dimanche 25 novembre 2007

Keep your eyes open

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J’écoute Slow Speed : Deep Owls, le dernier album en date de Bear Claw tout en feuilletant Keep Your Eyes Open, le livre de photographies de Glen E. Friedman sur Fugazi et ce n’est peut être pas une très bonne idée. Les deux sont vraiment très bien -surtout le premier- mais agir ainsi m’incite encore plus à trouver quelques ressemblances, pourtant absolument pas volées, entre le groupe de Chicago et celui de Washington DC.
Le bouquin de Friedman débute par un texte écrit par un mec autorisé par l’Histoire de la musique indépendante américaine -donc pas un pauvre idiot comme moi- en l’occurrence Ian Folke Svenonius, ex Nation Of Ulysses et ex Make-Up. Cela nous parle de la naissance du hard core du côté de Washington, du mouvement straight edge et de ses dérives, de l’impasse où s’est rapidement retrouvée toute cette scène et de l’obligation de mutation pour grandir et survivre, ce qui a signé l’acte de naissance d’un groupe comme Fugazi. Je résume et je simplifie forcément car lire quatorze pages consécutives en américain dans le texte est largement au dessus de mes forces et de mes compétences. Inutile de dire que je suis tout de même persuadé que ce texte prouve par A + B que Fugazi est le plus grand groupe du monde de rock’n’roll militant.
Chaque page de ce livre est nommée d’un titre d’une chanson de Fugazi au lieu d’être bêtement numérotée. Par exemple à la page Birthday Pony on peut voir Guy Picciotto cambré en arrière sur les retours devant la scène, dos au public, en train de tutoyer son micro comme lui seul savait le faire. Des photos comme cela il y en a des tonnes dans ce livre, rappelant quel groupe extraordinaire en live était Fugazi mais malheureusement la mise en page rate le coche : de trop nombreuses petites photos en médaillon parasitent les photos pleines pages et il y a des redondances, comme si un maximum de clichés avaient été inclus, offrant parfois peu de différence les uns par rapport aux autres et devenant donc inutiles. Un peu moins de photos plus sévèrement sélectionnées auraient donné beaucoup plus de force à ce témoignage unique et en images.













L’album de Bear Claw mentionné un peu plus haut est archétypal d’un certain noise rock 90’s -spécialité de Chicago- tout en rythmique à la fois élastique et tendue (il y a deux basses dans ce groupe mais pas de guitare) et a été enregistré par ce vieux cochon de Steve Albini qui s’y connaît toujours autant pour bander et faire claquer le son d’un disque. Là où ça se complique mais où cela devient également très intéressant c’est lorsque Bear Claw arrive à accoucher de mélodies accrocheuses mais un peu bancales, à capter l’attention avec un chant maladroit mais émouvant, à célébrer l’intensité sans s’encombrer de surenchère. De manière assez surprenante, Slow Speed : Deep Owls arrive à établir la jonction entre Chicago et Washington DC, s’appropriant le meilleur de Shellac comme le plus mystérieux de Fugazi. Je suis tout simplement bluffé par ce disque qui aux premières écoutes me paraissait un peu trop calme et un peu trop sage mais se révèle très rapidement impressionnant de maîtrise et devient tout simplement addictif. Car cette maîtrise s’écoule avec une facilité et une simplicité déconcertantes qui donnent à la musique de Bear Claw un caractère profondément naturel et sincère. Pour un peu, j’oserais même affirmer que Slow Speed : Deep Owls est un pur moment de vérité mais comme j’ai déjà dit quelque part (et même vraisemblablement plusieurs fois) que la vérité ça ne peut pas exister, je ne vais me risquer à me fourvoyer ainsi dans une nouvelle contradiction sans nom. Mais quand même.

vendredi 23 novembre 2007

La fureur du cobra

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RHAAAââââaaaaaaaaaa, pas besoin d’y aller par quatre chemins, lorsque j’écoute Black Cobra, l’animal à poils longs qui sommeille en moi se réveille au quart de tour et pousse d’indescriptibles cris de joie. Il y a fort à parier que Feather And Stone, le nouveau mini album publié par At a loss recordings, arrivera à mettre d’accord les déçus d’High On Fire comme ceux d’Akimbo. Plus inspiré, féroce et sauvage que les premiers, moins seventies et grassouillet que les seconds, le duo basé à Los Angeles poursuit dans une veine similaire à celle de son premier album, le bien nommé Bestial et je peux même affirmer sans trop me risquer que Feather And Stone est carrément un cran au dessus. Le mélange de sludge/doom et de hard core vieille école fonctionne toujours à merveille, les riffs sont toujours aussi basiquement percutants et efficaces (donc ingénieux), les tempos vont du rapide qui défouraille au lent qui écrase, il y a quelques petits passages vaguement planants histoire de pouvoir sortir la tête hors de l’eau et respirer un bon coup et, hop, un nouveau coup de tatane dans la gueule, une béquille dans les couilles, une clef dans le dos et la tête encastrée dans le mur. Ça a l’air stupidement violent comme descriptif, Bruce Lee vs Chuck Norris, mais c’est exactement ça : brutal, jubilatoire, fondamentalement inutile et aussi beau que le combat final de La Fureur Du Dragon.
A noter que ce CD reprend l’intégralité d’un split album avec Eternal Elysium (connais pas) avec quelques plages video en bonus, histoire de se rendre compte de l’activité intense déployée en concert par Black Cobra. L’auteur de la magnifique illustration figurant au recto du disque n’est pas mentionné, dommage, car cet aigle cruellement carnassier aurait presque permis au duo infernal de ravir également à High On Fire la palme de la pochette la plus moche de l’année 2007 en matière de rock’n’roll métallique. Mais pour l’instant les petits jeunots devront se contenter d’un honorable satisfecit -allez les gars, ce sera sûrement pour la prochaine fois, Matt Pike finira bien un jour par s’écrouler.

jeudi 22 novembre 2007

Liars, les nouveaux technocrates du rock

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Je m’attendais à une grosse affluence pour la venue des Liars au Grrrnd Zero mais, surprise, lorsque j’arrive devant la salle il y a personne qui attend dehors et une fois à l’intérieur ce n’est pas la folie ordinaire d’un concert de musique de jeunes. Ça tire un peu la tronche du côté de l’organisation et c’est normal, j’imagine qu’une prestation des Liars doit engendrer pas mal de dépenses et le prix attractif de la place (8 euros contre 20 à Paris par exemple) n’a visiblement pas été suffisant pour faire le plein. Heureusement la salle finira par se remplir -disons que l’on atteindra quatre cent entrées, ce qui est un joli score dont je pense qu’il aurait pu être largement plus élevé, même pour un concert en semaine. L’arrivée tardive de pas mal de gens s’explique peut être par le nombre de premières parties (trois au total) et cette habitude bien locale qui consiste à débarquer sous le coup de 10 heures du soir quoiqu’il arrive. Ce qui en l’occurrence est fort dommage car, à une exception près, les trois premiers groupes valaient vraiment le coup d’oeil et d’oreille.
Je ne suis absolument pas client de la musique que joue Kickball, une sorte de pop gentiment épileptique et saccadée (j’imagine Pavement ou un groupe de cette trempe qui essayerait de faire une reprise de US Maple sans y arriver) et en plus je déteste les batteuses en santiags et les chanteurs avec bonnet péruvien. Passées ces considérations esthétiques, je suis bien obligé de constater que la voix du chanteur est beaucoup plus supportable en concert que sur disque, que la batteuse me botterait le cul aussi âprement qu’elle tape sur sa batterie si elle savait ce que je viens de dire sur ses groles, que le côté nounours herborisé du bassiste me plait bien et que globalement ce que j’entends me pousse vers un certain sentiment de satisfaction. Surtout, j’admire attentivement le guitariste/chanteur qui se dresse sur la pointe des pieds constamment, se cambrant puis se tordant légèrement, dans une parfaite imitation de la danse du poulet. Je laisse Kickball poursuivre son set parce que je suis soudain hélé par une main amie : je quitte le coin de la scène contre lequel je m’étais appuyé (le groupe joue devant et à même le sol, c’est trop à la mode) pour me livrer aux mondanités et autres célébrations d’usage, ce soir il va même y avoir de quoi.
L’affiche du concert annonçait que le concert était pour Clara Clara l’occasion de fêter la sortie de son album (sur SK records) mais l’album n’est pas là, il a pris un peu de retard en même temps que l’ensemble du fret transporté ces derniers jours par les chemins de fer français, tant pis, j’espère tout de même pouvoir parler de ce disque très bientôt. Tant pis aussi pour le concert car malheureusement, les nombreux fanatiques de ce jeune groupe talentueux se sont amassés autour de lui (Clara Clara aussi joue au sol) ce qui fait que pour voir et entendre quoi que ce soit cela va être un peu difficile pour moi. Je réussis à m’approcher un peu pour goûter à leur noise synthétique et rageuse mais toujours ludique (au programme : basse, batterie et synthé acidulé genre bontempi) mais je finis par renoncer pour retourner aux mondanités et autres célébrations mentionnées un tout petit peu plus haut. Sur le chemin du bar je croise un vieux de la vieille des concerts sur Lyon qui maugrée qu’avec les groupes qui jouent par terre on y voit rien et qu’en plus ça fait un son de merde. Je n’arrive pas à lui donner tort.






















