiu Xiu a un nombre impressionnant de choses à installer, toutes les balances sont à faire (puisque le groupe est arrivé trop en retard pour les faire avant le concert) et cela s’active durement du côté des techniciens qui répondent comme ils peuvent à toutes les exigences d’un groupe qui apparemment n’en manque pas.
Le chauffeur du van pointe le bout de son nez sur le côté de la scène, annonce qu’il a trouvé un véhicule de remplacement pour la suite de la tournée, les membres du groupe se lancent alors dans une ovation spectaculaire avant de demander au public de faire de même, même s’il ne comprend pas pourquoi. J’observe avec amusement Jamie Stewart déposer au pied de son ampli plusieurs verres de vin blanc. Encore quelques réglages et le concert va pouvoir commencer. Il ne sera pas exempt de problèmes de son mais vu les conditions de départ, on peut dire que le boulot réalisé à la console a été efficace.



















Les deux autres musiciens formant le line-up de Xiu Xiu pour cette tournée sont Devin Hoff à la basse et Ches Smith à la batterie et au pad électronique. Le premier joue également de la contrebasse, plus exactement il joue sur un manche de contrebasse amplifié et posé sur un pied de cymbale. Cela me fait marrer de constater que tous les membres du groupe (excepté le batteur) ont les ongles peints en noir.
Dès le début la rythmique est le point fort de Xiu Xiu, d’ailleurs tout semble aller très vite, de manière très assurée. Il n’y a aucun sentiment de fragilité, on ne retrouve pas non plus le côté bancal des disques. Tout est beaucoup plus direct, énergique, pas forcément carré mais avec des contours bien dessinés et Jamie Stewart s’avère être un vrai showman, habité, convaincant et très professionnel. Son timbre de voix si particulier (et qui est le principal motif des personnes détestant Xiu Xiu) est légèrement forcé. Entre chaque titre il boit une gorgée de vin blanc, se gargarise les amygdales avec un bruit pas très discret et dégueulasse puis avale le tout.
Les tubes du dernier album (le très bon Women As Lovers) s’enchaînent, des titres plus anciens font également leur apparition… et ce sont aussi des tubes ! La pop déviée et bricolée de Xiu Xiu prend une nouvelle dimension sur scène, alors qu’on aurait pu craindre qu’elle ne s’empêtre dans les complications inutiles ou le syndrome du complexe à outrance. Encore un coup de vin blanc et Jamie Stewart fait la promo du marchandising de son groupe avant d’annoncer un dernier titre. Ce sera effectivement le dernier, nous n’aurons droit qu’à un set de courte durée (même pas une heure) et malgré les cris dans le public il n’y aura pas de rappel. Un peu frustrant tout de même.

dimanche 11 mai 2008

Sun Plexus 2 / En Souvenir De L'Horreur


Sun Plexus est mort, vive Sun Plexus 2 ! Ce sont bien les mêmes gugusses qui s’agitent derrière ce nom désormais flanqué d’un 2 inutile mais apparemment ils ne veulent pas que ça se sache. Ce sont ils réincarnés ? Ont-ils transmutés ? Sont ils le nouveau résultat d’une parthénogenèse ? Ils ne veulent rien dire. D’ailleurs, si on les écoutait un peu, les Sun Plexus 2 arriveraient à persuader n’importe qui qu’ils n’ont vraiment rien à dire. Les strasbourgeois (originaires de Roumanie même s’il leur arrive de chanter en albanais -cf la compilation Je Suis Un Etranger) n’en ont rien à foutre du postmodernisme : ce qui les intéresse c’est détruire un piano fluorescent dans le noir, traiter l’art contemporain comme leur caca du matin et éventuellement sortir des disques, à un rythme suffisamment indéfini pour passer pour des petits prétentieux.
Le dernier en date, En Souvenir De L’Horreur est une légère déception visuelle. Après le vinyle doté d’une pochette chiasseuse et d’une face A sur laquelle le même titre est gravé trois fois de suite -(PL) Riroum Av Ut (1997), après le CD pressé uniquement sur une plage fantôme placé au début et à un niveau tellement faible qu’il faut mettre l’ampli à fond pour espérer écouter quoi que ce soit -Mais D’Où Viennent Tous Ces Chinois (1999), après le poster géant éventuellement agrémenté d’un disque foutoir où on retrouve aussi bien Deutschland Uber Alles que Panik -El Rato De Luz Verde (2002) et après l’emballage en plexiglas de Or ou ferraille ? A quelle profondeur ? (2004) voici En Souvenir De L’Horreur, disponible dans un digipack super banal et super moche, avec les titres lisiblement imprimés dessus, ne manquent que les traditionnels remerciements et un peu de sponsoring ou d’endorsement.