Pour leur tournée, les Liars se font accompagner par HTRK. A ma droite un guitariste qui ne sourira et n’enlèvera jamais sa capuche de tout le concert. Au centre une belle brune habillée d’une curieuse combinaison près du corps (seule faute de goût : elle porte des escarpins blancs vernis à talons hauts alors que moi j’aurais plutôt opté pour des bottes en plastique avec des fleurs multicolores). A ma gauche un bassiste avec des bras magnifiques et finement musclés -j’ai passé une bonne partie du concert à tenter d’imaginer ses épaules et son dos. La boite à rythmes se met en marche, la guitare déchire l’espace avec un son qui n’est pas sans me rappeler le Jesus And Mary Chain de Psychocandy, la basse reste inflexible et ronde tandis que la chanteuse tape à intervalles réguliers sur un tom basse à l’aide d’une maracas. Parlons en de la chanteuse, elle n’élèvera jamais la voix, se contentant de réciter ses paroles d’une voix atrocement monocorde et ouvertement sans passion. Je sais bien que c’est fait exprès mais pendant tout le concert de HTRK je vais attendre qu’elle se mette à dérailler comme pourrait le faire une Lydia Lunch (qui s’y connaît en voix traînante et monocorde) mais non. Musicalement ce que j’entends me fait penser à de la cold wave robotique sur fond de guitares à la My Bloody Valentine et consorts. Je m’ennuie et je m’aperçois rapidement que j’ai oublié quelque chose au bar donc j’y retourne. Je tombe en plein milieu d’une discussion à propos de ces sujets typiquement masculins que sont les couches pour bébé et les biberons nocturnes et je ne manque pas d’y prendre part activement.
J’attends patiemment que les Liars montent sur scène. Ces derniers jours j’ai réécouté leur dernier album en date (le sans titre) et une fois de plus je ne l’ai pas du tout aimé. Un disque indigne de ce dont ce groupe est réellement capable. Avec le batteur et le guitariste/percussionniste/homme à tout faire débarque un guitariste de scène, au milieu un micro attend l’arrivée du chanteur et je comprends que ce musicien additionnel est là pour laisser plus de liberté de mouvements au chef. Bien. Les premiers échos retentissent, malgré le son un peu faible sur les guitares je suis irrésistiblement attiré vers la scène, cela sonne presque comme du vieux Sonic Youth, le riff me fait même carrément penser à Brother James. Le grand Angus débaroule enfin, en anorak (c’est la mode) et torchon/bonnet rouge sur la tête. Il bouge beaucoup, se dévêt de façon ostensible, parle le french, calcule ses effets, ses attitudes, ses enchaînements -c’est bien préparé et ça se prétend comme tel, un vrai show démagogique. Il est évident aussi que sans l’homme orchestre Aaron Hemphill les Liars ne seraient vraiment pas grand-chose : c’est lui qui fait tout le travail, assure le côté étrange de la musique ainsi que sa cohésion alors qu’Angus Andrew n’est là que pour la façade d’un spectacle trop bien rodé (sauf peut être au moment où il se vomit un peu dessus).
En ce qui me concerne les morceaux les plus récents passent mal la rampe alors que ceux de Drums Not Dead (avec ce supplément de transe percussive) m’emmènent un peu plus loin. Je décroche sur Freak Out, un morceau entièrement pompé sur Jesus And Mary Chain (oui, encore eux) puis remonte la pente. En fait je vais passer mon temps à faire des montagnes russes, m’efforçant de ne pas trop regarder le chanteur faire le singe. J’abandonne définitivement sur Plaster Casts Of Everything que je n’imaginais même pas aussi putassier en concert. Conformément à leur réputation les Liars n’auront pas joué plus d’une heure. Par contre ils se sont particulièrement bien appliqués pour tenter de remporter le titre du groupe le plus intelligemment populaire et je pense qu’ils vont finir par y arriver. Ils peuvent parfois engendrer quelques chefs d’oeuvres de bizarrerie mais l’optique actuelle semble plus près de la communication (communion ?) à tout prix et quoi qu’il arrive. Il faudra uniquement à l’avenir penser à enregistrer de bonnes chansons et publier un album digne de ce nom pour continuer justement à avoir des choses à dire.

mercredi 21 novembre 2007

EXcreaMANTRaINTRaVEINaNUS

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Avec déjà une petite poignée de disques en à peine plus de trois ans et en sortant très rapidement EXcreaMANTRaINTRaVEINaNUS dans la foulée, les White Mice n’ont pas attendu que le fromage qui pue se fige au fond du poêlon à fondue : seul le label a changé (exit Load records, bienvenue chez Blossoming noise, une maison dont le catalogue comprend une belle brochette de freaks) et la musique du trio est restée la même. La première fois que j’ai entendu parler des souris blanches c’était par ces quelques mots -tu vas voir il y a des relents de Missing Foundation là dedans- et mon indicateur ne s’y était pas trompé, lui qui m’avait refourgué mon premier disque du gang de Peter Missing il y a bien des années déjà et connaissait donc mon amour absolu pour ce groupe qui pour moi représentait au tournant des années 90 une certaine quintessence du bruit.
Cette influence majeur est toujours bien présente dans EXcreaMANTRaINTRaVEINaNUS mais uniquement sur les titres lents qui du coup ont nettement ma préférence. Il faut dire que le line-up de White Mice n’est pas un modèle de conformisme -Mouseeattong à la basse et à la voix, Euronanonymouse à la batterie et Maus Kinski au bricolage qui fait du barouf et autres générateurs de pimpo bimbo- mais permet d’établir parfois assez nettement une filiation : basse stéroïdée à la fuzz, chant vomitif de zombie satanique, percussions tribales et pleins de bruits étranges, agaçants et énervants tout droit sortis du catalogue automne/hiver de Leroy-Merlin, option pour Noël j’apprends à découper une tôle ondulée avec ma nouvelle tronçonneuse électrique.
Mais les souris blanches sont affamées et ne s’éternisent jamais très longtemps sur leur sujet (sur le disque il y a en tout quatorze titres pour un peu plus de quarante minutes) et White Mice pratique également avec une aisance toute sanguinaire le titre à poil court et rêche, celui qui irrite invariablement dès que l’envie de caresser l’animal se fait sentir. Un bon coup de dents et une bonne infection galopante plus tard, il ne fait alors aucun doute que les blessures ne guériront pas de sitôt, le côté parodique du groupe (pseudonymes ouvertement ridicules, masques de rongeurs psychopathes sur la tête et titres de chansons débiles -par exemple, ce Fondleeza Mice en hommage à une salope de l’administration Bush) faisant le reste. Même si White Mice utilise les mêmes gimmicks un peu usés que le gang des sauterelles, le résultat obtenu sur EXcreaMANTRaINTRaVEINaNUS est beaucoup plus méchant et malsain que le spazz core ludique de ces éternelles ennemies. Plus sale et finalement moins racoleur aussi, donc je préfère très nettement.

mardi 20 novembre 2007

Zen And The Art Of Total Fucking Destruction

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Encore un petit peu de grind core ? Alors occupons nous du cas de Total Fucking Destruction, groupe dont les pochettes sont aussi laides que ridicules, les disques aussi mal produits que bordéliques et qui est surtout connu pour avoir dans ses rangs l’ex batteur de Brutal Truth. Rick Hoak (c’est son nom) est même le personnage central de ce groupe qu’il a monté après la séparation du précédent -dans la douleur et la lassitude, c’est une histoire connue. Total Fucking Destruction avait alors enchaîné des tournées à n’en plus finir, ses membres vivant dans leur van plus qu’autre chose et, à l’occasion, ils avaient enregistré des démos au son pour le moins aléatoire et primitif, voire inaudible. Ce sont ces démos qui se sont retrouvées sur le premier album du groupe, Compact Disc Version 1 -oui, un vrai CD de quarante titres publié par un vrai label et avec un vrai code barre dessus, limite le crime de haute trahison pour les tenants de l’idéologie crust et autres punks à chiens.






















C’est encore Bones Brigades qui s’est occupé du deuxième disque de Total Fucking Destruction, intitulé lui Zen And The Art Of Total Fucking Destruction et ne comprenant que quatorze titres (et vingt sept minutes au compteur). Le son général s’est grandement amélioré depuis la dernière tentative, les quatre furieux ont osé se rendre dans un studio d’enregistrement, pas dans une cuisine ni une salle de bains, et l’auditeur attentif et persévérant a moins de mal à apprécier les quelques coquetteries qui ornent les dix premiers titres (mosh part par ici, plan death par là et, attention, des trucs qui pourraient s’apparenter à des soli de guitare) même si elles sont bien noyées au milieu des blasts, du double chant (?) et de l’ambiance très roots qui règne ici. A noter une reprise du Enslaved By Propaganda de Terrorizer et des titres de morceaux (We Are All Elvis Now) révélateurs d’un certain humour bien crétin.
Est-ce aussi par humour que Total Fucking Destruction nous assène des morceaux acoustiques pour les quatre derniers titres de ce disque ? Je crois que c’est avant tout par plaisir parce que la réalisation -à la maison- est une vraie réussite : petit groove de basse jazzy, roulements de batterie dans le lointain, guitares aigrelettes mais imaginatives, harmonies rigolotes des voix. Sur Nihilism, Emptiness, Nothingness, Nonsense un saxophone fait son apparition, ça turlutte à tout va sur un tapis de voix psalmodiant les même quatre mots du titre, un petit régal. On retrouve ce même titre sur la partie rom du disque : dix minutes de concert dans une arrière salle quelconque (une magnifique guirlande de noël pendouille d’un plafond en contreplaqué) devant une poignée de quidams. Le résultat est bien plus punk et relâché que sur la partie studio, par contre c’est toujours aussi décomplexé. Rick Hoak joue sur une batterie ultra minimale -encore plus rudimentaire que celle qu’utilisait Nick Knox dans les Cramps- et il chante (hurle) aussi, en fait les trois membres du groupe (où est passé le quatrième ?) donnent de la voix à tour de rôle ou simultanément et en profitent pour faire un clin d’oeil au dictateur de Anal Cunt avec ce Seth Putman Is Wrong About A Lot Of Things, But Seth Putman Is Right About You !

[Les temps changent mais pas les moeurs des musiciens : Brutal Truth s’est reformé, ils sont même en studio pour enregistrer un nouveau et cinquième disque…]

lundi 19 novembre 2007

Du post punk et de la frustration

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J’ai eu un peu de mal à terminer ce bouquin de Simon Reynolds, Rip It Up And Start Again, aux Editions Allia. Ce ne sont pas les six cent cinquante et quelques pages qui m’ont épuisé mais l’objectif avoué -un panorama de toute la musique créée après l’explosion punk et les désillusions qui suivirent immédiatement- qui me semblait un peu louche. Qu’est ce que le post punk selon Reynolds ? Tout simplement une musique rejetant le primitivisme rock’n’roll et réactionnaire du punk originel et privilégiant le groove du funk ou du dub et donc la danse. Si certains groupes des débuts rentrant dans cette catégorie -A Certain Ratio, PiL, The Pop Group, Gang Of Four- font partie de mes préférés, les longues pages consacrées à la New Pop m’ont elles paru bien fastidieuses.
Il s’agissait avec ce livre de décrire le désenchantement de toute une génération de musiciens et leur conversion au Dieu Argent, tout ce qui a rendu ces années 80 aussi détestables. Ainsi on peut suivre les aventures d’un requin de studio spécialisé dans le rock progressif réussir un premier gros coup avec les Buggles (Video Kills The Radio Star), lancer Art Of Noise puis fonder un label abritant Frankie Goes To Hollywood ou Propaganda. En lisant ces pages, il apparaît clairement qu’à l’époque Simon Reynolds, alors jeune adulte en quête de divertissements festifs, avait à fond marché là dedans. Il en profite donc pour minimiser la musique industrielle (et la réduire à son ersatz Electronic Body Music), tailler un short au gothique, quasiment ignorer la scène new-yorkaise du milieu des années 80 (Sonic Youth, Swans, Live Skull…) en l’accusant de ne resservir que les mêmes vieux plats no wave datant de la décennie précédente.
Aller en Angleterre pendant ces années là revenait à être terrorisé par la musique qui dominait alors les charts (en plus des groupes déjà cités : Duran Duran, Eurythmics, etc) tout en évitant soigneusement les hordes de skins nationalistes et violents écoutant de la Oï, rejeton ultra caricatural du punk. Le livre de Simon Reynolds ne s’éternise jamais sur ces deux impasses stylistiques, se contentant d’affirmer que le vrai post punk est mort en même temps que Ian Curtis et justifiant ses goûts par le formidable succès populaire rencontré par les groupes qu’il aimait alors -sa fascination répond toujours au même critère : un passage réussi à Top Of The Pops suivi d’une entrée fracassante dans le top ten suffisait amplement au bonheur de l’auteur. Aux alentours de 1983, je me rappelle de mon désarrois de pauvre gamin face aux chevelures multicolores de crétins comme les Thompson Twins et à l’absence de toute optique arty (même si je ne l’appelais pas encore de cette façon là) dans la musique de l’époque -une impression bien évidemment fausse, il fallait juste aller chercher ailleurs. Ainsi, ce livre m’a juste rappelé quelques très mauvais souvenirs tout comme il m’a permis de comprendre par où j’avais pu passer pour tenter d’éviter tout cet immonde gâchis.


Frustration. Au début je n’y croyais pas à ce groupe, je n’avais même pas envie d’écouter (ne serait-ce que par curiosité) quelques extraits de sa musique et j’avais l’impression d’avoir affaire à un exercice de style de plus -et en fait c’est tout à fait ça. La biographie sommaire trouvée sur internet et que tout le monde reprend faute d’informations complémentaires stipule que les membres de Frustration font partie d’un collectif dont je n’ai jamais entendu parlé et qu’ils ont tous joué dans des groupes qui me sont totalement inconnus -ah si, il y a Warum Joe, les psychorigides du rock alternatif français dont les titres d’albums (Allah Mode, Les Dents De L’Amer) me faisaient bien rire des années en arrière. L’autre info capitale c’est que les cinq membres de Frustration sont des vieux, peut être même plus que moi. Disons beaucoup plus, ça me rassure.
Le groupe a quelques disques à son actif dont un mini LP 5 titres publié par Born Bad, c’est celui là (Full Of Sorrow, en 2006) qui a fini par atterrir sur ma platine et peut répondre à la catégorisation du post punk selon Simon Reynolds (une musique donnant invariablement envie de danser) mais la contredit également puisque Frustration dépense tout autant une énergie salement rock’n’rollienne pour donner corps à ses chansons. Full Of Sorrow est un pure disque de revival qui s’assume parfaitement. Le groupe chante en anglais, la voix n’est pas vraiment distanciée puisqu’elle n’hésite pas à brailler, la rythmique est robotique mais flexible, la guitare incisive et un clavier pas très tempéré apporte la touche finale en soulignant toute la fervente froideur de la musique. No Trouble (que l’on peut écouter ici avec quelques autres chansons grâce à Rupert Murdock) est un titre parfait pour mettre un peu d’ambiance pendant les booms du dimanche après-midi -encore une bonne définition du post punk.

vendredi 16 novembre 2007

Histoire(s) de beat

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Je croyais avoir affaire à une soirée totalement dédiée à la déesse boite à rythme et bien non, mais je n’avais qu’à me renseigner un peu mieux avant : Binaire et Unlogistic font bien partie de la catégorie des groupes de feignants incapables de jouer avec un batteur, un vrai, un mec avec de la peau et des os pour taper dessus mais ce n’est pas le cas de Generic, originaire de Besançon et comprenant des anciens Seven Rate -le batteur (donc) qui chante aussi et qui même joue du synthé et le bassiste qui s’égosille et appuie sur ses pédales d’effet.
Je n’ai jamais été un grand fan de Second Rate et je sais bien que la musique des deux groupes est différente mais je n’ai pas beaucoup aimé non plus Generic, un peu comme si les Melvins essayaient de surfer aussi fort que NoMeansNo tout en faisant des œillades à… Trans Am ? Pour cette dernière référence c’est eux qui le disent. Pour ma part le nom du groupe m’a invariablement fait penser à ma pharmacienne, cinquantenaire et reine du néologisme : à chaque fois que je sors de chez le médecin avec une ordonnance de médicaments aussi longue que la jupe de la dite pharmacienne est courte et que je me précipite dans son officine pour aggraver le trou de la sécu, la rombière me regarde toujours par dessus ses lunettes en demi-lunes et me propose d’autres médicaments contenant la même molécule mais à un prix bien moindre avec cette phrase magnifique, je peux génériquer ? J’en rougis à chaque fois tel un petit puceau acnéique qui ne comprend pas du tout ce qui lui arrive.
























Les trois Unlogistic s’installent (Unlo pour les intimes et pour les branchés qui s’y connaissent mais je ne suis ni l’un ni l’autre), les deux guitaristes sur la scène, le chanteur devant par terre et le reste des instruments dans une petite boite en plastique. Le premier morceau est une très mauvaise surprise, on dirait du Burning Heads -mais avec une beatbox, faut suivre- et malheureusement des titres comme ça il y en aura plusieurs pendant le concert, je ne me rappelais pas du tout qu’Unlogistic pouvait aussi donner dans le skate core à tendance emo. En fait c’est l’un des guitaristes qui chante de cette éprouvantable façon mais dès qu’il se met à brailler ça va tout de suite beaucoup mieux. Surtout, c’est lorsque le chanteur principal -celui qui est resté au ras du sol- se met à imiter le cri d’une truie pharmacophile que je commence à apprécier le concert. Le gars fait des chouettes grimaces, des galipettes de vrai punk-rocker, transpire mais cela ne prend pas tout à fait, j’avais souvenir d’un groupe plus chaotique sur scène mais devant la faible audience de ce soir (une cinquantaine de personne ?) Unlogistic tourne un peu à vide. Par contre je n’ai rien d’intéressant à raconter sur le nom du groupe si ce n’est qu’il me rappelle trop mon travail donc on passe. C’est avec une impatience toujours renouvelée que j’attendais Binaire. Assez intelligemment, le duo n’a pas commencé son set par l’éternel sprint de Casque à Pointe mais par deux titres assez lents et sournois : ils tranchent ainsi franchement avec la musique de leurs prédécesseurs (dont le credo est d’abuser du bpm) et installent une vraie ambiance de feu qui couve sous les braises. Bien sûr les titres rapides vont arriver mais le concert gardera cette tonalité et plus que jamais, ce que j’apprécie chez Binaire, c’est cette capacité à salir le son des machines, à le rendre toujours plus rugueux. Je suis tellement content du concert que j’achète le t-shirt du groupe -chose que je n’ai pas du faire depuis des années- et même leur premier disque, un 25 cm de couleur jaune pisse que je connais déjà puisque l’intégralité des titres enregistrés par Binaire sont toujours et encore disponibles gratuitement sur leur site -on ne le répétera jamais assez.