Mais les Sun Plexus ne se sont pas arrêtés à cette seule compromission -besoin d’argent ? inspiration qui débande ?- puisque En Souvenir De L’Horreur est l’album le plus audible du groupe à ce jour, on y trouve des vrais compositions (et c’est une surprise !) écrites non seulement avec soin mais qui plus est avec un réel soucis d’intelligibilité et de compréhension à l’égard de l’auditeur moyen, plus besoin d’être resté bloqué au stade anal ni de saisir toutes les subtilités de l’humour alsacien pour désormais apprécier la musique du groupe. Cet effort compositionnel est particulièrement évident au niveau des intitulés des titres qui peut être pour la première fois résument parfaitement le contenu des textes -mention spéciale à Planète Fiston et sa thématique de science fiction qui fait froid dans le dos.
Côté musique, le trio arrive toujours à nous faire croire qu’il ne sait pas jouer et ce à tel point que l’on en oublierait qu’effectivement il ne le sait pas. Ça gargouille, ça détruit de la bonne ligne de guitare mélodique juste pour le plaisir, ça enquille des rythmes d’une répétitivité à faire pâlir un Werner Diermaier enfin reconnecté à son cerveau, ça rajoute des bruits bizarres et pour un peu ça passerait même la bande à l’envers. Un vrai travail d’enculeurs de mouches pour tapettes de merde et un disque comme on aimerait en écouter plus souvent, le monde est si laid.


samedi 10 mai 2008

Boredoms / Super Roots 9


Dans la catégorie groupe stupide et nippon alignant des disques inutiles les Boredoms ont très longtemps été champions du monde, entraînant dans leur sillage autant des formations improbables et aux noms parfois imprononçables -qui se souvient encore des Space Streakings sur Skin Graft ?- qu’il y a de temples bouddhistes dans l’archipel japonais. Certains ont réussi à tirer les marrons du feu et à alimenter une petite carrière où l’esprit punk a judicieusement été phagocyté par une tournure disons très gameboy (Melt Banana), d’autres ont préféré opérer de manière nettement plus sérieuse mais toujours excessive (Zeni Geva), on laisse volontairement de côté pour l’instant tout ce que le japon compte ou a compté de combos harsh/noise et actionnistes, de Hijokaidan à Gerogerigegege en passant par Hanatarash, l’un des premiers groupes d’Yamatsuka Eye (ou quel que soit son pseudonyme) des Boredoms. L’effet japon a fonctionné à plein en occident dans la deuxième moitié des années 90, lorsque n’importe quel groupe originaire du pays du soleil levant réussissait à faire mettre debout des armées de hipsters en mal de sensations fortes et exotiques -de la Danette à la place de la cervelle.
Le groupe d’Osaka a depuis longtemps laissé tombé le punk dada et débile de Pop Tatari ou de Chocolate Synthetizer pour se consacrer au mode répétitif et psychédélique, passant par l’inévitable case krautrock et non sans avoir lancer en pâture toute une serie de EPs et d’albums nommés Super Roots présentant aussi bien du Motörhead bloqué sous acide et en mode repeat (Super Roots 3 : un seul riff et un seul rythme, infernal, pendant une demi heure) que de la bidouille et du cut up (Super Roots 6). Les dernières expérimentations du groupe ont tenté elles de défier les lois de l’imagination comme par exemple la performance avec 77 batteurs


