jeudi 15 novembre 2007

La république des sauvages

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C’est une reformation bien curieuse que celle de Savage Republic, pour tout dire j’avais d’abord cru à une mauvaise blague. Ce groupe -qui bénéficie du statut très galvaudé et pas toujours enviable de culte- n’a publié pendant les années 80 qu’une poignée d’albums pas faciles du tout à trouver, même les rééditions CD datant du début du troisième millénaire se négocient à des prix ridiculement élevés pour des disques pressés aussi récemment et sur un tel support. Alors une reformation ?
C’était pourtant vrai, nombre de vidéos live (comme cette version pas très bonne du classique Jamahiriya) et datant de 2007 tournent sur internet et un mini album limité à cinq cents copies (Siam) a été publié par Neurot recordings, il faut dire que Steve Kelly -grand sachem du label et de Neurosis- a semble t-il toujours été un gros fan de Savage Republic. Des débuts plutôt agités (l’album Tragic Figures d’ailleurs enregistré sous le nom d’Africa Corps) il n’est par la suite resté que le principal, en gros le tranchant des guitares, et après les inévitables changements de line-up, la musique du groupe s’est stabilisée autour d’un post punk atmosphérique curieusement tribal et influencé par Can ou par des apports extérieurs aussi ethniques que variés -ce qui ne veut rien dire, je l’admet aisément. L’album Jamahiriya Démocratique Et Populaire De Sauvage (1988) est sans hésitation possible ce que Savage Republic a fait de mieux.























Est-ce que l’histoire va se répéter en 2007 ? 1938 est le titre du premier album de Savage Republic depuis 18 ans. Dessus on retrouve quatre des cinq titres déjà présents sur Siam -le groupe n’a pas jugé bon d’inclure le cinquième, une reprise d’Echo & The Bunnymen, peut être se sont ils finalement rendus compte que reprendre un tel groupe n’était pas forcément une preuve de bon goût. Dès les premières écoutes, il est un peu désarmant d’être obligé de constater que les meilleurs titres sont ceux qui ne sont pas réellement inédits. Le reste se partage entre le bon et l’anecdotique avec par exemple, en septième position, Song For Rikki et son post rock tellement banal et plan-plan qu’il en ferait passer la doublette Mogwai/Mono pour de dangereux terroristes. A l’avant-dernière place, Zelo n’est pas mal aussi dans le genre. L’utilisation du violon paraît également trop conventionnelle, il eût sans doute été préférable que cet instrument soit moins mis en avant ou -beaucoup mieux- qu’il ne se contente pas de diriger avec opportunisme des mélodies franchement attrape-couillon (White Ginger faisant partie des exceptions remarquables).
Cela semble faire beaucoup de bémols pour un seul disque mais globalement, et malgré les longueurs -Caravan qui s’éternise au delà des dix sept minutes, ce sont les chiens qui trépassent- 1938 est un bon album, honorable, même si malheureusement et par la force des choses il est le plus facile à trouver de tous les disques de Savage Republic. C’est que pour aimer ce groupe comme il se doit il ne faudrait pas commencer par 1938. Disons simplement -amis sophistes bonjour- que le principal défaut de ce disque est qu’il ne s’appréciera qu’à la lumière des précédents. J’y retrouve les guitares inventives, la basse qui mène la danse, les percussions tribales (ah ces roulements), les influences extérieures (Europe de l’est, Moyen-Orient ou Asie), le côté sombre, la tension palpable avant l’explosion, le chant (rare) ressemblant plutôt à une invocation (l’excellent Torpedo) mais cela ne suffit pas, il manque quelque chose, le côté brut peut être -la production me parait bien trop lissée pour être du Savage Republic- ou le côté primal, celui qui exorcise. Mais je suis bien content quand même d’avoir eu des nouvelles de cette musique là.

mercredi 14 novembre 2007

Le Diable Avec Ses Chevaux

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Moins de deux mois après la parution en guise de hors d’oeuvre du EP Psychoïde/Participation Mystic, le mystérieux duo fraternel Maninkari remet ça avec un premier album, toujours chez Conspiracy records : Le Diable Avec Ses Chevaux. Les deux frères, et c’était quand même un pari risqué, ont décidé de jouer la carte de l’opulence puisque cet album est un double CD (dans un sobre mais magnifique digipak) comportant pas moins de onze titres et presque deux heures de musique. La quantité, certes, mais aussi et surtout la qualité.
Pour le reste, les détails biographiques, la tête des deux frangins, leurs mensurations, les dates de leur prochaine tournée européenne, leur numéro de téléphone portable et bien pour tout ça il faut se fier au livret du Diable Avec Ses Chevaux et ça tombe très bien parce que justement il n’y en a pas. Uniquement les noms des titres, le nom de la personne responsable de l’illustration (dont la version originale intitulée Oiseau Fabuleux figure ci-dessous) et la liste des instruments utilisés : violon alto, percussions, cymbalum, santoor, claviers, piano et samples. C’est tout. Et cela paraît bien peu au regard de la richesse chromatique de ce double album -pas chromatique comme la gamme, chromatique parce que la musique présente ici un éventail de sonorités et de nuances qui me font invariablement penser à une palette multicolore où les pigments se mélangent sans fin pour créer des combinaisons sans cesse renouvelées. Ce disque est terriblement beau.






















Je balaie d’un revers de main dédaigneux et méprisant les pensées acerbes qui font dire à certains que Maninkari n’est qu’un groupe pratiquant de la musique hippie et ethnique. Ou plutôt j’affirme que, oui, si ceci est bien de la musique de hippies, c’est dans le bon sens du terme. Je ne veux pas parler de cette transmutation vérolée et typiquement française d’un genre galvaudé, mort et enterré depuis bien longtemps en pauvre imitation spongieuse et gluante, le baba-cool et son gilet en peau de mouton retournée -parmi les autres spécialités locales de transformation génético-musicale on peut également citer le rappeur français en survêtement blanc, le punk à chien tiers-mondiste ou le golgoth indochinois- mais d'un certain état d'esprit lié à des personnalités fortes et marquantes comme La Monte Young, par exemple, ce genre de bonhomme déjà évoqué à propos du premier EP. Pour tout dire, s’il fallait trouver une quelconque filiation avec les musiciens de cette époque, c’est du côté d’Angus Maclise qu’il faudrait peut être aller chercher. Angus Maclise, percussionniste fantasque (et au passage premier batteur historique du Velvet Underground), membre du Dream Syndicate, parti visiter le Moyen Orient, l’Inde pour arriver au Népal afin d’y collecter toutes sortes de nouveaux sons et d’y découvrir d’autres modes de percussions. Mort à Katmandou vers 1979. Mais c’est uniquement pour le côté curieux insatiable, adepte du répétitif en musique et du mystérieux (Maclise pratiquait l’occultisme et était devenu un adepte d’Aleister Crowley -encore un hippie celui-là) que cette comparaison vaut quelque chose.
Une comparaison qui a ses limites, à la différence du Diable Avec Ses Chevaux qui ne cesse de développer ses ambiances, démultiplier les rythmes, flirter avec le sublime, détourner toute activité consciente et réfléchie -alors que j’imagine que cette musique est au contraire le résultat d’une démarche foncièrement pensée voire calculée mais que ce résultat a heureusement fini par échapper à tout pronostic. L’effet de transe -du à la répétition des motifs- continue inlassablement de faire passer au second plan tout rapport avec la matière : les vibrations des percussions, les lignes du violon, les samples de voix, ces curieux instruments que sont le santoor et le cymbalum, tout ce délicat équilibre entre musique savante et musique épidermique se transforme en bulles concentriques d’une éclatante fragilité mais suffisamment brillantes pour assurer à l’auditeur un ailleurs, où qu’il soit. Juste un ailleurs.

mardi 13 novembre 2007

Ulan Bator/Ulaanbaatar

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J’ai laissé tomber Ulan Bator depuis longtemps, à vrai dire la seule fois où je les ai vus en concert a été le point culminant de mon amour pour eux mais également le début de la fin, one shot les gars. Ce concert, c’était au Pezner et l’ambiance avait été explosive. Ulan Bator a publié cette année une compilation (en coproduction sur Ruminance et Jestrai -mais là il faut savoir parler italien) intitulée Ulaanbaatar avec une bonne vingtaine de titres inédits, rares, plus les habituels live au son approximatif, les démos qui tâtonnent et les remix qui puent. Tout ça datant des années 1993 à 1998 c'est-à-dire l’époque où Franck Lantignac était encore le batteur d’Ulan Bator et avant que ceux-ci ne semblent se tourner définitivement vers une musique moins bruyante, moins sombre. L’album qui marque cette fin de période est Végétale, sur le label Les Disques du Soleil et de L’Acier (Nancy), un album où pour la première fois le chant était à la fois plus présent et en français. Pas une réussite totale parce que jusqu’ici la voix d’Amaury Cambuzat avait toujours été noyée sous deux ou trois tonnes d’effets et que désormais non seulement on pouvait comprendre ce qu’il racontait mais en plus on pouvait s’apercevoir qu’il n’est pas forcément un grand chanteur ni un grand poète. Mais quelques passages toujours dans la lignée des deux premiers albums -dont le formidable et leur meilleur : - parvenaient à me convaincre quand même. Il n’empêche que petit à petit Végétale a tué mon amour pour Ulan Bator, effaçant inexorablement le souvenir étincelant de ce concert au Pezner. Et la suite, du moins le peu que j’en ai entendu, ne m’a jamais donné envie de renouer avec le groupe. La suite c’est quand même trois autres albums entre 2000 et 2005 (dont un produit par Michael Gira).

