C’est l’un de ces concerts spéciaux que Thrill Jockey a édité sous le nom de Super Roots 9 au printemps 2008 (réédition de l’édition japonaise disponible depuis déjà un an). Objet soigné et tout cartonné, illustration de pochette incompréhensible comme d’habitude et livret de quarante pages ne contenant presque que des partitions… Quoi ? Des partitions dans un disque des Boredoms ? Il suffit de parcourir celles-ci pour se rendre compte qu’elles ne présentent quasiment aucun intervalle de notes… La liste des protagonistes de ce disque enregistré en concert le jour de Noël 2004 (et oui, il s’agit du premier live des Boredoms... ) est composée de trois batteurs, d’un DJ et de vingt quatre choristes. Rhys Chatham est remercié en bonne et due forme dès la deuxième page du livret.
Musique vocale puis rythmique, Super Roots 9 débute par un carillon rappelant fugitivement le Interstellar Space de John Coltrane et Rashied Ali, évoque ensuite Steve Reich dans une version boostée à la transe, évite à plusieurs reprises les rives du Grand Bleu psylocibien (les harmoniques lénifiantes des chœurs) et se casse carrément la gueule lorsque une imitation plutôt réussie de Céline Dion peut être influencée par Irène Papas dans le 666 d’Aphrodite Child fait une apparition majestueuse -mais fort heureusement une seule- au dessus du tumulte répétitif des voix. Opéra choucroute avec tout ce que cela peut comporter de kitsch, Super Roots 9 joue plusieurs fois avec les paroxysmes, nous emmène faire quelques tours dans les montagnes russes et donc reprend assez bien tous les poncifs du genre minimal et répétitif. L’attention puis la tension au sein du public est palpable pour l’auditeur du CD et les photos (avec lâchers de ballons et lumières entêtantes) finissent de compléter un tableau réussi auquel nous n’avons malheureusement pas assisté. Les Boredoms se sont semble t-il définitivement spécialisés dans l’évènementiel musical. Ce Super Roots 9 confirme, après l’assez moyen Seadrum/House Of Sun l’intérêt superlatif du groupe pour la prédominance ultra rythmique. L époque n’est plus à la crétinerie revendiquée.

vendredi 9 mai 2008

Geronimo


Avec un nom pareil, Geronimo, un logo reprenant une photo du vieil apache, des titres de morceaux tels que Firewater, Coyote, Medecine Man ou Spiritwalker, on se disait que l’on avait encore affaire à un groupe ultra militant des causes mille fois perdues, toujours les meilleures à défendre. C’est en partie vrai. Mais pas seulement. Les trois membres de Geronimo jouaient à l’origine dans une formation portant le nom de Sleetsak et ayant à son actif deux albums -je ne vais pas faire mon malin, je l’ai lu dans la très courte bio donnée en pâture par le label Three One G- avant de splitter à la fin du dernier millénaire. Ruiz, le batteur de Geronimo, fait également partie de Bastard Noise (là je connais, on peut même écouter). Nos trois stooges se sont retrouvés dans ce nouveau projet basé autour d’un minimalisme rampant et agressif, une musique tribale et dépouillée, du bruit taillé au scalpel, attention au mal de tête et à la nausée. Un premier album sans titre a rapidement été mis sur pied, il est dans les bacs depuis la fin 2007. L’imagerie pro indienne adoptée par Geronimo est fortement contrebalancée par les quelques traces que le groupe laisse derrière lui. Le livret du disque donne la même impression : plan du cockpit d’un avion (ou d’une navette spatiale ?), minimum d’informations délivrées et liste des titres avec timing complet (même le blanc entre les titres est noté…). La musique du groupe suit le même chemin, celui d’ambiances dures et sans aspérités apparentes, martelées par une batterie répétitive et pire qu’un cauchemar.



















Geronimo c’est des longues plages de silence ou de faux calmes (le rythme cardiaque à vous glacer le sang sur Firewater) avant des déflagrations d’une violence inouïe. Ou alors des motifs rythmiques répétés ad nauseam (Coyote) conduits par une basse spécialiste en coups de boutoir et toujours cette batterie, proprement inhumaine. Lorsque les voix -hurlées- interviennent c’est toujours après une très longue attente, presque par surprise mais il n’est absolument pas question de délivrance : Geronimo, passant de la méticulosité rythmique chirurgicale à la débauche sonique, se complait dans la torture -il n’y a pas d’autres mots- et la frustration de celui qui écoute, retour à l’attente de la déflagration. C’est un peu le désert du steak tartare : le carnage et la boucherie annoncés prennent invariablement la tangente. Parfois même il n’y a pas d’explosion, tout fonctionne de façon purement elliptique, (le presque beau Spiritwalker), le groupe se contentant de l’attente et du malaise qu’il génère.
De loin en loin (comme sur l’excellent et très court Medecine Man) la musique de Geronimo pourrait être comparée à celle d’un Missing Foundation raclé jusqu’à la moelle, débarassé de toutes les approximations dues à l’improvisation bruitiste en temps réel pratiquée par le groupe de Peter Missing. Les sons générés par tout un appareillage analogique sont pour beaucoup dans l’oppression industrielle qui vrille la musique de Geronimo. En ce sens qu’elles retournent contre l’auditeur le questionnement né de la confrontation à la violence -ce qui faisaient très bien Missing Foundation mais aussi les Swans première période- les sept plages de cet album sans titre (enfin, juste les six premières…) donnent un irréversible et profond sentiment de malaise.
Deux curiosités toutefois : Facepeeler avec en invité le toujours génial David Yow qui ne se fait pas prier pour hurler comme un damné puis gémir comme une mante religieuse pour ce qui est le titre le plus classiquement construit du disque. Beaucoup plus étonnant, Prints Tie est une reprise du vibraphoniste de jazz Bobby Hutcherson, pour une fois une douce et reposante façon de conclure un disque qui pourtant ne comporte que de la musique avec laquelle on est très loin d’en finir.