La seule et unique raison pour laquelle je n’ai pas pu résister à Ulaanbaatar c’est que dessus, en deuxième position, se trouve Ursula Minor. Ce titre est initialement paru sur un split single avec Etage 34 sur le micro label Popov Island records, label dont le seul autre titre de gloire a été de participer à la sortie du troisième album de Voodoo Muzak, Cartilage, et puis plus rien, la lose total. Aujourd’hui, l’un des deux protagonistes de ce label/feu de paille tente un peu désespérément de faire survivre une salle de concerts sur Lyon, avec une bonne programmation mais un public difficile et les tracas administratifs, politiques et autres que rencontre systématiquement ce genre de lieu dès qu’il s’agit de faire quelque chose qui sort un peu de la norme. Il faudrait se fondre dans la masse et ramasser ses goûts pour les faire tenir dans une petite case, je crois que la réponse est non. Le deuxième quant à lui passe une bonne partie de son temps à écouter de la musique et à aller à des concerts, il distille son ennui avec des mots ici même.
Ulaanbaatar
commence merveilleusement bien avec un enregistrement de l’audience lors de ce fameux concert au Pezner mentionné plus haut, cette plage s’intitule Pèse-nerfs, le premier nom de ce lieu donné en hommage à Antonin Artaud et simplifié par la suite par commodité. Pèse-nerfs rend bien compte de l’enthousiasme du public ce soir là, à la fin on peut entendre un type vraisemblablement déjà bien attaqué qui hurle Ursula Minor ! Ursula Minor ! (mon petit doigt me dit que c’est l’un de deux de Popov Island qui braille ainsi, mais il ne me dit pas lequel) et ce titre -Ursula Minor, donc- est directement enchaîné après. Plus de dix années après, ce morceau est toujours un réel bonheur, la première fois qu’Ulan Bator s’était laissé aller à ses influences kraut (un peu plus tard ils ont tourné intensivement avec Faust), la basse d’Olivier Manchion y fait des merveilles comme d’habitude -la rythmique était alors le gros point fort d’Ulan Bator- et il y a Quentin Rollet avec son saxophone alto en invité de marque. Pendant longtemps ce titre a été mon préféré du groupe et je pense qu’avec cette réédition il vient de retrouver sa première place. Parfait.
Le reste de cette compilation c’est comme pour toutes les compilations ou presque du très bon et du beaucoup moins bon, des choses qui prennent aux tripes et qui collent au ventre et d’autres qui laissent indifférent. Des souvenirs aussi, mais ça on s’en fout. Ulan Bator sera en concert à Lyon le 21 décembre prochain, au Sonic, évidemment.

lundi 12 novembre 2007

Gisèle Vienne, KTL et les enfants morts

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Vendredi soir aux Subsistances, j’ai croisé plus d’une personne désireuse de voir KTL et qui rebroussait chemin parce qu’il n’y avait plus de places disponibles pour le spectacle de Gisèle Vienne, Kindertotenlieder. Cent vingt places par soir, ce n’est vraiment pas beaucoup. Surtout lorsque dans le public présent je compte nombre d’amateurs de danse contemporaine. Comme moi ils ont réservé leurs places. J’en ai deux. Je suis venu assister à ce spectacle pour la musique, la personne venue avec moi est intriguée par la chorégraphie et l’univers particulier -en deux mots ? sombre et glauque- de la compagnie D.A.C.M. Nous formons une sacrée équipe de choc.

Cela me frustre toujours les spectacles de danse où la musique joue une place prépondérante. Je me souviens d’un Four Seasons dans le cadre de Musiques En Scène où la partition de Schoenberg était complètement bousillée par une pseudo interactivité : capteurs au sol, capteurs volumétriques et programme informatique réagissant en temps réel. Les danseurs bougeaient, les comédiens s’agitaient, les musiciens interprétaient et la machine était censée donner une nouvelle dimension à l’ensemble. C’était aussi vain qu’ennuyeux. Je ne parle même pas des sons électroacoustiques qui s’échappaient des haut-parleurs, Pierre Schaeffer réveille-toi ils sont devenus fous. Dans le genre création totale, Memorandum de Dumb Type (conception musicale : Ryoji Ikeda) m’avait par contre franchement enthousiasmé or c’était un spectacle qui devait tout à la technologie et à des formes artistiques multiples mais toujours abordées avec une approche très mathématique. Avec Kindertotenlieder je ne m’attendais en gros qu’à une seule et unique chose : du littéraire. Et à la musique de KTL aussi.
En arrivant devant la salle une schtroumpfette en parka bleue nous donne un fascicule en expliquant qu’il y a du texte en anglais pendant le spectacle, qu’il est non traduit et qu’ainsi, en lisant les quelques feuilles photocopiées qu’elles nous tend, nous allons pouvoir avoir une idée de ce dont ça parle. J’ai toujours eu horreur de ça, en savoir trop par avance, d’autant plus qu’avec les traductions il y a un paragraphe introductif, genre ce que nous avons voulu faire et pourquoi. Rien à foutre donc je prends le fascicule mais je ne le lis pas.
Le texte est de Dennis Cooper, un américain basé à Los Angeles et également critique d’art. Ce n’est pas la première fois qu’il collabore ainsi avec Gisèle Vienne. Extrait : L’idée de te violer et de te tuer vient de provoquer la trillionième érection, mais cette fois c’est celle de Dieu. C’est le cadeau que je te fais. Un autre : T’es tellement morte, salope, que tu devrais changer de nom et t’appeler Valeur Sûre. Allez, un dernier : Comme cela aurait été cool de vivre à l’époque où le bruit du vent, des oiseaux et des avalanches te faisait penser à Black Sabbath, et où tuer foutait aux gens des putains d’érections. Je crois que j’ai bien fait d’ignorer les mots avant d’assister à ce spectacle et, de toutes façons, y déceler l’odeur du sexe, de la mort et du sang était évident sans cela. Cette odeur c’est justement le travail de Gisèle Vienne et c’est ce qui m’a réellement passionné dans Kindertotenlider.
















Un spectacle sous la neige, perpétuellement. La neige qui se met à tomber et qui tombera pendant toute la deuxième partie. Tout d’abord, il y a ces corps, des corps immobiles. Un seul bouge à peine, remuant la tête pendant qu’un autre s’extirpe d’un cercueil -tel le Nosferatu de Murnau. C’est la première grande idée de Kindertotenlider, ces corps immobiles dont on ne sait s’ils sont morts ou vivants, s’ils sont réels ou factices. Petit à petit un deuxième évolue, marchant très lentement, puis encore un autre qui avance, avant de s’arrêter. L’un d’eux devient violent, attrape un corps immobile, le bouscule, l’égorge ou le poignarde -le spectateur peut alors se rendre compte (sans pour autant s’en retrouver rassuré ou conforté) que ce dernier est en fait un mannequin. Et il y en a plusieurs sur la scène, éternellement immobiles ou ballottés par les danseurs. Mais ces mêmes danseurs deviennent immobiles à leur tour, après avoir tué ou fait l’amour, rejoignant le rang des mannequins, offrant comme vision du corps celle d’un amas de chair meurtrie, violée ou assassinée. Il ne reste donc que la mort et une vision totalement païenne de celle-ci, très loin de toute notion de culpabilité.
Avec des déplacements souvent très lents, subtilement saccadés et fractionnés, la danse imaginée par Giselle Vienne est très proche du Butô et, par truchement, de l’expressionnisme allemand. La thématique obsessionnelle du corps -avec la dualité mannequin/chair réelle- fait elle invariablement penser à Mishima. A se demander si ce n’est pas le corps qui régente l’esprit, si l’attraction n’a pas remplacé la réflexion. La reptation d’un homme nu dans la neige, alors que cet homme est en pleine agonie, est l’un des plus beaux passages de Kindertotenlider -le corps est beau, son déplacement est beau, sa mort est belle : ce moment convoque toute l’ambivalence fascinée du spectateur par rapport au sexe, au corps en tant qu’objet et à la mort. Une autre caractéristique de la chorégraphie est qu’elle s’inspire des mouvements et des attitudes rock voire même carrément metal. Ainsi un micro est planté au milieu, servant à singer la narration (en fait préenregistrée) ou le chant, le temps d’un Sinking Belle -le titre de Boris/Sunn O))) avec Jesse Sykes à la voix- retravaillé et rallongé pour l’occasion dans une superbe version. Pareillement, certains déplacements, mouvements de tête, positionnement de jambes, moulinets des bras, etc font penser à la gestuelle et aux rituels très explicites et codés du metal -mais de façon presque subliminale, mode ondulatoire et microscopique inspiré du Butô oblige.

Reste la musique et le cas de KTL. Peter Rehberg et Stephen O’Malley étaient bien là, jouant certains passages déjà connus sur disque, d’autres non. En m’asseyant, j’avais remarqué que mon voisin de devant avait mis des bouchons d’oreilles. En effet à un moment proche du final O’Malley s’est lancé dans un riffage ultra répétitif et entêtant, évoluant petit à petit et évoquant la langueur destructrice d’un black metal primitif, même hypnotisme, même sensation du hors limite. Il s’est mis à jouer de plus en plus fort. Lorsque les lumières se sont rallumées et que danseurs et musiciens se sont rassemblés pour les applaudissements, j’ai pu constater qu’il portait un t-shirt Black Sabbath. Il a lancé son médiator en direction du public mais personne ne s’est précipité pour le ramasser -c’était en complet décalage avec un spectacle de danse comme Kindertotenlider, aussi tordu soit-il, mais conforme aux sources mêmes d’inspiration de ce spectacle. Je ne pense pas toutefois que ce détail ait été sciemment pensé mais il m’a fait sourire.

vendredi 9 novembre 2007

Kindertotenlieder

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Imbécile que je suis, je n’avais jamais fait le rapprochement : KTL est l’abréviation de Kindertotenlieder, il fallait juste y penser. C’est un peu par hasard que j’ai appris que les Subsistances de Lyon accueillaient cette semaine le Kindertotenlieder de Gisèle Vienne -déjà partie prenante dans l’aventure D.A.C.M avec Showroom Dummies et Stéréotypie, deux spectacles sur des musiques de Peter Rehberg. Ce même Kindertotenlieder dont les trois disques de KTL présentent de nombreux passages de la bande son, un détail qui lui ne m’avait pourtant absolument pas échappé.

Pour être un peu plus clair : c’est depuis hier et jusqu’à demain, samedi 10 novembre, une pièce visuelle et sonore comme ils disent, avec la présence assurée de Rehberg et de O’Malley aux manettes musicales, presque un concert donc mais pas tout à fait quand même (je suis incorrigible). Pour plus d’informations sur le travail de Gisèle Vienne, il y a son site officiel à la présentation plus que spartiate avec également une page consacrée au pourquoi et au comment de Kindertotenlieder -mélomanes amis de Gustav Mahler, passez votre chemin.

jeudi 8 novembre 2007

Scorn / Stealth


Stealth, le premier album de Mick Harris sous le nom de SCORN depuis cinq ans, est disponible depuis la mi-octobre. Véritable évènement, ce disque ne suscite pas moins quelques angoissantes interrogations chez moi : en faisant écouter Stripped Back Hinge, le premier titre de cet album, j’ai récolté cette savante remarque -tiens, Scorn, il a beaucoup écouté de dubstep. Ah bon ? J’ai récupéré un joli exemplaire promo du disque (merci au label) mais en faisant récemment le tour des magasins de la ville j’ai pu constater qu’un sticker avait été accolé sur les exemplaires mis en vente, un sticker qui (en gros) dit ceci : le nouvel album du père fondateur involontaire de la scène dubstep. C’en est beaucoup trop pour moi, je n’accepte pas mon ignorance en la matière, je fais une crise aigue de fierté orgueilleuse et c’est bien simple, je ne supporte pas que l’on me parle d’un truc que j’ignore surtout lorsque cela concerne un musicien/groupe que j’adore. Donc, voilà, dubstep : qu’est ce que c’est ? Hein ?
Renseignements pris (pas beaucoup, je n’ai pas que ça à foutre) il s’agit dès le départ d’une étiquette de plus balancée par un concepteur trop fort en marketing et rapidement reprise sur le titre d’une compilation : Dubstep Allstars Vol. 1. Le terme désigne avant tout une scène issue du sud de Londres avec des influences dub et 2-step, entre autres et d’où le nom. Surtout, j’apprends qu’il y a un webzine français entièrement consacré au genre et en parcourant un peu ce site je me rends compte que Burial a pour beaucoup contribué à la récente et plus large diffusion du dubstep -je me transforme aussitôt en monsieur Jourdain parce que le premier album de Burial, publié l’année dernière chez Hyperdub, est l’un de mes disques electro préférés de 2006 (il avait d’ailleurs été fort brillamment chroniqué chez Kubik) et c’est donc que j’aimais le dubstep sans le savoir, Mein Got. Burial est l’oeuvre d’un parfait anonyme, un mystère de plus, et en attendant de pouvoir écouter Untrue, son très attendu deuxième album dans les bacs depuis le 5 novembre, on peut toujours lire cette interview (en anglais mais avec plein de mp3 en fin de parcours), un jeu de questions/réponses plutôt déconcertant.






















Toujours à propos de dubstep, j’ai entendu les mots ou expressions suivantes : urbain, basses fréquences, minimalisme, down tempo et même haché menu. Que des qualificatifs pas toujours vrais mais qui conviennent parfaitement à la musique actuelle de Scorn. Toutefois il faut préciser de suite qu’après réécoute, il n’y a que peu de rapport entre le premier album de Burial et Stealth. Scorn base toute sa musique sur le couple basse/rythme -peut être devais je même dire bourdonnement et pulsation tellement les vibrations lâchées par la musique de Scorn semblent provenir de l’intérieur- et agrémente ses structures de motifs tellement lointains (mais aiguisés) qu’ils en paraîtraient subliminaux. En écoutant attentivement Stealth -au passage, tout autre mode d’écoute serait insuffisant et inacceptable- la séduction paradoxale des sonorités et des rythmes inventés par Mick Harris est réellement envoûtante, les échos rythmiques étouffés dans l’oeuf, les gargouillis des basses, tout est systématiquement et savamment en opposition avec ce qui pourrait être l’aspect musical (à défaut de mélodique) de cette musique -les nappes élastiques, les zébrures fugitives, quelques guillemets et accolades au premier abord anecdotiques- mais qui, au-delà de la trame rythmique, est l’autre marque de fabrique de Scorn et se retrouve pour ainsi dire mis en exergue par le processus d’opposition. Ainsi, deux univers parallèles et complémentaires se font face, s’alimentent mutuellement sans jamais se mélanger : la musique de Scorn est fondamentalement et intrinsèquement schizophrène avant d’être dépressive et sombre -qui sont les deux qualificatifs les plus couramment employés à son propos. Cette façon de faire est tellement ancrée en profondeur, comme chargée d’une motivation que nul ne peut saisir, que l’on peut même affirmer que Stealth est une oeuvre caractérielle. Et en tous les cas largement plus fascinante que le précédent Plan B (chez Hymen records) où l’alchimie spécifique entre base rythmique et bruitages de décorum ne parvenait pas à prendre. Cinq années, pendant lesquelles Mick Harris a passé le plus clair de son temps à pécher le brochet, n’ont donc pas été de trop : cela valait bien le coup d’attendre que l’homme de Birmingham lâche enfin ses cannes à pèche et reprenne les manettes de son laptop et de sa table de mixage.

mercredi 7 novembre 2007

Smell the magic

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Maintenant que j’ai assisté à ce concert je vais pouvoir faire mon intéressant en affirmant que bien évidemment j’y suis allé uniquement pour les Magic People, alléché par la perspective de voir un groupe délivrant une pop nerveuse, spatiale et délicieusement tendue, youpi que la vie est belle. L’organisateur du concert parle lui d’hypnotic pop et d’ailleurs en arrivant sur place je le trouve un peu nerveux et agité le garçon, besoin d’un psychotrope peut être ? Il m’explique simplement il lui faut cent dix entrées payantes pour rentabiliser ce concert, que Blood Red Shoes a demandé assez cher et qu’il y a pas mal de frais, l’hôtel en tête de liste, ben oui quoi qu’est ce que tu veux c’est presque des stars maintenant. Des stars ? Que tout le monde se rassure (et quel suspens insoutenable) parce que le quota d’entrée sera atteint et même dépassé. Il y a plein de beaux jeunes gens dans la salle, surtout ça fait une éternité que je n’ai pas vu autant de filles à un concert, même si certaines me semblent être suffisamment jeunes pour avoir besoin de l’autorisation de papa-maman pour sortir après minuit, re youpi la vie, etc.
Pourtant cela commence mal : les Blood Red Shoes ont mis tellement de temps pour faire leurs balances que les Magic People qui jouent en premier paraissent tout démotivés, le clavier s’installe par terre (et fera tout le concert dos au public) et les deux autres -un bassiste/chanteur et un batteur- sont tassés sur une moitié de la scène, qui pourtant est déjà toute petite, ils ont l’air à peine installés et prêts à fuir à la première occasion. Mais cela aurait pu être pire : pour cette tournée européenne les Magic People sont en effectif réduit, à trois donc, contre six personnes sur l’excellent Oh Decay, leur dernier album en date. Pourtant ils mèneront sans problème leur concert, j’avais un peu peur des synthés omniprésents mais les sonorités utilisées sont au minimum rigolotes et intéressantes donc je ne m’ennuie pas une seule seconde malgré un morceau heavy prog vers la fin du set et la voix du chanteur -je vais passer une bonne partie de la soirée à me demander à qui me fait penser cette voix, je n’ai toujours pas trouvé- un peu énervante à la longue parce qu’un peu outrée et forcée. Bon, je passe aussi sur le fait que ce même chanteur porte une cravate qu’il aura le mauvais goût de se nouer autour de la tête, Rambo en version nerd. Le public réagit plutôt mollement, peut être que les rythmes ne sont pas assez carrés (?) et lorsque les Magic People quittent la scène j’en suis au moins à ma sixième bière parce que plein de vieux amis sont arrivés entretemps et le temps, c’est bien connu, c’est ce truc élastique que l’on cherche toujours à rattraper et qui finit toujours par vous claquer à la gueule. Chacun paie donc sa tournée pour oublier cette triste réalité de l’existence.