jeudi 8 mai 2008

Tamagawa / L'Arbre Aux Fées


Mais qu’est il donc arrivé à My Own Salvation ? Sans que l’on sache trop pourquoi, le label a mis la clef sous la porte, il était pourtant responsable de quelques bonnes parutions dans un registre plutôt orienté stoner/sludge (l’édition vinyle du deuxième album de Chuch Of Misery c’est lui !). Les anciennes références du label sont fort heureusement toujours disponibles via le mailorder qui est lui resté actif. Un mailorder qui a en outre la très bonne idée de proposer une excellente sélection de disques choisis avec soin et parcimonie (pas beaucoup de titres mais tous défendus ardemment), c’est bien un passionné qui se cachait derrière My Own Salvation.
Il n’est donc pas étonnant que ce garçon ait instantanément remis le couvert en créant un nouvel label. Basses Fréquences a cet air discret et élégant des secrets auxquels on tient très fort mais que l’on est quand même prêt à partager. Les premières productions du groupe sont en tirage limité et faites maison. Sont déjà disponibles un triple CDr 3 pouces de Tamagawa, un CDr de Culver et un autre de Creature. Devraient rapidement suivre Aidan Baker (le lutin barbichu de Nadja) ou I Am Seamonster.
























Intéressons nous donc à la première référence de ce nouveau label : L’Arbre Aux Fées de Tamagawa. Comme son nom ne l’indique pas, le garçon vient de Saint Etienne et pratique un genre très en vogue à l’heure actuelle : la bidouille de guitare en solo, ce que certains osent appeler du drone. Tamagawa se démarque de nombre de ces collègues en insufflant une bonne dose de distance à sa mélancolie musicale, prenant des parti pris orientés électroniques (mais toujours sans ostentation), osant la référence à Cure (Décollation Et Discobole) et surtout n’en rajoutant jamais inutilement. Tamagawa sait faire l’économie de ses moyens, usant et abusant d’une boucle pour en extirper tout le pouvoir hypnotique sans avoir recours à moult surlignages et autres effets d’apparat. Le résultat n’a rien d’austère pour autant, il peut entraîner l’auditeur dans des tourbillons lysergiques (sur Mouvement Tellurique) pas très éloignés de Spaceman 3, groupe auquel Tamagawa peut faire indéniablement référence en concert.
La chose la plus amusante avec ce disque c’est sa présentation. Trois CDr de trois pouces accompagnés de photos de clochers d’églises et d’une citation de Drieu La Rochelle à laquelle je n’ai bien sur rien compris du tout. Le tout est rangé dans une petite boite en carton à monter soi-même (ciseaux non fournis) -ça c’est peut être moins drôle pour les réfractaires aux travaux manuels qui de toutes façons seront contraints de lever leurs culs toutes les vingt minutes, durée moyenne d’un CD de trois pouces, pour changer de disque à écouter. Mais c’est bien le seul effort que demande L’Arbre Aux Fées, petite perle minimale et entêtante.

lundi 5 mai 2008

Boris / Smile (deuxième version)