C'est l'heure des Blood Red Shoes, le groupe vient d'être signé par V2, une grosse machine à sous qui leur a exigé d'entrée trois disques obligatoires au compteur pour honorer un contrat en bonne et due forme -le genre de deal qui (au choix) incite au blocage psychologique et retranche toute créativité ou incite à donner sciemment dans la médiocrité pour réussir à s'en sortir malgré tout. Le résultat final est le même. Ils ont leur propre sonorisateur -quelle classe, hein- et c'est vrai que la chanteuse/guitariste est vraiment croustifondante. Le batteur lui n'a pas de cravatte et c'est parti pour un set assez court mais condensé de noisy pop pas franchement originale mais efficace et desservie par un son de guitare sans relief et une voix passée à l'eau de javel (il est passé où ton joli timbre Laura-Mary ?). Par contre le son de la batterie est repris à fond par la sono, le batteur donne donc vraiment l'impression de taper comme un chien et en rajoute dans le spectaculaire en levant ses baguettes super haut, quelle supercherie. N'empêche que c'est lui qui fait tout le boulot sur scène pendant que sa petite camarade aligne des compositions tubesques, enjoint le public à taper dans ses mains et le public le fait, c'est la fête, ça danse, ça se trémousse et je reprends cette discussion avec ces mêmes vieux amis à propos de je ne sais plus quoi mais peu importe. Une discussion qui se finira tellement tard que le lendemain j'ai raté le réveil (mais j'ai quand même réussi à dormir quatre heures et demi) et que je suis arrivé en retard au travail avec une toute petite cervelle en quête d'effervescence. Ce soir c'est promis je me couche de bonne heure (et de bonheur) et on ne m'y reprendra pas de sitôt, à aller à des concerts total fashion.



mardi 6 novembre 2007

Blood Red Shoes & Magic People

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Pour une fois, un petit concert de pop, cela me fera le plus grand bien. Pour écouter : Blood Red Shoes et Magic People.

lundi 5 novembre 2007

Dillinger Escape Plan / Ire Works

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J’ai voulu moi aussi faire mon malin et j’ai téléchargé Ire Works, le prochain album de Dillinger Escape Plan. La version que l’on en trouve sur le net est une version non masterisée, ce n’est sûrement même pas le mix final de cet album. Ce contenant mp3 n’est donc largement pas assez satisfaisant mais qu’à cela ne tienne, le groupe a mis l’intégralité de Ire Works en ligne. Une bonne façon de se rendre compte de l’évolution des cinq du New Jersey, notamment au niveau des lignes de chants reznorienne et pattoniennes -j’ai tenté le jeu de mot entre Patton et pantalonnades mais j’ai lamentablement échoué- que j’ai beaucoup de mal à supporter. Je n’ai jamais été un ardent défenseur de Dillinger Escape Plan mais là je ne le suis plus du tout, malgré les trouvailles et les habillages électroniques qui peuvent me plaire. Je n’aime le calcul en musique que lorsqu’il aboutit à des systèmes d’équations absurdes et irrésolvables, ce qui n’est pas le cas ici. Avec ses cuivres dignes de Foetus et son riff rock’n’roll, le bien nommé Milk Lizard aurait été une totale réussite sans ce pont mélodramatique où le chant reprend tous les poncifs horrifiants et horripilants que l’emo américain a en commun avec les groupes de hair metal des années 80.
Le cas de ce groupe (et de son label, Relapse) me semble aussi assez compréhensible si on ne s’intéresse qu’au côté spectaculaire de sa démarche : site internet et page myspace sont truffés de bannières à télécharger et à placer sur son site à soi perso, Relapse envoie des messages tous les jours à sa mailing list pour faire le compte à rebours de la sortie de l’album (c’est pour le 13 novembre), bref tous les moyens sont employés pour vendre un produit alors que ces moyens sont le pourquoi même de l’abandon de la musique car ils n’en traduisent que l’aspect mercantile. Bientôt les sonneries pour téléphone portable signées Relapse ? Il existe des labels intelligents qui croient encore à ce qu’ils font et ce qu’ils sont et qui en vivent. Du moins c’est ce que j’espère toujours.

Une vieille connaissance que j’ai croisée récemment était folle de joie à l’idée de reprendre ses études. Ainsi elle va pouvoir abandonner son travail dans un supermarché culturel et obtenir une licence, peut être plus, en ne perdant pas l’idée de vue que les disques ne se vendent plus : le chiffre d’affaire a été divisé par deux en trois années et la direction de son entreprise ne cache pas qu’elle va laisser l’activité s’éteindre d’elle-même et en finir une bonne fois pour toutes avec les supports. Tout ça parce que des petits malins piratent la musique ? Bizarrement il m’a toujours semblé que le piratage est une des formes ultimes du libéralisme, haha. Alors pourquoi le condamner ?

dimanche 4 novembre 2007

On/Off : Scorn @ Riddim Collision

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Mercredi 31 octobre -veille du jour où tout le monde feraient mieux de manger ses morts au lieu de s’offrir des fleurs par cadavres interposés- et c’est le gros plan lose : j’avais le choix entre trois concerts et je n’en ai fait aucun. J’aurais pu choisir entre du poinque aus Frankreich organisé par des vieux cafards encore fringants, de la pop moderne et dansante (ou quelque chose comme ça) et la première soirée du festival Riddim Collision à l’Epicerie Moderne avec entre autres Strings Of Consciousness et Double Nelson -cette dernière option avait d’ailleurs ma préférence, et même très nettement. Au lieu de ça, j’ai préféré la version grog/pantoufles/robe de chambre à la maison et je crois que si j’avais pu disposer de l’option interrupteur derrière l’oreille pour débrancher mon cortex cérébral de toutes velléités de fonctions vitales je l’aurais fait, en un mot comme en cent : j’étais crevé.
Bien décidé à remonter la pente je m’étais juré de me rabattre sur le concert de Scorn du samedi 3 novembre, toujours dans le cadre du Riddim Collision. Lequel festival a eu quelques problèmes de localisation, le chapiteau initialement prévu pour les quatre soirs a été remplacé par quatre lieux différents (et avec toute l’organisation que cela suppose : démontage et remontage tout les jours d’un imposant matériel et de toutes les infrastructures, ouch) et pour le 3 novembre cela se passait au marché de gros, maintenant fermé et délocalisé en périphérie parce que devenu trop petit pour subvenir aux besoins alimentaires d’une agglomération toujours grandissante et vorace. Une friche industrielle, quoi, bientôt démolie et sûrement remplacée par des immeubles haut standing (pognon inside) et peut être le genre de lieu parfait pour assister à un concert de musique électronique lourde.






















En fait la configuration est assez bizarre, tout en long mais l’installation a été bien pensée, il y a eu un sacré travail de fait. Passés les golgots de l’entrée je débouche dans une grande cour, il y a des braseros pour se réchauffer, des stands de marchandising, de quoi boire et un peu de monde. Il est 10 heures et le deuxième groupe de la soirée, Uzul Prod (alias Uzul de Kaly Live Dub et Tit’o de Picore) vient juste de commencer. Le son fourmille d’idées rebondissantes d’inspiration ethniques véhiculées par des (grosses) basses et des beats entraînants mais a parfois du mal a tout contenir, plus particulièrement la guitare de Tit’o n’est pas toujours très discernable et c’est regrettable, j’adore le son de ce guitariste que l’on peut rapprocher de celui des Cure aux débuts des années 80, avec un peu plus de lyrisme peut être. En tout cas pas mal de reverb.
Juste après c’est le tour de Scorn. Mick Harris arrive et avec sa casquette camouflage, son visage rond et son petit nez retroussé il me fait penser au chasseur crétin qui passe son temps à poursuivre Bugs Bunny -tout ça sans avoir bu une seule bière, n’importe quoi. L’avantage des soirées électro c’est que les changements de plateaux sont minimes. L’inconvénient est qu’il n’y a aucun spectacle, pourtant tout est configuré comme pour un concert normal : un public devant une scène et qui regarde ce qui s’y passe -en général pas grand-chose, donc gare si la musique est mauvaise.
Mick Harris balance ses premières boucles, celles qui en général servent de trame mélodique/décorative à sa musique et le son est déjà très fort : j’en déduis que lorsque les basses et les rythmes vont arriver cela va vraiment être d’une violence énorme et effectivement c’est un véritable souffle qui aspire le public qui s’est massé pour assister au concert de Scorn. La principale différence avec les enregistrements studio -outre le niveau sonore- c’est que le mix est bien différent : les basses et les rythmes s’ils restent prépondérants sont moins dominateurs, ainsi des fioritures toujours plus élaborées feront leur apparition tout au long de ce concert non-stop (quasiment une heure), apportant un formidable relief aux fréquences basses implacables des canevas rythmiques. Petit à petit une sorte de mécanique ondulatoire s’est emparée de moi pour ne plus me lâcher, les échos métalliques des beats lourdissimes imprimant un inéluctable mouvement. Tout est oublié, le froid, les parois de verre qui vibrent sur ma droite, les boomers déchirent l’atmosphère -ce n’est pas la prestation de Mick Harris en elle-même qui remplit le rôle du concert mais c’est bien le son, glacial mais dantesque, lourd mais irrésistible, qui est tout simplement spectaculaire. Voilà ce que devrait toujours être un concert electro. Pour finir, Mick Harris transforme Scorn en Lull, c'est-à-dire son projet ambiant, et balance d’énormes nappes de son tourbillonnant pendant quelques minutes. Les rythmes ne reprendront pas mais je suis totalement comblé.

Au sortir de Scorn je n’en peux vraiment plus. Dans la cour il me semble qu’il y a plus de monde que lorsque je suis arrivé tout à l’heure. Un coup d’oeil sur le déroulement du programme m’apprend que l’excellent Enduser ne jouera pas tout de suite après mais plus tard dans la nuit alors je n’hésite pas une seule seconde, je reprends mon vélo pour retraverser la ville dans l’autre sens, je m’accompagne mentalement des pulsations rythmiques que Mick Harris a laissées imprimées dans mon cerveau et lorsque j’arrive chez moi, plus rapidement que d’habitude, je n’ai alors aucun mal à trouver ce fameux interrupteur derrière l’oreille pour me déconnecter totalement de toute réalité.

samedi 3 novembre 2007

Petites culottes

Mon principal problème avec PRE, c’est que les membres de ce groupes essaient vraiment de ressembler à ce dont ils voudraient bien que l’on croit qu’ils soient, autrement dit ils ne se déguisent pas pour créer une quelconque distanciation ou au contraire pour interpeller le quidam qui regarde ailleurs, mais ils se déguisent en jeunes gens chaotiques de bon goût uniquement pour faire bien : ils ont les mêmes mèches de cheveux qui leur tombent devant les yeux que les Plastinaasts, ils évitent de se raser parce que ça va bien avec leurs lunettes en plastique et la chanteuse -Ah ! la chanteuse- est la reine de la petit culotte. Si les gens ressemblaient pour de vrai à ce qu’ils sont réellement ce serait la plus effroyable des catastrophes mais ce n’est pas une raison pour vouloir ressembler à ce que l’on est pas, du moins ce n’est pas une raison pour se conformer à une image stéréotypée.
De stéréotypes il est également question avec la musique de Pre qui résume parfaitement les dernières aspirations du label Skin Graft, lequel a visiblement du mal à se remettre du choc (et de la séparation aussi) d’Arab On Radar -guitares stridentes et rythmiques primaires sont au programme. Rajoutez à cela un chant hystérico-prépubère dans la droite lignée de celui de mademoiselle Yasuko Onuki et le tour est joué, ou presque. Presque parce que Skin Graft nous a déjà fait le coup l’année dernière avec Aids Wolf et sa chanteuse à peine plus dénudée -en vérité tout ça est bien fatiguant.





















Mises à part toutes ces remarques de vieux con réactionnaire et détenteur de l’ultime secret rock’n’roll, Epic Fits, le premier album de Pre, est absolument formidable. Du moins pour tous les accros au diptyque Arab On Radar/Melt Banana (voir la description au dessus) qui achètent tous les disques publiés par Skingraft -mais il y en a bien qui se ruent sur toutes les publications Ipecac, Southern Lord ou Hydra Head sans se poser plus de questions alors pourquoi pas. Il y a donc vraiment de très bonnes choses sur Epic Fits comme le chant de Drool alternativement angélique et crié, ce n’est pas nouveau mais cela reste très efficace. Au milieu de Scenes From A 1963 Los Angeles Love-In il y a un long passage de guitares tricotant un maillage parfait qui va se resserrant inexorablement avant de se relâcher, allant presque jusqu’à l’atténuation, avant que la rythmique ne reparte de plus belle en laissant le champ à nouveau libre à la voix. Sur Popping Shower, Pre refait le coup des guitares répétitives qui s’éternisent mais avec de la trompette cette fois ci. Pour le reste, certains titres passent comme des météorites en fusion (Know Your Teachers) alors que d’autres se veulent légèrement plus groovy (And Prolapse) mais l’essentiel est que cela dure rarement plus de deux minutes -deux minutes de coït intense, désolé mais j’ai quand même du mal à oublier toute cette profusion de petites culottes- et les quinze titres de cet album totalisent à peine vingt sept minutes, là aussi la norme est respectée. La seule chose qui m’étonne réellement c’est que dans le line-up de Pre il n’y a qu’un seul guitariste et deux bassistes, j’ai un peu de mal à différencier les deux basses ou même à différencier l’une d’elles d’une simple guitare lorsque j’écoute l’album, mais après tout ce n’est sûrement pas très grave.
A noter pour finir que ce disque existe en édition limitée et numérotée à 1250 exemplaires, emballée dans une jolie petite boite en fer pour faire joujou : dedans on peut mettre tout le nécessaire du chien de Barbie comme on y peut y ranger la seringue hypodermique qui servira à la dose quotidienne -c’est encore toute l’ambiguïté du truc, prétendre faire du sale avec du propre et ça aussi c’est énervant.

vendredi 2 novembre 2007

Burn, baby, burn

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Jusqu’ici, lorsque j’écoutais les deux précédents disques de Clockcleaner, je pensais invariablement à un bouquin d’Harry Crews (Feast Of Snakes je crois) avec cette scène d’anthologie, je résume de mémoire : je te prends, je te retourne, je t’encule puis tu me suces. Ton mari et ma femme sont à côté qui nous attendent, ils s’occupent des enfants. De la poésie du grand sud américain dans toute sa splendeur -du foutre, de la merde et la mort inéluctable au bout du chemin, mais avant il va falloir en baver un minimum, hein, la mort ça se mérite et ça nécessite bien quelques souffrances insupportables. Sinon pas de rédemption.
Les paroles déversées par John Sharkey valent largement les obsessions d’Harry Crews, comme sur Interview w/ A Black Man où un type raconte à un autre qu’il vient de croiser sa copine sortant d’un centre d’avortement au bras d’un autre. Et tout l’album Nevermind (Repitilian records, 2005) est fait du même bois -bien dur et bien droit- celui qui bastonne à grands coups d’histoires au sexisme dégueulasse, racisme ordinaire et homophobie déclarée, un bois qui rend forcément Clockcleaner odieux et insupportable dès que tout ça est uniquement pris au premier degré. Voilà un groupe qui joue sur le fil du rasoir, penche dangereusement d’un côté avant de se rattraper d’un bon coup de rein, au risque cette fois de tomber de l’autre côté et de se ramasser dans son propre vomi. Pour brouiller un peu plus les pistes Clockcleaner a engagé une blondasse à gros seins comme nouvelle bassiste. Puis a enregistré Babylon Rules, disponible depuis déjà de nombreuses semaines chez Load records -un label toujours plus gros qui je l’espère permettra au groupe de gagner suffisamment en notoriété et de faire un tour en Europe et pas seulement un périple des grandes capitales du vieux continent.















Babylon Rules
confirme et surprend. D’abord les accents ouvertement noise rock des disques précédents sont quasiment abandonnés, les Clockcleaner se démarquent des grands anciens et des références un peu trop encombrantes. Fini le chant d’alcoolique en train de taper sa femme et de mordre son chien (l’inverse ?), place à une certaine langueur nauséabonde -la gueule de bois qui a déjà un goût de reviens-y- qui toutefois ne laisse aucun doute sur le caractère violemment sexuel de tout ça. Le principal artisan de ce changement d’angle de vue est une reverb monstrueuse qui transforme le chant en complaintes sanguinaires. Dès le premier titre -New In Town- le ton est donné, ce disque sera lourd et poisseux, avec une vague odeur héritée d’un cadavre en putréfaction planqué dans la tourbe. Deuxième titre, Vomiting Mirrors et son piano stoogien sur une seule note qui démontre que Clockcleaner est également très fort dès que le rythme s’accélère un peu : on a là affaire à un vrai groupe de rock, capable de lâcher un solo de guitare approximatif sans avoir l’air ridicule ou opportuniste, avec des vraies chansons composées de vrais couplets et de vrais refrains, un groupe de rock que l’on tient et qui nous tient par les couilles (le premier qui rira sera une tapette), un groupe qui redore le blason des groupes américains à guitares dans un pays où faire plein de jolies notes et les faire durer le plus longtemps possible est à la mode, une mode exaspérante. La reverb mentionnée un peu plus haut (à propos de la voix) vient aussi gangrener les guitares, et de fort belle manière. Daddy Issues fait même carrément penser à du Gun Club, pas très loin d’un certain esprit du sud (on revient à Harry Crews) et se traduisant par une sorte de rock-a-billy gothique. La basse (une six cordes ou bien une guitare baryton ?) tient toutes ses promesses et n’est pas pour rien dans tout ce déferlement inquiétant de boue et de stupre, difficile de ne pas avoir envie de bouger son corps. Je cours m’acheter à boire et je retourne tout de suite écouter ce disque.