Encore le nouvel album de Boris, Smile, mais cette fois ci dans son édition nord-américaine et européenne via Southern Lord. La version japonaise, déjà en circulation depuis quelques semaines et complètement bancale, a quand même fini par s’imposer, bizarrerie j’écris ton nom. C’est fou. Toujours le même piège avec ce groupe, capable de dégouliner (façon coulis de chamallows à la fraise) comme de fuzzer dans l’espace psychédélique ou de pratiquer le vrombissement (quelques enregistrements dans le passé en collaboration avec Merzbow et un autre, hystérique, avec Keiji Haino, du nom de Black : Implication Flooding). Toujours la même histoire, oui -malgré le chant définitivement nian nian qui depuis quelques albums me fait grincer des dents- et même bien davantage : la fausse surprise est que la deuxième version de ce disque est à peine moins bancale que la première, finalement les deux fonctionnent de la même façon et l’une comme l’autre vont me faire dire que Smile est un bon disque. Ça y est. Je l’ai dit. Mais cet avis ne découle que de la connaissance simultanée des deux éditions de celui ci.
Comme on pouvait s’y attendre, les différences de mix sont flagrantes mais pas primordiales non plus. Disons que la version occidentale est nettement plus carrée et formatée. Il y a quelques titres dont les nuances mises en exergue (comme Statement en première position du CD japonais mais relégué à la quatrième place du CD pressé par Southern Lord) ne le sont visiblement que pour accréditer la théorie que ces deux disques sont radicalement différents. Mais ils se ressemblent parfaitement. En écoutant la version Daymare on devine tout le travail de pseudo sabotage qui a été effectué au mix -et ce qui est énervant c’est qu’on le devine tellement bien que l’on n’en retient que le côté forcé, on l’a fait exprès car il fallait absolument obtenir deux versions. En écoutant après coup celle de Southern Lord, la réaction est équivalente mais inverse : on entend tout ce que le groupe n’a pas encore rajouté comme putasseries de studio. Résultat les deux disques s’écoutent indifféremment et même se mélangent, l’un (r)appelant l’autre. Du procès d’intention (Boris groupe de méchants mercantiles qui voudraient bien vendre deux fois plus d’exemplaires d’un même disque) je passe à l’admiration extatique du type qui s’est peut être -et même très sûrement- fait enculer par un très bon plan marketing et qui prétend que derrière tout ça il y a un formidable concept, que Boris est un groupe génial. J’assume.





















On l’a vu la principale différence tient autant dans l’ordre des morceaux que dans le relookage de certains d’entre eux. Une pratique déjà utilisée par Boris pour son album Pink ou pour la bande originale du film Mabuta No Ura. Ouh les vilains. Les deux disques ont le même nombre de titres alors que Southern a pourtant bien annoncé que sa version avait une chanson exclusive en bonus, You Were Holding An Umbrella, au passage d’un niveau très moyen et donc pas franchement indispensable. Evidemment ce titre figure également sur la version japonaise mais sous un autre nom, 君は傘をさしていたsi tu tiens vraiment à le savoir (et maintenant démerde-toi avec ça). Pour les perfectionnistes on peut également signaler que la version Daymare est de trois minutes plus longue que celle de Southern Lord, la faute au huitième et dernier morceau (sans titre) sur lequel la guitare de Stephen O’Malley fait une apparition lancinante et remarquée. Autre invité sur un tiers des titres : Michio Kurihara du groupe hippie-folkeux Ghost avec lequel Boris avait enregistré l’album Rainbow en 2006. Voilà pour les détails techniques.
 Si la version Daymare démarre (hum) par une version électroniquée de Statement, la version Southern Lord débute elle par Flower, Sun, Rain, sorte de slow guimauvesque comme Boris les affectionne tant désormais et dont une autre version constituait déjà l’un des principaux points faibles du double live Rock Dream (Southern Lord, 2007), disque qui pourtant n’en manque pas. En ce sens que Flower, Sun, Rain est un début aussi choquant que le remix de Statement, les deux disques prennent pareillement l’auditeur à rebrousse poils au lever du lit. Après c’est juste une question de correspondances et de parallèles entre les deux mais, pour écourter cette analyse fastidieuse et inutile, disons que Smile lorgne définitivement du côté du heavy rock à forte tendance psychédélique -think : Pink- avec les habituelles balades romantiques et le passage obligé (et longuet) vers plus d’expérimentation, tout le monde aura reconnu le titre avec Stephen O’Malley. Boris continue ainsi de satisfaire ses détracteurs comme ses admirateurs. Vivement le prochain, qu’on rigole encore un peu.